Publié le 23 May 2019 - 15:24
MEURTRES ET VIOLENCES AU SENEGAL

À qui la faute ?

 

Les meurtres et violences existent partout dans le monde, sans exception. Il y a des meurtres et des violences qu’aucune police au monde ne puisse prévenir ou arrêter. Certes, des efforts sont à faire dans le sens de la sécurité, mais le mal est plus profond que cela et nous utilisons le malheur des gens pour en profiter soit politiquement soit à d’autres fins. Il est temps, ensemble, de faire face aux problèmes de notre société et de trouver des solutions durables.

Rappel de quelques sauvageries

Une élève de 11 ans à Warkhokh a été violée par son directeur d’école. Ce dernier vivant dans la même maison que l’élève, a abusé de la fillette et le viol a été confirmé par la structure sanitaire du village. À Touba, Fallou Niang, âgé de 20 ans a été surpris en train d’abuser d’un jeune talibé âgé de moins de 10 ans dans les toilettes. Il reconnaîtra les faits et reconnaît avoir violé le jeune talibé à deux reprises et aussi deux de ses cousines.

À quelques jours de la tabaski, un jeune a été tué par coups de couteau à Guédiawaye, après que ses agresseurs lui aient dépouillé de ses biens, il est mort sur place. Durant la même période, un autre tailleur a été tué par son ami à cause d’une dispute banale. À Thierno Kandji, dans la commune de Diourbel, Babacar Faye tue son ami Modou Sene qui devait passer le baccalauréat, à cause d’une carte de mémoire. Babacar va l’assener de coups de pilons qui vont le tuer. Une fillette de deux ans a été retrouvée la gorge tranchée à Pikine, un individu s’est introduit dans la chambre de de sa mère pendant que cette dernière était momentanément absente.

L’imam de Darou Salam, a été retrouvé mort dans sa chambre, à Sicap Mbao. Le suspect n’est autre que le fils du défunt qui apparemment ne jouit pas de toutes ses facultés mentales A la veille de la Korité, Hélène Goudiaby est tuée et son corps est retrouve dans la malle de son véhicule. Le suspect dira aux enquêteurs qu’il avait besoin d’argent pour la fête de la Korité en faisant irruption dans la maison de la victime. Un tailleur est accusé d’avoir abusé d’un malade mental à Pikine. Il l’a forcé dans les buissons avant de le violer. N’oublions pas les affaires d’usurpation de fonction avec le faux douanier et le faux gendarme, la mort par balle du douanier Cheikhou Sakho, la mort de Cheikh Ndiaye, brûlé vif par son épouse aux Maristes, du professeur poignardé par son élève à Ngohé, et l’enlèvement des enfants dont Serigne Fallou Diop, un enfant de 2 ans qui a été retrouvé mort.

Etat des lieux

Les statistiques dont nous disposons nous disent qu’au Sénégal il y a moins de 40 psychiatres et ces derniers sont très mal repartis à travers le territoire national. Près de 95 % de ces psychiatres sont à Dakar et il n’y avait que quatre régions qui avaient des psychiatres sur place. Au Sénégal, le ratio est de 1 psychiatre pour environ 500 000 habitants, largement en deçà des normes qui sont de 1 psychiatre pour 10 000 habitants (OMS). L’hôpital le plus connu pour accueillir les malades mentaux est l’Hôpital de Fann qui ne dispose pas assez de lits, sinon il y a l’Hôpital de Thiaroye, Saint-Jean de Dieu, Emile Badiane et le centre Dalal Xel. Il n’y a pas assez de lits pour s’occuper des malades mentaux. Les Sénégalais se portent mieux et vivent plus longtemps, donc il faut se préparer conséquemment pour faire face à cette situation. La répartition inégale des médecins est extraordinaire, on compte plus de 80 % des médecins et 85 % des pharmaciens à Dakar. Le budget de la santé est de 198,5 milliards de FCFA, un budget légèrement augmenté, mais toujours très insuffisant par rapport aux besoins.

Il faut aussi savoir que l’espérance de vie a augmenté et que la population sénégalaise a exponentiellement accru aussi. En 2000, nous étions 9 500 000 Sénégalais et en 2019, nous sommes un peu plus de 16 000 000 de Sénégalais. Entre 2000 et 2003, la population urbaine des pays pauvres passera de 2 milliards à 3 milliards, ce qui donne une croissance annuelle de plus de 4 %. La croissance démographique et l’exode rural sont les principales raisons de cette dynamique de peuplement des grandes villes. Comme nous n’étions pas préparés pour faire face à ce fléau, on assistera ainsi à l’apparition spontanée de plusieurs quartiers sans plan foncier. Ce problème de politique d’urbanisation est à l’origine de beaucoup de problèmes dont l’éclairage public, le manque de poste de sécurité entre autres. Cet exode rural, accompagné de la pauvreté, crée une situation d’entassement dans les maisons où les chances de violences augmentent.

Il faut rappeler que le Sénégal est un pays pauvre, très pauvre d’ailleurs, car faisant même partie des 25 pays les plus pauvres au monde à un moment. Après la première alternance politique du Sénégal, les régimes en place ont voulu faire bouger les choses pour sortir le Sénégal de la pauvreté. Malheureusement, leur politique n’a fait qu’accroître les inégalités, l’approfondissement des exclusions. Les jeunes ne trouvaient pas de travail, ni l’accès au logement. Et il faut noter que parmi les violences dans notre société, la plus récurrente est celle liée à la pauvreté. Il faut aussi noter que tous les pauvres ne sont pas violents, mais ceux d’entre eux qui sont violents n’ont pas trop le choix en raison de leur situation socioéconomique. Il faut encore noter que nous sommes chanceux que le Sénégal soit un pays très religieux où les gens se conseillent mutuellement de faire le bien. Qu’est-ce qui est plus révoltant pour une jeune personne, diplômée ou pas, de ne pas pouvoir subvenir à ses besoins, de ne pas pouvoir aider ses parents, et de ne pas pouvoir prendre en charge sa famille ? Pendant ce temps, on voit les dirigeants gaspiller de l’argent, vivre en sécurité, et être à l’abri du besoin. Tôt ou tard, cette injustice créera une révolution dans un tel pays !

Que faire ?

Certains crimes et délits peuvent cependant être évités, mais pour le faire, il faut renforcer la sécurité du pays, et surtout l’efficacité, en les formant de manière sérieuse et en les dotant des ressources dont ils ont besoin pour mieux accomplir leur tâche. Il faut que le gouvernement élabore une politique sécuritaire à mettre en œuvre sur le territoire. Il faut aussi sensibiliser la population pour qu’elle participe au renforcement de la sécurité, mettre en place la police de proximité dans les quartiers réputés hauts risques, en y menant des patrouilles surprises. Pour que cette politique réussisse, il faut la volonté des autorités à tous les niveaux. N’oublions pas qu’aujourd’hui le crime peut être commis sur un intrus et demain, il pourra être commis sur nous et ou notre famille.

Il faut impérativement que l’Etat réponde au chômage brutal qui touche presque toute la population, surtout celle qui est peu ou pas du tout qualifiée. Ces jeunes sont privés de tout espoir d’un lendemain meilleur, et pour la plupart, ils ont démissionné et la société ne les considère pas du tout. Cette exclusion crée des troubles chez ces jeunes, et ils seront facilement des proies pour le terrorisme ou ils useront de la drogue pour devenir violents et commettre des atrocités. La population qui a poussé ces jeunes à devenir violents, reviendra les blâmer pour leurs actes, alors que c’est cette population qui a poussé ces jeunes à la violence en les ôtant de leur dignité, en les marginalisant et en coupant le lien social. Il faut que nous arrêtions l’hypocrisie. Notre société considère plus ceux qui ont les moyens et rejettent ceux qui n’en ont pas et leur opinion ne compte pour rien. Quand une personne n’a plus d’espoir ni rien à perdre, que pensez-vous qu’elle est capable de faire ?

Au Sénégal comme partout dans le monde, la santé mentale est considérée comme un échec personnel, un échec familial et c’est un sujet tabou. Quand quelqu’un souffre de troubles de la personnalité, on a tendance à dire qu’il s’agit de la maladie des « blancs », alors que c’est une maladie sérieuse, qui, si elle n’est pas traitée peut devenir très grave. Des mesures n’ont jamais été prises pour s’occuper de ces cas et leur fréquence en fait un problème de santé publique. Le Sénégal est un pays pauvre, un pays où la constitution légalise la polygamie, donc les gens traversent des problèmes au jour le jour. Combien de fois l’annonce d’une coépouse a fait apparaître des troubles chez les femmes, qui peut les pousser à commettre des atrocités ou même à commettre le suicide.

Il est temps que la polygamie soit appliquée de manière juste ; comment un homme incapable de gérer son foyer puisse se permettre de prendre une seconde épouse ? Des fois, nous avons peur de dire la réalité telle qu’elle est, notre société est malade. Il faut que la fille ait sa place dans la société, il faut qu’elle soit arrêtée d’être vue comme un objet. C’est au gouvernement de s’assurer que les filles sont scolarisées et que des bourses sont créées pour les encourager à poursuivre des études supérieures. La place de la femme n’est pas dans la cuisine ni à la maison, sa place est de faire partie du développement de notre pays. Combien de fois critique-t-on une femme qui ne cuisine pas bien ? Combien de fois la femme sénégalaise est mise au second rang par son mari, qui use de la religion quand ça l’arrange ? Il faut que cela cesse. Trop c’est trop.

Le stress de trouver du travail ou de le perdre est un sérieux problème au Sénégal, c’est souvent ce stress qui crée d’autres troubles psychologiques qui doivent être pris en charge le plus vite possible. Personne ne devait craindre de perdre son emploi, l’Etat doit impérativement agir pour faciliter la création d’emplois durant ce quinquennat, pour que les femmes et les hommes puissent avoir accès au logement et que les maisons ne soient pas remplies de personnes, ce qui peut créer la chance pour ceux qui souffrent de troubles, de commettre l’irréparable. Violences ou viols sont souvent commis dans les maisons où la famille est large plutôt qu’une famille nucléaire. Tout est lié à la pauvreté, nous pouvons dire ce que nous voulons, mais tant que la pauvreté endémique n’est pas diminuée, et des emplois créés, les violences continueront au Sénégal. Que chaque partie prenne ses responsabilités.

Mohamed Dia

 

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