Publié le 9 Apr 2019 - 16:47
MINISTERE DE LA CULTURE

Les réussites et échecs d’Abdou Latif Coulibaly

 

La culture a un nouveau patron. Il s’appelle Abdoulaye Diop et remplace Abdou Latif Coulibaly. Il a désormais également en charge la Communication en remplacement d’Abdoulaye Bibi Baldé. Au ministère de la Culture, son prédécesseur y a fait un travail remarquable sur lequel ‘’EnQuête’’ revient. Mais tout n’a pas été rose. Au nouveau de les corriger.

 

Quand on a annoncé la nomination d’Abdou Latif Coulibaly au poste de ministre de la Culture, en septembre 2017, beaucoup avaient des appréhensions. Certains résumaient son rapport à ce secteur à son statut d’écrivain. En vingt-neuf mois à la tête de ce département, il a démontré le contraire. Son vécu dans les rédactions lui a beaucoup servi. Il fallait le voir, très à l’aise, se remémorant de vieux souvenirs de discussions épiques avec des doyens du cinéma. Il fallait le voir parler passionnément de la belle époque des arts plastiques, avec l’école de Dakar. Il fallait le voir parler de l’édition et même des cultures urbaines. Des exemples de ce genre, on peut en citer encore.

A cette connaissance, s’ajoutait une ouverture d’esprit et une curiosité sans égale. Là également, son statut d’ancien journaliste a pesé sur la balance. Ce qui lui a permis un passage remarquable et remarqué au ministère de la Culture. Abdou Latif Coulibaly est arrivé à un moment où la diplomatie culturelle faiblissait. Son prédécesseur, Mbagnick Ndiaye, n’accordait pas toujours beaucoup d’importance aux rencontres internationales. Sinon, comment comprendre son absence à l’édition 2017 du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), au Clap Ivoire 2016, etc. Quand Abdou Latif Coulibaly est arrivé, il a corrigé cela. Il accompagnait les artistes presque partout où ils devaient représenter le Sénégal. En atteste sa présence au dernier Fespaco, ainsi qu’à la dernière édition des Journées cinématographiques de Carthage où le Sénégal était d’ailleurs pays invité d’honneur.

Au niveau national, il a souvent rehaussé de sa présence beaucoup de manifestations initiées par des acteurs culturels privés, donnant ainsi un cachet officiel à ces évènements.

Abdou Latif Coulibaly n’a pas fait qu’accompagner moralement les acteurs culturels. C’est sous son ère que certaines structurations ont été entamées dans le mode de financement des activités culturelles. Pour plus de clarté, d’indépendance dans les choix et afin de donner à tous les mêmes chances d’accès aux fonds, le ministère de la Culture avait initié des appels à projets trimestriels ouverts à tous les acteurs du secteur. Une manière de formaliser également les choses. Car les prétendants devaient écrire des projets avec un budget détaillé. Il ne suffisait donc plus d’envoyer une lettre pour être soutenu.

Abdou Latif Coulibaly pourrait, par ailleurs, s’enorgueillir du fait que c’est sous son magistère qu’une certaine nouvelle orientation est donnée à la politique culturelle. Il a prêché pour l’autonomie financière des acteurs culturels. Il a travaillé pour que la culture soit un levier de développement comme l’est l’économie. C’est dans ce sens qu’un travail sérieux a été fait pour finaliser les textes sur le statut de l’artiste. Lequel est terminé et le premier draft devrait être présenté officiellement dans quelques semaines, tel qu’annoncé il y a quelques jours par le secrétaire général du ministère de la Culture, Birane Niang. Pendant les 29 mois passés au ministère de la Culture, Abdou Latif Coulibaly a pu convaincre le président de la République d’augmenter les budgets alloués à divers secteurs. La plupart sont passés du simple au double. Il en est de même pour les enveloppes allouées aux grands prix du chef de l’Etat pour les Arts et les Lettres.

Les chantiers qui attendent Abdoulaye Diop

Par ailleurs, la plus grande réussite, sans aucun doute, du ministre de la Culture sortant, est qu’il est arrivé à discipliner les fonctionnaires de son département. Dans ce secteur, les gens n’avaient aucun respect pour la ponctualité. Un évènement devant débuter à 9 h pouvait commencer à 12 h sans choquer ceux qui l’avaient initié. Avec M. Coulibaly, les choses avaient changé, après la présentation de la lettre de politique sectorielle en 2018. Publiquement, il avait rappelé à l’ordre tous les chefs de service. Depuis, là où il devait être, tout le monde venait à l’heure, au grand bonheur des journalistes.

Le nouveau ministre de la Culture, Abdoulaye Diop, doit faire preuve de la même fermeté pour que règne au moins l’ordre dans ce ministère. Cette même fermeté, Abdou Latif Coulibaly savait en user pour rappeler à l’ordre les artistes zélés, capricieux, souvent des maîtres chanteurs qui ne sont mus que par leur propre intérêt. Le prochain ministre a intérêt à adopter la même attitude.

Abdoulaye Diop n’aura pas la tâche facile. Il y a beaucoup à faire au ministère de la Culture et les attentes sont nombreuses. On attend qu’il continue ce que le sortant avait commencé, mais également qu’il corrige ce qu’il a raté. L’un des points faibles du magistère de M. Coulibaly est la gestion de la Mutuelle des acteurs culturels. A ce jour, l’on ne sait pas réellement comment marche cette mutuelle. Tout ce qui a été bien est la forte adhésion. Car il était exigé à tous les soumissionnaires aux différents fonds du ministère de la Culture d’avoir une carte d’adhésion à la mutuelle. Abdoulaye Diop gagnerait à rendre beaucoup plus transparente la gestion tant décriée de celle-ci.

Un travail est récemment entamé dans le secteur du quatrième art pour identifier les différents problèmes du théâtre et élaborer les voies et moyens pour les résoudre. Le travail va-t-il se poursuivre ou va-t-on changer les hommes déjà choisis ? La question se pose et l’on est dans l’expectative. Quoi qu’il en soit, le nouveau ministre gagnerait à terminer ce qui est entamé afin que le théâtre ait son fonds dédié, puisque c’est la doléance première des comédiens, depuis plusieurs années.

Dans le septième art, la question ne se pose pas. Car toutes les réformes annoncées dernièrement sont des décisions prises par le président Macky Sall lui-même. Donc, le ministre ne peut qu’appliquer les instructions. Pour la danse, le document est déjà finalisé, dans lequel est identifié tous les problèmes et des solutions y sont proposées. Il ne reste que la mise en place d’un fonds dédié pour que ce secteur prenne son envol.

Certains attendent des changements dans le choix des hommes. De l’ère Mbagnick Ndiaye à celle Abdou Latif Coulibaly, ce sont presque les mêmes qui sont aux mêmes postes. Les jeunes cadres du ministère de la Culture espèrent quelques changements avec la venue d’Abdoulaye Diop. Surtout qu’il y a des directeurs qui sont à la retraite, depuis quelques années et qui peuvent être remplacés par des jeunes qui en ont les compétences. On croise des doigts quelque part car, depuis quelques années, les jeunes espèrent avoir leur chance dans ce ministère. Quelques-uns, découragés, sont partis monnayer leurs talents ailleurs.

Abdoulaye Diop aura beaucoup à faire, parce qu’en plus des divers chantiers de la culture, attendent ceux de la communication. Si Abdou Latif Coulibaly n’était que ministre de la Culture, lui cumule ce département avec celui de la Communication. M. Diop hérite ainsi des dossiers d’Abdoulaye Bibi Baldé. Dans ce département, le dossier le plus pressant est celui du Code de la presse. L’Assemblée nationale a voté le projet de loi, il ne reste plus que les décrets d’application. Cela fait deux ans et les professionnels et techniciens de l’information attendent toujours. Le dossier de réforme de l’Agence de presse sénégalaise (Aps) est sur sa table. Il est également une urgence à régler.

BIGUE BOB

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