Publié le 25 Sep 2016 - 20:21
MINISTRES ABSENTS DE LA SCENE MEDIATIQUE

Les invisibles du gouvernement

 

Il y a de ces ministres qui occupent des départements et pas des moindres mais qui sont pourtant introuvables sur la scène médiatique. Malgré les dossiers brûlants dans leur secteur, ils restent désespérément aphones. C’est peut-être la preuve aussi, pour certains, qu’ils ne sont pas maîtres de leurs ministères qui, amputés du volet le plus stratégique, deviennent des coquilles vides.

 

La présence outrancière dans la presse n’est pas nécessairement le meilleur indicateur pour évaluer les performances d’une autorité en charge d’un secteur, notamment d’un ministère. Loin s’en faut. On peut faire du résultat sans trop de bruit. Mais de là à voir certains ministres totalement inexistants dans l’agora médiatique, il y a de quoi s’interroger. Et pourtant, il y a bien de ces ministres du gouvernement de Mahammad Dionne qui sont introuvables, quelle que soit la circonstance. Il n’est même pas exagéré de dire qu’ils sont inconnus du grand public.  Les deux membres du gouvernement à se disputer la ‘’médaille dehors’’ sont sans conteste Fatou Tambédou et Yaya Abdoul Kane. La première est ministre déléguée auprès du ministre du Renouveau urbain, de l’Habitat et du cadre de vie, chargé de la restructuration et de la requalification des banlieues. Le second s’est vu confier le département des Postes et des Télécommunications.

Si rien ne s’était passé dans leur ministère respectif, on aurait sans doute compris leur absence de la scène médiatique. Mais c’est tout à fait le contraire. Prenons l’exemple des Postes et des Télécommunications. Il s’agit là d’un département stratégique, avec beaucoup de dossiers brûlants. La polémique autour de la 4G ayant abouti à une exclusion-bluff des 3 opérateurs que sont Sonatel, Tigo et Expresso ; celle relative aux appels entrants. Il y a aussi le renouvellement de la licence de Orange, la portabilité des numéros de téléphone, le non-respect de l’information des consommateurs avec comme conséquence une amende d’un milliard et quelques.

Tout cela sans compter la question de la fraude sur les déclarations des opérateurs et les projets d’externalisation. Autant de dossiers d’une importance capitale ont eu à opposer l’Autorité de régulation des télécommunications et des Postes (Artp) aux acteurs du secteur. Le directeur de l’Artp, Abdou Karim Sall, a fini par devenir omniprésent dans les médias. Par contre, le ministre de tutelle Yaya Abdoul Kane lui est resté aphone, comme s’il n’avait rien à dire. D’ailleurs ses quelques interventions ont montré qu’il n’a pas de prise sur les dossiers. ‘’L’Artp prendra les mesures qui s’imposent’’ est devenue sa rengaine préférée. Les explications sont sans doute à chercher du côté de l’architecture. L’Artp est en effet au cœur des télécoms. Or, au lieu d’être une autorité sous tutelle du ministère, elle a été rattachée à la Présidence. Ce qui fait qu’Abdou Karim Sall n’a aucun compte à rendre à son parent du Fouta, Yaya Abdoul Kane. D’où cette impression d’une mise en quarantaine du ministre.

Le trio de tête

Fatou Tambédou qui peut être considérée comme la jumelle de M. Kane dans le gouvernement n’est guère mieux cotée à la bourse médiatique. Et pourtant, ce n’est pas faute de matière. La banlieue est une zone à problèmes, notamment la question des inondations. Mansour Faye, le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement a eu à se rendre dans cette périphérie de la capitale. La première visite était destinée à constater le niveau de drainage des canaux d’évacuation des eaux pluviales avant l’hivernage. Le second a fait suite à de fortes précipitations ayant occasionné des dégâts matériels. Même si Fatou Tambédou n’est pas sous tutelle du département de l’Assainissement, il n’en demeure pas moins que certaines questions entrent en droite ligne de ses compétences. Malgré tout, elle n’a été ni vue ni entendue. Ni à côté d’un ministre, encore moins toute seule.

Le troisième élément de ce trio de tête reste sans doute Khadim Diop, ministre de l’Intégration africaine, du Nepad et de la Promotion de la bonne gouvernance. Lui aussi est peut-être écrasé par son collègue des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye. Pour une autorité en charge de l’Intégration africaine, il y avait pourtant de quoi se faire valoir, avec des sujets tels que les accords de partenariat économique (Ape), les attentats en Côte d’Ivoire et Burkina Faso, ainsi que les transitions difficiles et élections contestées. Mais le ministre est resté introuvable.

Faible présence comparée aux dossiers

Derrière ces ministres, il y en a d’autres, pas totalement perdus de vue, mais moins visibles. Ils font leur apparition de temps à autre, avant de disparaître pour longtemps. Il s’agit notamment de Mamadou Talla, ministre de la Formation professionnelle, de l'Apprentissage et de l'Artisanat, de Mansour Elimane Kane, ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, et de leur sœur Khoudia Mbaye, chargée du département de la Promotion des investissements, des partenariats et du développement des Téléservices de l’Etat.

Si M. Talla a un ministère qui devrait être stratégique, il semble bien qu’il a été pris en sandwich par ses trois collègues de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de l’Industrie. Certains observateurs pensent même que ce ministère devrait être une partie intégrante du département de l’Education nationale. Quant à Mansour Elimane Kane, il n’est pris à la gorge par aucun ministère. Avec tout ce qu’il y a comme dossiers (Lac Rose et Diamniadio, autoroute Ila Touba, pistes rurales, conflits avec les transporteurs,…), il devrait être au devant de la scène médiatique pour vendre ses maquettes et/ou réalisations. Mais ce sont surtout ses collaborateurs qui parlent à sa place.

Voilà donc quelques ministres qui, encore une fois, ne sont pas forcément les moins performants en termes de résultats. Peut-être ont-ils fait le choix de la discrétion. Peut-être aussi qu’ils n’ont pas grand-chose à dire, parce qu’ayant en charge une coquille vide. Mais dans tous les cas, ils gagneraient, si tant est qu’ils aient un bilan à présenter, à le rendre plus visible aux yeux du citoyen et du président de la République et de son Premier ministre. Il s’agit là d’un exercice qui fait partie aussi de la reddition des comptes… sous une autre forme.

BABACAR WILLANE

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