Publié le 3 Dec 2014 - 13:41
Me EL HADJI AMADOU SALL, MEMBRE DU CD DU PDS

‘’Wade n’a jamais promis de détruire Macky et sa famille’’

 

Me El Amadou Sall ne rate jamais l’occasion de s’en prendre à Macky Sall et à son régime. Dans cet entretien accordé à EnQuête, l’ancien ministre de la Justice aborde plusieurs questions dont le procès de Karim Wade, l’affaire Petro-Tim, la dernière sortie de Wade défiant l’actuel chef de l’Etat…

 

Le procès de Karim Wade a été renvoyé jusqu’au 22 décembre prochain. Qu’est-ce qui explique, selon vous, ce report ?

Nous n’avons aucune explication officielle de ce report. Nous en avons été informés soit par message téléphonique, pour certains, ou par affichage public pour d’autres. Ce procédé est peu habituel dans des affaires de cette nature. Le dialogue judiciaire entre les différents acteurs de la justice est seul en mesure de faire de ce service public une institution qui rassure les citoyens. Mais cette espèce de jeu de ‘’cache-cache’’ porte atteinte à l’idée que les citoyens se font d’une justice transparente et égale pour tous.

 Dans un communiqué rendu public, vous et les autres avocats de Karim Wade dénonciez une tentative de faire un procès à huis clos. Est-ce que vous pouvez être plus explicite ?

Pour nous, avocats de la défense, tout nous indique que l’on veut éviter à tout prix de faire de ce procès un procès public pour que l’opinion tant nationale qu’internationale puisse se faire une idée de la pertinence de l’accusation et du sérieux des moyens de la défense. Souvenez-vous de ce spectacle indigne et hideux de la comparution de Ibrahim Aboukhalil dit Bibo Bourgi dans des circonstances qui ne font honneur ni à notre justice ni à notre pays tant elles heurtent nos consciences. Cette seule circonstance aurait dû suffire pour renvoyer le procès à une date permettant à ce prévenu d’être en mesure de comparaître dignement et de se défendre afin que la justice soit rendue de façon transparente.

Rien n’y fit et il a été interrogé  sur son lit d’hôpital contre l’avis des médecins qui ont arrêté l’interrogatoire après une seule question et qui ont craint un pronostic vital s’ils avaient laissé les juges lui poser d’autres questions. C’est indigne de notre pays ! Et tout cela semble avoir été fait pour éviter que la vérité n’éclate de sorte que la condamnation prévue de Karim Wade puisse se justifier. Ce fut peine perdue. C’est ce qui semble également expliquer que le procès soit renvoyé au-delà du sommet de la francophonie et de son forum des affaires. Ce sera également peine perdue.

Vous avez introduit une demande de liberté provisoire pour votre client. Pensez-vous obtenir gain de cause ?

Maintenant, il est évident que le procès est un procès politique comme le président Macky Sall lui-même le reconnaît enfin. C’est seulement ce caractère politique du procès qui pourrait expliquer son maintien en détention. Mais nous continuerons de nous battre pour qu’intervienne sa libération.

 Quel commentaire faites-vous du limogeage du procureur Alioune Ndao ?

Je n’ai aucun commentaire particulier à faire, sauf à demander à tous ceux qui seraient tentés d’ignorer que les Etats n’ont pas d’amis de méditer sur l’inélégance du procédé pour ne jamais s’écarter de leurs devoirs.

 Certains parlent de pressions qu’il aurait subies parce qu’il voulait faire arrêter certains dignitaires de l’ancien régime comme Madické Niang ou Abdoulaye Diop.

Si tel était le cas, ce serait l’inacceptable confirmation de ce que les nouvelles autorités auraient réussi à faire main basse sur la justice et l’ont soumise pour en faire leur bras armé pour liquider des adversaires politiques. Cela confirme aussi les propos du président de la République qui déclarait avoir mis le coude sur certains dossiers. Sous nos yeux, les nouvelles autorités sont en train de substituer un régime de terreur à notre système démocratique ayant vu deux présidents de la République élus par les urnes, quitter le pouvoir par les urnes.

L’actualité, c’est la sortie de Me Wade qui accuse le président Macky Sall de faire bénéficier son frère Aliou Sall de 30% des actions de Petro Tim. Mais ce dernier s’en défend et déclare que c’est Me Wade qui a signé le contrat avant sa chute. Qu’en pensez-vous ?

Le moment venu, notre secrétaire général national, Me Abdoulaye WADE, apportera lui-même tous les éclaircissements attendus par les Sénégalais (…). Nous disons simplement que nous avons les preuves de ce que nous affirmons. Les Sénégalais, au moment opportun, seront informés  et en tireront les conséquences politiques.

Quand Me Wade promet de détruire la famille de Macky Sall, est-ce qu’il n’est pas allé un peu loin ?

Maître Wade n’a jamais promis de détruire la famille de Macky Sall. Il ne peut faire une déclaration pareille, sauf à déformer ses propos.

Qu’est-ce qu’il a dit donc ?

Il a dit lors de la conférence de presse que Macky Sall veut le détruire lui, sa famille et son parti. Il lui a déclaré la guerre et Wade compte relever le défi, qu’il répondra œil pour œil, dent pour dent. Il n’est pas allé loin si l’on considère que son fils est injustement emprisonné, lui-même et son épouse ayant fait l’objet d’enquêtes infamantes en France, ses comptes bancaires fermés sans raison et ses moindres faits et gestes surveillés, épiés et contrôlés comme s’il était un pestiféré. 

Votre leader  a aussi  décliné l’invitation de Macky Sall pour le  sommet de la francophonie. Au regard des événements (hommage rendus à Diouf, son nom qui a été donné au centre), est-ce que Me Wade n’a pas eu tort de ne pas y aller ?

La reconnaissance du peuple sénégalais constitue la seule satisfaction qui vaille pour Me Wade. Reconnaissons-lui au moins cela. Il n’a jamais tremblé devant l’étranger, fût-il l’homme le plus puissant du monde. Il est partout perçu comme un président qui tenait particulièrement à ce que son pays soit respecté dans le monde entier. Il s’est illustré dans la défense du Sénégal. Il a fait l’essentiel en demandant à tous ses partisans de veiller à la réussite du sommet et il n’a gêné personne, préférant rester tranquillement chez lui en dépit de l’invitation juste formelle qui lui a été faite.

Certains observateurs pensent que Me Wade a été invité en tant qu’ancien chef de l’Etat et non en tant que père de Karim.

Me Abdoulaye Wade a répondu en tant qu’ancien chef d’Etat qui se désole de la violation des libertés et du recul démocratique dans notre pays. Il dénonce les règlements de comptes politiques et l’instrumentalisation de la justice. Peu importe dans ces conditions qu’il soit invité en sa qualité d’ancien chef d’Etat ou de néo-opposant. Les raisons qui justifient son refus sont tout aussi nombreuses que pertinentes. Au demeurant, il a l’immense satisfaction d’avoir marqué ce sommet par sa présence bien visible à travers les infrastructures qui portent son indélébile empreinte. Certaines attitudes larmoyantes sont la mesure d’une certaine présidence marquée par l’immobilisme qu’ont croyait révolu pour notre pays.

Me Wade avait donné un ultimatum de 72 heures à Macky Sall pour démissionner. Le délai a expiré.

Il lui a plutôt posé des questions auxquelles il attend des réponses dans le délai de 72 heures après la tenue du sommet de la francophonie. Ne soyons pas pressés. Ayons la patience d’attendre et d’écouter Me Wade.

 La candidature de Karim Wade en 2017 a été agitée par votre frère de parti  Babacar Gaye. Etes-vous en phase avec ce dernier ?

Nous sommes un parti démocratique. Un grand homme politique avait proclamé : ‘’ que mille fleurs s’épanouissent et que cent écoles rivalisent d’ardeur’’. Notre parti continuera toujours de surprendre par sa capacité à faire face aux exigences des situations et à apporter des réponses démocratiques aux questions posées. Pour chaque candidature, déclarée ou proposée, il y aura débat entre ceux qui sont favorables et les autres. C’est ainsi que la démocratie vit et se renforce pour le bonheur de nos militants et sympathisants.

PAR DAOUDA GBAYA

 

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