Publié le 7 Nov 2017 - 18:08
MENACES TERRORISTES ET MAGAL 2017

L’indifférence de la communauté mouride

 

Evènement de grande ampleur, le Magal de Touba réunit chaque année des millions de fidèles venus des quatre coins du globe. Moment de gratitude et surtout de réjouissance, l’édition de cette année se tient dans un contexte lourd de menaces terroristes qui assaillent déjà la sous-région ouest-africaine. Mais, chez les disciples de Khadim Rassoul, Touba sera épargnée, quoi qu’il advienne.

 

La 123e édition du grand Magal de Touba est partie pour battre le record d’affluence. Déjà, à deux jours de l’évènement, la capitale du mouridisme refuse du monde. Dans certaines artères de la ville de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, il est quasiment impossible de se frayer un chemin, en ce début d’après-midi. Sous un soleil accablant, la plupart des fidèles qui viennent de débarquer dans la ville sont obligés d’arpenter le bitume, faute de moyens de locomotion.

 Presque toutes les issues menant à la grande mosquée de Touba sont bloquées par des barrages édifiés par les forces de police et de la gendarmerie, sur un rayon de plus d’un kilomètre. Les rares charrettes qui s’aventurent à transporter certains pèlerins sont contraintes d’effectuer beaucoup de détours pour pouvoir s’approcher de la grande mosquée. Si elles ne sont pas simplement immobilisées par les forces de l’ordre, elles sont souvent sommées de quitter les artères principales pour ne pas rendre la circulation plus difficile qu’elle ne l’est déjà.

Touba étouffe, en attendant la grande affluence de la veille de la célébration du Magal. Beaucoup de pèlerins attendent souvent la veille ou le jour même du Magal pour rallier la ville sainte de Touba. Ce qui n’est pas sans conséquences néfastes sur la circulation routière qui enregistre beaucoup d’embouteillages. Mais également sur la sécurité routière, dès lors que beaucoup d’accidents sont souvent notés durant les évènements religieux de cette dimension.

L’édition du Magal de cette année se tient dans un contexte international et sous-régional particulier. La ceinture de feu qui menace la stabilité de toute l’Afrique subsaharienne empêche les autorités étatiques de dormir à poings fermés. L’arrestation d’un terroriste à Dakar et la récente alerte lancée par l’ambassade américaine basée à Dakar pour mettre en garde ses ressortissants, ont fini par installer la psychose dans certaines parties du pays. Mais, dans la ville de Bamba, l’on accorde peu d’importance à ces menaces. ‘’Nous n’avons rien à craindre. Serigne Touba veille sur sa ville et jamais personne ne pourrait y perpétrer un attentat’’, jure, la main sur le cœur, un jeune ‘’baye fall’’ (disciple de Cheikh Ibrahima Fall).

 ‘’Aussi secoué et instable que sera le monde, Touba restera toujours indemne. C’est Serigne Touba lui-même qui est le garant de la cité. Touba, c’est sa propriété privée. C’est une récompense divine, après qu’il a affronté le colonisateur, que ce soit sur terre ou sur mer, jusqu’à obtenir la bénédiction de son Seigneur. Ce ne sont pas ces menaces qui vont nous ébranler. Un musulman, a fortiori un disciple de Cheikh Ahmadou Bamba, n’a absolument rien à craindre, à part le créateur de l’univers’’, psalmodie-t-il. Avant d’ajouter : ‘’Qu’est-ce que le Blanc n’a pas fait pour réduire à néant Serigne Touba ? Il l’a enfermé dans une chambre avec un lion affamé, il l’a mis dans un four. Il a tout tenté pour se débarrasser de lui. Mais il n’a pas pu y parvenir. Donc, nous n’avons aujourd’hui rien à craindre’’, déclare-t-il avant de se fondre dans la masse.

Cette perception de la menace terroriste est, en effet, le sentiment le plus partagé dans la communauté mouride. La ville de Touba, selon celle-ci, est tellement sacrée qu’aucun acte malintentionné ne peut y prospérer. ‘’Nous n’avons pas peur et nous ne pouvons pas l’être. Ce que Serigne Touba nous a enseigné et légué comme prières et incantations nous suffit largement pour conjurer le mauvais sort, d’où qu’il vient’’, défend, pour sa part, Mor Cissé. Ce trentenaire originaire de Serrekunda, en Gambie, reste persuadé que, quoi qu’il advienne, Touba sera épargnée. ‘’Les terroristes ne pourront même pas fouler le sol de Touba, même s’ils le voulaient. C’est Dieu lui-même qui veille sur la ville de Cheikh Ahmadou Bamba’’, croit-il savoir fermement.  

Même si dans la cité religieuse de Touba, la menace n’est pas prise au sérieux, force est de souligner qu’elle est pourtant bien réelle. Notre pays résiste au phénomène, depuis l’éclatement de la guerre dans le nord du Mali, à la porte même de nos frontières, au moment où des pays comme la Côte d’Ivoire, le Niger et le Burkina Faso sont frappés. C’est d’ailleurs pour parer à toute éventualité qu’un important dispositif sécuritaire a été déployé à Touba. Les effectifs déployés sur le terrain ont été renforcés pour assurer la sécurité de tous les pèlerins, tout au long du Magal.  

ASSANE MBAYE (ENVOYE SPECIAL)

 

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