Publié le 19 May 2018 - 22:17
MONDIAL 2018 - ABDOULAYE BAR DIOUF, AGENT DE JOUEURS, SUR LA LISTE DU SENEGAL

‘’Mon seul souci, c’est Saliou Ciss’’

 

Après la publication de la liste des 23 joueurs sénégalais devant prendre part à la Coupe du monde 2018, l’agent de joueurs Abdoulaye Bar Diouf analyse les choix du sélectionneur, dans un entretien avec ‘’EnQuête’’. Pour ce consultant sportif établi en Italie, Aliou Cissé a un bon effectif, mais juge la sélection de Saliou Ciss sur le côté gauche problématique.

 

Quelle lecture vous faites de la liste des 23 joueurs publiée par Aliou Cissé pour le Mondial-2018 ?

C’est une liste équilibrée dans l’ensemble. Il a fait ses choix avec ce dont il dispose comme joueurs. Concernant les gardiens de but, on peut dire qu’il a bien choisi. Khadim Ndiaye est l’un des meilleurs sur le contient africain. Avec son club, le Horoya AC, il est en train de disputer la Ligue des champions africaine. Il a eu à faire ses preuves au Sénégal. Il fait partie des anciens qui connaissent bien les réalités de la Tanière. En plus, Khadim a joué les éliminatoires du Mondial. Avec son vécu, sa convocation est justifiée.

Pour sa part, Abdoulaye Diallo, avec sa titularisation lors de la dernière Can (Gabon-2017, Ndlr), le fait qu’il évolue dans un club d’élite européen (Rennes), il a une idée de ce qui va se passer en Coupe du monde. Parce que le football européen est proche de la réalité du Mondial. Il peut déjà être dans le bain. Même s’il n’est pas titulaire (en club), cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas être en équipe nationale. En 2002, on avait Tony Silva qui n’était pas titulaire à l’As Monaco, mais qui a fait une belle Coupe du monde et Coupe d’Afrique. Abdoulaye est un gardien pausé qui a fait de belles choses avec le Sénégal. Quant à Alfred Gomis alias ‘’Puma’’, formé au Torino, il a confirmé en Serie B avec Crotone, Avelino, Cesena et Salernitana. Aujourd’hui, le Ziguinchorois est en train de bien terminer la saison avec Spal 2013, suite à la blessure d’Alex Meret. C’est un bonus pour l’équipe nationale. Garder les buts dans le football italien, pour un Africain, ce n’est pas chose facile. Avec son jeu balle au pied, ses sorties et sa voix qui retentit de ses cages, sa sélection est méritée.

Maintenant, il reste à faire la hiérarchisation. Qui sera le numéro 1, 2, 3 ? C’est à ce stade que se situe mon interrogation. J’attends de voir ce qu’ils (le sélectionneur et sn staff, Ndlr) feront selon les réalités de cette grande compétition.

Certains avaient émis le souhait de voir le portier du Jaraaf, Pape Seydou Ndiaye, dans la sélection, pour faire un clin d’œil au foot local. Partagez-vous ce point de vue ?

Pape Seydou Ndiaye est un gosse qui est en train de faire un bon travail dans le championnat sénégalais. Mais avec tout le respect que j’ai pour le football local du Sénégal, il a déjà montré ses limites. Pape Seydou doit continuer à travailler. Ses bourdes avec l’équipe olympique à Dakar et la sélection A au Burkina m’ont toujours marqué. Tous les gardiens font des erreurs, mais les niveaux ne sont pas les mêmes. Tony Silva ou Aliou Cissé ne sont pas prêts à aller en Coupe du monde avec un gardien pour le préparer. Surtout dans un tournoi comme le Mondial où on verra les plus grands attaquants du monde qui savent faire la différence à n’importe quel moment du match. Face à ces trois gardiens, Pape Seydou Ndiaye n’avait aucune chance d’être sélectionné. Il doit continuer à progresser.

Que dites-vous des hommes choisis en défense ?

Dans l’axe, on a Kara et Koulibaly. C’est déjà bon. On peut aussi avoir la paire Kara et Salif ou Salif et Koulibaly. Mon seul souci, dans cette défense, c’est le côté gauche, avec un joueur comme Saliou Ciss. C’est quelqu’un qui ne peut pas interpréter les deux rôles d’un latéral dans le football moderne. C’est-à-dire le jeu défensif et celui offensif à la fois. Sur la droite, on a Youssouf Sabaly qui est un défenseur moderne. Il est tout le contraire de Saliou Ciss, même s’ils ne jouent pas sur le même côté. Sabaly peut jouer aussi bien à droite qu’à gauche. Lamine Gassama a pu devenir un joueur stable. Au début, il n’était pas au top avec l’équipe nationale. Avec la dernière Can et les éliminatoires, il a fait des progrès. En plus de son vécu en Europe, il peut être à son meilleur niveau à la Coupe du monde. Au sein de la défense, il y a une solidarité qui fera qu’il pourra être plus offensif. Au Mondial, on verra s’il continuera à être performant. Il y a Moussa Wagué qui est un jeune joueur. Je l’ai vu jouer depuis la petite catégorie. Il progresse et peut être une révélation de cette équipe nationale comme jeune espoir. Il a déjà une bonne mentalité, car Aliou l’a déjà aligné lors des éliminatoires. Il mérite d’être là.

Quelle appréciation vous faites de la sélection de Kara Mbodj qui revient de blessure ?

Pour le cas Kara, s’il est retenu, c’est parce que le staff, sur la base de son dossier médical, a jugé que le joueur peut retrouver son meilleur niveau. On a vu Neymar qui va revenir. A la Coupe du monde 2006, l’Italie a récupéré Totti à la dernière minute. Il a pu faire une bonne compétition en faisant partie des héros du sacre de son pays. Aliou est sûr de ce qu’il fait, de même que son club Anderlecht qui a donné son feu vert. Il sera plus frais parce qu’avec la blessure, il a pu récupérer. Des joueurs ont été récupérés à la veille d’une compétition et on été les meilleurs du tournoi.

Ainsi, pour le jeu défensif, il a la possibilité de jouer avec trois ou quatre défenseurs. Dans une défense à trois avec Salif Sané, Kara Mbodj et Koulibaly, cela peut aller. Mais tout dépendra de ceux qu’il choisira au milieu de terrain. Parce que ce système de jeu, qui est purement italien, n’est efficace que si on dispose d’un bon milieu de terrain. C’est-à-dire des hommes qui savent interpréter les rôles défensif et offensif, surtout les joueurs des couloirs.  

Pensez-vous que le choix des hommes du milieu de terrain est le meilleur possible ?

Il a choisi son milieu selon les joueurs dont il dispose en défense et en attaque. Il a déjà ses hommes. L’entrejeu marchera selon la stratégie qu’il mettra en place. Il faudra choisir les hommes à même d’interpréter le système de jeu. Le Sénégal n’a pas de n°10. Cela depuis le départ de Kalidou Fadiga. Les Sénégalais ne peuvent pas accepter que leur équipe joue sans un joueur de ce profil. Pourtant, lors de l’Euro-2016, l’Italie a joué sans un 10. Et l’équipe est allée jusqu’en quarts de finale où elle a été éliminée par l’Allemagne à la séance des tirs au but (1-1, 6tab5). Chaque entraineur doit faire avec les hommes qu’il a en main. Le Sénégal peut jouer avec un 3-5-2, un 4-4-2, 4-3-2-1. Ce dernier système justifie la sélection de Mame Biram Diouf et Moussa Sow pour évoluer avec un seul attaquant de pointe. Ce dispositif permettra de ne pas exposer la défense. Dans le football moderne, il y a la solidarité entre défenseurs et milieux de terrain, et entre attaquants et milieux. Le choix d’Alfred Ndiaye et de Cheikh Ndoye aura sa pertinence, lorsqu’il s’agira de conserver un résultat positif.

Pensez-vous qu’en attaque, le coach a convoqué les joueurs qu’il faut ?

Le coach a fait un bon choix en attaque. Certains critiquent la présence, sur cette liste, de Mame Biram Diouf et Moussa Sow et même Moussa Konaté. Chaque équipe a besoin de ‘’sénateur’’, comme disent les Italiens. C’est-à-dire des joueurs qui peuvent stabiliser les vestiaires et accompagner les plus jeunes sur le terrain et en dehors. Ce rôle peut être joué par Sow et Mame Biram. En plus, dans un système avec un seul attaquant de pointe, ces deux joueurs ou Konaté peuvent fixer les centraux de l’équipe adverse. Moussa Konaté peut évoluer à la pointe et sur le côté. Il a eu à jouer en tant qu’excentré au Genoa avec le coach italien Gasperini. Mame Biram est un joueur qui fatigue les défenses.

En même temps, il est dans tous les secteurs du terrain pour récupérer des ballons. C’est ce qui fait aussi le football moderne. Même si à la Can-2017 il n’a pas marqué de but, il a pu faire ce qu’il fallait. Il s’est battu et contre le Cameroun, s’il était sur le terrain jusqu’aux prolongations, il aurait pu décanter la situation. C’est le genre d’attaquant qui peut être sur le terrain, ne pas marquer, mais être utile. C’était le cas de Guivarch (Stéphane) en 1998, au Mondial. Il était sur la liste d’Aimé Jacquet sans marquer, mais il était utile à l’équipe de France qui était devenue championne du monde. En attaque, tout est nickel.

Beaucoup s’attendaient à voir une surprise sur la liste avec de jeunes joueurs comme Santy Ngom ou Krépin Diatta. Ne pensez-vous pas qu’il était bon de leur donner une chance ?

Récemment, les Sénégalais ont trop parlé de ces deux gosses : Krépin Diatta et Santy Ngom. On a vu jouer Santy. C’est un joueur d’avenir qui a le temps devant lui pour progresser. Krépin est un footballeur qui a trop fait parler la presse et le public sénégalais. Mais, dans le football, on ne brûle pas les étapes. Dans un pays comme l’Italie, quatre fois championne du monde, où le football est comme une religion, les jeunes joueurs sont toujours protégés. Ils gravissent les échelons de la petite catégorie jusqu’à l’équipe A. Krépin et Santy sont des joueurs de talent. A l’avenir, ils seront utiles pour l’équipe du Sénégal. Mais pour ce Mondial, les autres sont en avance sur eux. Aliou a fait le bon choix de les épargner et ne pas les exposer.

LOUIS GEORGES DIATTA

 

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