Publié le 11 Feb 2016 - 18:49
MAURITANIE

Le plaidoyer de Mody Guiro en faveur des travailleurs migrants transfrontaliers

 

Venu prendre part, la semaine dernière, au congrès extraordinaire de l’Union des Travailleurs de Mauritanie (UTM), la plus vieille des centrales syndicales de la Mauritanie, Mody Guiro, Secrétaire Général de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS), a appelé ses camarades de la Mauritanie et du Sénégal à prendre en charge les préoccupations des travailleurs migrants transfrontaliers.  M. Guiro a aussi soulevé les aspects de la coopération syndicale entre le Sénégal et la Mauritanie et a soutenu que les leaders syndicaux des deux pays se battent pour l’unité syndicale africaine. Entretien.

 

Quels sont les aspects de la coopération entre le Sénégal et la Mauritanie dans le domaine syndical ?

Le Sénégal et la Mauritanie ont des relations en matière syndicale qui ne datent pas d’aujourd’hui. Depuis les indépendances, il y a eu des relations entre les leaders syndicaux sénégalais et africains. Cette tradition continue et nous même à la CNTS, nous avons des relations de coopération avec cette centrale syndicale, l’UTM, qui est la première centrale syndicale reconnue en Mauritanie. Moi-même je venais souvent participer aux congrès de l’UTM, lorsque mon prédécesseur feu  Madia Diop était là. Au-delà de cela, nous sommes ensemble, avec les quatre principales centrales de Mauritanie, au niveau des organisations syndicales internationales, notamment la Confédération Syndicale Internationale (CSI) pour la région Afrique.

Donc, compte tenu du fait que nous sommes des Africains et aussi des voisins, nous vivons les mêmes problèmes. Nous avons les mêmes défis. Défis en matière des droits syndicaux, défis pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, l’amélioration du pouvoir d’achat, la réduction des inégalités, la lutte pour la protection sociale … Même s’il y a les frontières qui nous séparent, nous partageons ces combats quotidiennement. Nous ne sommes pas isolés. Nous nous parlons, nous échangeons, nous nous conseillons et nous nous battons pour renforcer l’unité syndicale africaine.

Les travailleurs migrants sénégalais voire subsahariens vivent des difficultés au quotidien, dans l’exercice de leurs métiers en Mauritanie, notamment avec la « mauritanisation » de l’emploi. Que pouvez-vous faire pour pallier cette situation des travailleurs migrants ?

Vous savez, la meilleure façon de régler le problème de l’immigration, c’est de donner du travail aux travailleurs nationaux. Quand vous voulez réduire l’émigration ou supprimer l’émigration, vous donnez du travail aux jeunes et aux femmes dans les différents pays. La migration n’est pas un phénomène nouveau. Il est là depuis le début des temps. Il faut donc la comprendre. Maintenant, il faudrait également comprendre que, dans chaque pays, le droit des travailleurs est sacré quels que soient leur statut, leur religion et leur classification.

Ce sont les droits consacrés. Il est évident maintenant, comme vous le dites, que les travailleurs migrants, qu’ils soient en Europe, en Afrique ou ici en Mauritanie ou au Sénégal, je pense que ce sont des travailleurs qui sont à des niveaux différents. Ils sont parfois exploités, victimes de violation, d’inégalité, ou tout simplement victimes de non-prise en compte de leurs droits. C’est dans ce sens d’ailleurs, comme vous le dites, que le secteur informel se développe en Afrique. Parce que dans le secteur formel, que ce soit l’administration ou le privé, aggravé par cette mondialisation de la crise, les emplois ne sont plus créés.

Donc le secteur informel est le seul pourvoyeur d’emplois. Dans certains pays africains, le secteur informel est le seul pourvoyeur d’emplois et occupe presque 65% du PIB. C’est un secteur important. Mais comme je l’ai dit l’année dernière dans mon discours au BIT, le secteur informel, c’est le tunnel qui mène directement à l’émigration clandestine. Donc, il faut faire en sorte que ces travailleurs du secteur informel soient aidés pour tendre vers la formalisation. Il faut que leurs droits soient respectés et ensemble réduire le phénomène de la migration. Mais aussi nous, en tant que syndicats, nous avons développé une coopération entre la Mauritanie et le Sénégal. La CGTM (Confédération Générale des Travailleurs de Mauritanie) que dirige Mohamed Abdellahi dit Naha, la CNTS que je dirige et la CSI, depuis plusieurs années, nous coopérons dans un programme sur la migration.

Nous avons à Dakar et à Nouakchott implanté des bureaux d’informations pour lutter contre la migration clandestine. Mais il faudrait que les camarades syndicaux en Mauritanie comme au Sénégal prennent en charge le sort des travailleurs migrants transfrontaliers. Parce que nous sommes tous des Africains. La mondialisation permet aux marchandises et aux finances de circuler librement. Mais vous voyez, à ce jour, les personnes n’ont pas ce droit, particulièrement en tant qu’Africains ; c’est partout des tracasseries.  Il faut donc faire en sorte que ces travailleurs dits migrants dans nos pays puissent circuler librement, parce que le Sénégal comme la Mauritanie sont des pays de transit et d’accueil vers la migration clandestine.  Mais comme vous le dites, il faudrait que les droits des travailleurs migrants dans nos pays soient respectés et améliorés.

Est-ce que vous échangez assez souvent sur ces questions ?

Beaucoup trop. Nous échangeons  énormément avec l’organisation (CGTM) dont je vous ai parlé tout à l’heure sur des questions en rapport avec la migration.

Par Ibou Badiane, correspondant en Mauritanie

 

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