Publié le 30 Jun 2018 - 23:09
MODOU DIAGNE FADA (LDR/YESSAL)

‘’Notre parti ne sera pas dissous dans la mouvance présidentielle’’

 

Le leader du parti Ldr/Yessal est sur le point de rejoindre Macky Sall pour la prochaine Présidentielle. Modou Diagne Fada, qui ne cache plus son détachement de l’opposition significative, précise toutefois que son parti ne sera pas dissous dans la mouvance présidentielle. Entretien !

 

Après vous avoir présenté ses condoléances suite au décès de votre père, Le Président Macky Sall vous a invité à venir travailler avec lui dans la mouvance présidentielle. D’aucuns disent que depuis lors, Modou Diagne Fada est dans l’antichambre de l’Alliance pour la République. Qu’en est-il exactement ?

Le chef de l’Etat avait profité de cette occasion douloureuse non seulement pour me présenter ses condoléances mais ensuite pour me solliciter et solliciter mon parti pour une éventuelle collaboration en direction de l’élection présidentielle de 2019. Notre réponse a été de lui dire que c’est une  question que nous allions soumettre aux instances de notre parti. Ce que nous avons fait d’abord à travers une circulaire  qui a fait le tour du pays et la diaspora pour inviter nos frères et sœurs à se prononcer sur l’attitude que Ldr/Yessal doit prendre pour les élections à venir.

Ils se sont réunis à travers les fédérations départementales,  la diaspora et des organismes internes et quand ils ont fini de prendre position, nous avons convoqué un Bureau politique (Bp) qui est l’Assemblée générale du parti. Nous avons discuté de trois options à savoir : est-ce que le parti doit avoir son candidat, ou est-ce que l’on doit soutenir un candidat de l’opposition ou un candidat du pouvoir ? A l’issue des débats, mandat nous avait été donné par le Bp pour choisir en définitive, d’ouvrir des discussions avec l’ensemble des candidats libéraux qui ont sollicité le soutien du parti et ensuite consulter certains chefs religieux et coutumiers pour prendre leurs avis.

C’est dans ce cadre que j’ai été amené à rencontrer le Président Macky Sall par ailleurs candidat à sa propre succession. Nous avons échangé, nous avons discuté et nous nous sommes donné rendez-vous prochainement pour éventuellement finaliser si nous devons travailler ensemble. Je rappelle que nous avons aussi reçu d’autres candidats d’obédience libérale, notamment Pape Diop, Habib Sy, des responsables du parti  Rewmi…. La décision finale n’est pas encore tombée ; peut-être ce sera au mois de juillet prochain.

Qu’est-ce qui est ressorti de vos rencontres avec le Président Macky Sall ?

Ce qui est ressorti, c’est une convergence de points de vue d’un programme à mettre en œuvre entre 2019 et 2024. Pour nous, ce qui est important, ce sont les axes programmatiques phares qu’il faut mettre en application entre 2019 et 2024 et toutes les discussions que nous avons eues avec lui comme toutes celles que  nous aurons avec les autres vont tourner autour du  programme. Pour nous, c’est ce qui doit être mis en avant pour satisfaire et régler les problèmes auxquelles les Sénégalais sont confrontés. Nous avons échangé du fait que c’est un libéral ; nous partageons déjà les fondamentaux du libéralisme. Il y a quelques éléments autour desquels nous avons demandé des clarifications, elles ont été apportées ; des idées que nous avons proposées par rapport auxquelles nous avons reçu des réponses satisfaisantes. Vous comprendrez que nous ne puissions pas rentrer dans les détails. Comprenez que les discussions ont tourné autour du programme à mettre en œuvre pour développer le Sénégal.

Tout indique que vous allez rejoindre la mouvance présidentielle…

(Il coupe) Nous n’avons pas encore fini de rencontrer tout le monde, donc nous ne pouvons pas donner un résultat. Nous avons discuté avec beaucoup de gens et nous continuerons à discuter avec des leaders, nous allons aussi prendre la position de nos alliés de la Coalition ‘’Disso’’, échanger avec certains partenaires qui sont peut être très loin de la chose politique mais qui sont des observateurs avertis. Nous allons poursuivre nos contacts avec les chefs religieux et coutumiers pour prendre leurs avis. Il ne s’agit pas d’aller prendre des ‘’ndigël’’ (consignes), nous ne mélangeons pas les choses, mais les chefs religieux et coutumiers sont des acteurs clés de la société sénégalaise. Quand vous devez changer de cap ou adopter une position nouvelle, vous vous devez de leur parler, les informer pour qu’ils ne soient pas informés seulement par la presse. C’est par courtoisie, par respect à ces chefs religieux et coutumiers que nous sommes allés vers eux.

Que disent les bases de votre parti ? Est-ce qu’elles sont d’accord pour rallier le camp présidentiel ?

Il ne s’agira pas de rallier la mouvance présidentielle si nous devions aller ensemble avec le Président Macky Sall en 2019 parce que comme je le dis, la période de la transhumance est close. Aujourd’hui, on ne peut plus parler de transhumance parce que ce mandat est terminé. C’est peut être aller prendre des risques avec  un candidat pour voir s’il va être élu ou pas. La politique a  une dose de risque et faire de la politique aussi, c’est accepter de prendre des risques. C’est la raison pour laquelle, s’il le faut, nous n’allons pas hésiter à le faire. Nous sommes en train de travailler à la construction d’une alliance politique et non à une démarche devant conduire à la transhumance. Nous avons dit Oui à une alliance politique mais non à la transhumance. Nous n’allons pas prendre de poste ni de responsabilités, mais choisir parmi les candidats qui sont en lice le meilleur, celui qui a un programme plus proche du nôtre, sur qui des espoirs peuvent se reposer pour faire développer le Sénégal et nous allons l’accompagner pour l’aider à obtenir un nouveau mandat ou un mandat.

Si le Président Macky Sall obtient un deuxième mandat, quelle sera la suite de votre collaboration ?

Ça, c’est autre chose ! Quand vous faites avec un candidat le tour du Sénégal, vous bouffez avec lui la poussière, vous vous retrouvez sous le soleil pour battre campagne avec lui, si ensemble vous gagnez, c’est normal que vous gouverniez ensemble. On ne peut pas appeler cela de la transhumance.

Peut-on s’attendre à ce que Ldr/Yessal soit dissous dans le parti présidentiel ?

Notre parti ne sera pas dissous (il se répète).  Nous sommes un parti autonome, créé pour un jour gouverner le Sénégal. Nous ne renonçons pas à notre ambition présidentielle, d’arriver à la magistrature suprême de notre pays. En politique, il faut une dose de réalisme, nous avons été aux élections législatives, nous nous sommes classés 7e/47. C’est un rang honorable mais je crois qu’il reste un travail à faire. Nous devons continuer à mailler le territoire national, à élargir nos bases, à fortifier notre parti pour qu’il soit beaucoup plus près pour les échéances futures après 2019. Il ne s’agit pas d’être candidat pour être candidat, il s’agit de travailler pour présenter un jour une candidature crédible capable de gagner et nous sommes dans cette stratégie-là.

Votre posture semble depuis lors détachée des actions de l’opposition dite significative. N’est-ce pas une manière pour vous de prendre vos distances avec les adversaires du régime ?

Je suis dans l’opposition depuis 2012 et un membre éminent du Parti démocratique sénégalais (Pds) jusqu’en 2015. Et à partir de cette année, nous avons posé un débat de réforme au sein du Pds. Ce débat  a conduit à notre exclusion du principal parti de l’opposition. Les coalitions de l’opposition sont menées pour l’essentiel par le Pds qui est notre ancien parti. Cette formation politique ne nous associe pas dans les initiatives qu’il prend pour regrouper l’opposition, compte tenu de l’histoire récente. Peut-être que la plaie  est restée encore béante. C’est ce qui fait que quand c’est le Pds qui prend des initiatives de regroupement de l’opposition, on ne nous associe pas. Nous ne sommes pas des gens qui cherchons à pleurnicher tout le temps, nous sommes des personnes mûres, capables d’évoluer politiquement parlant. En politique, il faut en un moment choisir son camp ; on ne peut pas tout le temps être  entre les deux camps.

Est-ce à dire que le Pds ne fait pas partie  des formations politiques d’obédience libérale à consulter ?

Le candidat du Pds fait partie des gens qui peuvent être rencontrés. Nous ne l’avons pas encore fait parce qu’il n’a pas encore sollicité notre soutien. La recommandation de notre Bp, c’est d’ouvrir des discussions avec les formations politiques d’obédience libérale qui solliciteraient notre appui. Si les responsables du Pds ne nous sollicitent pas, nous n’allons pas discuter avec eux ; au cas contraire, nous sommes prêts à rencontrer le candidat du Pds, pourvu qu’on mette la main sur lui.

Que devient la coalition que vous avez constituée avec Abdoulaye Baldé  et Samba Bathily ?

C’est la coalition pour une alternative démocratique ‘’Disso’’ ; elle est là. Elle fonctionne, nous nous réunissons régulièrement et la coalition s’agrandit ; il y a du mouvement. Ce qui nous réunit, c’est de travailler à avoir le même candidat pour l’élection présidentielle de 2019.  Moi je suis en pourparlers avec le candidat Macky Sall et je l’ai publiquement assumé. Qu’est-ce qu’Abdoulaye Baldé fait ? Je n’en sais rien.  Je ne peux pas vous dire qu’il est en pourparlers avec le Président Macky Sall.

On se souvient que vous vous êtes séparé de Souleymane Ndéné Ndiaye quand il a décidé de rejoindre la mouvance présidentielle alors que vous étiez ensemble dans une coalition. Ne risquez-vous pas de subir  la même chose de la part de vos alliés ?

Dans le cadre de la coalition ‘’Disso’’, nous avons dit : nous allons avoir le même candidat. Il peut être au sein de la coalition ou en dehors. Il n’est pas exclu qu’un parti membre de la coalition parle avec d’autres candidats en dehors de la coalition, en vue d’aboutir à un consensus avec le candidat. Si demain je tombe d’accord avec un candidat, je reviens au niveau de la coalition pour les informer et avoir leur avis et nous allons discuter. Et un autre membre de la coalition aussi peut faire la même chose. Ce qui nous lie, c’est de présenter la même candidature en 2019. Je ne suis pas en porte-à-faux avec la coalition ‘’Disso’’. Pour le cas de Souleymane Ndiaye, nous étions en 2016 à la veille des Législatives et nous étions en train de bâtir une coalition de l’opposition à l’époque. Ce que nous avions dit, c’est que nous voulions rester dans l’opposition. Dès l’instant que Souleymane Ndéné Ndiaye avait à l’époque choisi de répondre à la main tendue du Président Macky Sall, il n’était plus de l’opposition. Il ne pouvait plus continuer à être avec nous. Cette fois-ci, on n’a pas dit cela. Alors pour la Présidentielle, nous pouvons soutenir un candidat de l’opposition comme celui du pouvoir.

La donne a donc changé, selon vous ?

Oui. La donne a changé, il y a d’abord les résultats des élections législatives, l’émiettement de l’opposition et la résolution prise par notre parti de soutenir un candidat à la Présidentielle de 2019.

La loi sur le parrainage a été votée récemment par l’Assemblée nationale. Comment appréciez-vous cette réforme ?

Nous avons toujours dit que nous sommes contre le parrainage, notre parti avait répondu présent aux concertations convoquées par le ministre de l’Intérieur autour de la table. Nous avions refusé le parrainage et quand la loi portant révision de la Constitution est arrivée à l’Assemblée nationale aussi, j’ai voté contre. Donc, je reste constant. Le parrainage étant intégré dans la Constitution, la loi électorale étant modifiée, aujourd’hui ce débat semble être derrière nous. C’est  une loi qui existe et les candidats à la Présidentielle de 2019 doivent aller chercher des parrains.

Est-ce que des partis comme le vôtre ont des chances de se présenter avec cette loi ?

Si nous avions l’intention de nous présenter, cela ne poserait pas de problème de rassembler le nombre de signatures requis. Au Sénégal, vous pouvez avoir 65 000 signatures sans pour autant, à l’élection présidentielle, récolter autant de voix. On l’a vu lors des dernières Législatives. Le nombre de parrainages et le nombre de voix, ce n’est pas la même chose. 

HABIBATOU TRAORE      

 

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