Publié le 13 Jun 2018 - 10:16
MIGRANTS

L’Aquarius fait tanguer l'UE

 

L'Aquarius et les 629 migrants qui se trouvent à bord font route vers l'Espagne. L'Italie et Malte ont refusé de l'accueillir. La France, elle, est restée silencieuse jusqu'à ce que l'Espagne se dévoue pour recevoir l'Aquarius. L'attitude de Paris a été critiquée par les députés de gauche, mais également au sein même de La République en marche. Par ailleurs, l'UE a annoncé vouloir tripler son budget consacré à la crise migratoire et en Allemagne, la ligne de friction traverse désormais ouvertement la nouvelle coalition et le parti conservateur d'Angela Merkel.

 

« Il n’y a rien à comprendre. On les accueille et on verra après ». Sonia Krimi est en colère. La députée marcheuse pousse un coup de gueule contre sa famille politique. « Je n’apprécie pas que notre groupe n’ait pas une position forte sur ce sujet et qu’on soit obligé d’attendre un ministre aujourd’hui pour nous dire effectivement ce qu’il va faire. Non », dit-elle.

Pour Sonia Krimi, la France fait la « politique de l'autruche ». Sa collègue Anne-Christine Lang est moins virulente, mais elle est tout aussi mal à l'aise avec le silence de l’exécutif français. « Je crois que quand il y a des situations dramatiques, il faut pouvoir faire des exceptions surtout quand on est la France. »

La gêne est palpable dans la majorité. A tel point que certains préfèrent ne rien dire comme Sacha Houlié. « Je ne veux pas commenter ce genre de chose parce que je ne veux pas commenter ce genre de chose ».

Face au malaise, Richard Ferrand, le chef du groupe LREM, s'énerve et rappelle ses troupes à l'ordre.

« Mon Dieu, ce n’est pas un problème politicien, c’est un problème d’humanité. Il est inutile de rivaliser de sottises pour dire " la France ceci, la France cela ". Nous sommes aux côtés des Espagnols, comme de celles et ceux qui décideraient d’accueillir ces migrants. Voilà ce qu’il faut comprendre », lance-t-il.

Dans l'hémicycle, le Premier ministre Edouard Philippe propose l'aide de la France à l'Espagne, sans donner de réponse à l'urgence. Face aux critiques sur le silence de Paris, le chef du gouvernement a défendu la réaction française.

 « On peut faire les belles âmes, mais on fait quoi pour les prochains bateaux ? », s'inquiète une députée de la majorité qui craint un effet d'appel d'air.

Gérard Collomb a invité ses homologues italien et espagnol à Paris « dans les prochains jours » pour « approfondir le dialogue » sur les questions migratoires.

L'UE veut tripler son budget consacré à la crise migratoire

Le commissaire européen à la Migration, le Grec Dimitris Avramopoulos, a annoncé ce mardi une multiplication par trois du futur budget (2021-2027) alloué aux contrôles des frontières et à la migration, dans le cadre d'une conférence de presse organisé à Strasbourg. Il s'est également exprimé sur l'Aquarius. Il veut remettre cette affaire en perspective.

« On s'est beaucoup concentré sur le navire Aquarius, mais il ne s'agit que d'un seul bateau et d'un seul incident. 937 autres personnes viennent juste d'être sauvées par les garde-côtes italiens et sont en train d'être transportées vers Catane (en Sicile). Donc l'Italie continue de prendre ses responsabilités. La Commission va donc continuer de soutenir l'Italie, politiquement, opérationnellement et financièrement. Le nombre d'arrivées en Méditerranée, qui a baissé, est le résultat d'une bonne coopération et d'efforts conjoints. Pour rappel, le nombre de migrants arrivés sur les côtes italiennes a baissé de 78% par rapport à l'an dernier. Jusqu'à présent on compte quelque 13 000 arrivées contre environ 90 000 l'an dernier. »

 Frictions à Berlin sur l'accueil des réfugiés

Alors que le scandale de l'Aquarius semble diviser un peu plus les Européens, en Allemagne, la ligne de friction traverse désormais ouvertement la nouvelle coalition et le parti conservateur d'Angela Merkel. En désaccord avec sa cheffe, le ministre de l'Intérieur, le chrétien bavarois Horst Seehofer, a renoncé mardi à présenter les grandes lignes de sa politique migratoire et annulé sa participation au sommet sur l'intégration de ce mardi, organisé par la chancellerie.

Entre Angela Merkel et le conservateur bavarois Horst Seehofer, les tensions menacent de tourner au vinaigre sur la question des réfugiés. Seehofer, en campagne électorale en vue des élections régionales de Bavière à l'automne, prône la reconduction à la frontière de tout demandeur d'asile déjà enregistré dans un autre pays et il réclame la construction de centres fermés dans lesquels les demandeurs d'asile devraient séjourner pendant toute la procédure d'examen de leur dossier.

Angela Merkel qui a déjà considérablement serré la vis à sa politique de l'asile s'oppose aux renvois à la frontière qui aggraveraient en bout de chaîne la crise migratoire en Italie ou en Grèce et veut maintenir le dispositif actuel qui permet aux demandeurs d'asile déboutés de faire appel. Dans 40% des cas, la justice casse finalement l'avis négatif de l'Office des migrations.

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