Publié le 16 Jun 2012 - 11:30

MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

 

Depuis le dimanche 25 de mars 2012, par la puissance de Dieu et le bon plaisir du peuple souverain, et pour 7 ans, vous êtes en posture et en devoir de suprême magistrat du Sénégal. Si l'on part de votre première présidence de cérémonie dite de fête de l'Indépendance à aujourd’hui, cela fait 66 jours que vous êtes en état de grâce. Dans 34 autres, et vous en avez sûre conscience, c'en sera fini de vous accorder quelque favorable préjugé que soit.

 

Il commencera à être plus que temps et lieu de dérouler et de convertir en destin les "engagements" que vous avez eu à prendre et pour lesquels, on vous a placé aux commandes de la République et de la Nation. En raccourci, et au nom des pouvoirs qui vous sont conférés, ordonnez que l'on suspende les récréations pour enfin et de façon réelle se mettre au travail. Nous sommes des légions incomptables à avoir certitude que trop de fureurs et de bruits stériles et stérilisants sont en cours, emplissent la Cité et, à la longue, risquent de n'être que ruines pour la créativité de nos écrivains et artistes, pour la Culture en sa globalité, pour l'espérance plurielle contenue dans le cœur et en l'esprit des jeunes et des femmes, des pasteurs, des pêcheurs et agriculteurs dont les situations poignantes, arguiez-vous, étaient et seraient de vos majeures sur-priorités. Ce n'est, donc, ni excessif ni exagéré d'avouer que nous tournons encore en rond, rongeons nos hardes et nos sangs en attendant que les choses changent et le soient en bien mieux.

 

 

“Nous tournons encore en rond”

 

Président, je n'ai nul dessein de douter de votre intention de faire muer le Sénégal de l'enfer au paradis, encore moins de ne jamais désespérer les espérances de nos compatriotes qui, déjà tremblent rien qu'à penser que, dans quelques petites semaines, l'hivernage va installer ses quartiers et avec les complications et complexités qui vont avec : les inondations, la période de soudure et celle de souillures qui éclosent avec les mouches et moustiques, le choléra, le paludisme, etc. Je n'ai nul dessein de faire dans le négatif, encore moins dans le pessimisme concevable, voire systématisé, des opposants au système et au régime par et avec lesquels vous comptez nous lotir aux "splendides villes" dont parlait J. N. A. Rimbaud. Oh que non !.. Et j'ai la chance de n'appartenir à nulle chapelle autre que le Sénégal. On ne saurait donc, honnêtement, me soupçonner d'être d'une coterie autre que celle des "soldats" de la Culture, de rouler pour telle faction contre telle autre, encore moins d'être un esprit mal intentionné et malveillant. J'en conviens : je suis une très mauvaise conscience et j'entretiens ce fait, comme on tient à la prunelle de ses yeux ou à ses enfants. Dans les Démocraties et Républiques "normales", une telle option est un mal nécessaire, je crois. C'est même un choix citoyen à promouvoir, n'est-ce pas ? Cela n'est pas une obligation systématisée, voire instinctive, d'aller en contre-rotation de vos prérogatives, Président, je ne fais qu'accomplir - et de droit - ma partition de spectateur engagé. Et de vous avoir bien prêté oreille, sous Me Wade tout comme sans lui, douze ans durant, me permet, avec aise, de savoir que ma posture est de celles que vous attendez de tous vos compatriotes : qu'ils vous "aident à aider" et à servir le Sénégal. A être le "Président de tous les Sénégalais", avant que d'être leader d'une "alliance" – fût-elle "pour la République" ? Ayant devoir pour tous les Sénégalais : telle est la bannière qui vous va, dorénavant, Monsieur le Président. Faites de sorte que cela vous aille en constance ! Vous en avez et le gabarit et la volonté, m'a-t-on dit. Ce n'est, lors, pas trop vous demander que souhaiter qu'on n'installe point votre magistère sous ou autour de ces sept absurdes péchés, piliers ou sceaux : du sensationnel, des chiffons, du déballage, de la famille nucléaire, des camarades, du particularisme ethnique et des faux-semblants. Président, re-suscitez une République vraie et de vrais citoyens ! Faites-la revivre et rendez-la dynamique d'autant que, maintenant, s'est essouflée et doit être bannie la "République des partisans" et "des pitres". Les Sénégalais - c'est vrai, c'est légal et c'est tout à fait impérieux - désirent que l'on fasse froidement des audits et châtie sans férir les "fauteurs". Mais, les Sénégalais n'ont pas envie de tous ces tambours et trompettes, médiatiques, autour de la question. Pour eux, mettez fin au cirque !.. Il est, pour eux, de plus urgentes et de plus pressantes demandes sociales. Et ce sont, à très court terme, autant de problèmes à résoudre : les denrées alimentaires dans le train-train des "chefs de ménage", les factures d'électricité et d'eau, de loyers et de téléphone, la santé et l'éducation, la paupérisation et l'assainissement des villes presque inhabitables et des villes-bidons, l'oisiveté involontaire des jeunes, les valeurs qui s'effritent et l'incivisme, tacitement, érigé en principe de vie, dans un monde où, depuis toujours, on nous apprend et nous a appris à croire que le travail, le respect de soi et d'autrui, de la parole qu'on donne, de l'amour de la patrie et les cultes du devoir bien fait, du bien et du beau priment sur tout. Tiens, tiens !...

 

 

“Sept absolus pechés”

 

Au fond, Président, quels griefs auriez-vous contre la Culture et ceux-là, toutes et tous, dont c'est la respiration, la quotidienneté et les raisons capitales - d'existence et de subsistance ? Président, cela vous gênerait-il qu'on continue à dire de la Culture qu'elle est "au début et à la fin" de tout progrès individuel ou social ? Président, aux jours premiers de votre prise effective de pouvoir, on m'a demandé mon avis sur la Culture comme vocable et comme levier de financement de notre économie. Même si, dans le domaine, les problèmes restent entiers et encore plus poignants que jamais (en tous les secteurs de la Culture aussi bien que du Tourisme !..), je persiste à croire et à être convaincu qu'il suffirait de très peu pour que vous fassiez, culturellement s'entend !, mieux que vos trois prédécesseurs - même tous alliés! Qu'il suffirait de très peu pour que tous les acteurs culturels autochtones, pensant et/ou parlant de vous, n'aient qu'un regret et qu'un seul : que vous soyez si tard arrivé à la tête de l'Etat ! Cette appréciation ne saurait être de refus de votre part, je crois bien. En tous cas, tous les ingrédients sont en place qui, somptueusement et de manière somptuaire, vous installerait en pouvoir de laisser - aux générations actuelles et à venir - des souvenirs non seulement heureux, mais des marques et autant de traces qui vous survivent positivement. Il est trop d'actes qui assurent et confortent l'impérieuse nécessité pour le peuple sénégalais de vous adouber, de vous "accompagner en paix" sur tout un septennat et de se battre pour une reconduction de magistrature. Mais, pour ça, vous avez encore le temps pour et avec vous. Président, la Culture, plus qu'un concept, est un instrument... Usez-en !

 

 

“Vous ‘accompagner en paix’ “

 

Pour "amener la Culture au centre des préoccupations, des décisions et actions dans la République et dans la Nation". Vous le savez très certainement : c'est par la Culture qu'on parviendra à ce "Nouveau Type de Sénégalais" (NTS) que tout le monde, sans les sacrifices que cela requiert, souhaite - au plus vite - voir naître. Comme je reste convaincu que pour la question terrifiante et latente qu'est la Casamance, intégrer la Culture, c'est déjà la moitié de chemin qui mène à la paix "définitive et durable" que quiconque vaticine ou théorise en continu. Président, pour sûr, vous n'avez pas attendu Emmanuel Kant, Schiller ou, encore moins, d'avoir lu Hugo ou Alain Badiou, Césaire ou David Diop, pour vous convaincre de cette double évidence : que les peuples ne se distinguent pas que par leurs tonnages de maïs ou de riz, mais par la manière dont les Chefs des Etats prennent en charge leurs arts, leurs littératures et ceux-là qui leur donnent du sens. Que la Culture est un lieu et le lieu idéal de positive mise en représentation de notre moi, de nos souverainetés et de nos patrimoines - matériel et immatériel. Que vous dire de plus, Monsieur le Président ?.. Ah, oui !.. Ceci, par exemple, et entre autres faits : Entre les deux tours de l'élection présidentielle, le temps a fait défaut de nous entretenir de vos sensations et visions de "culturel". Je vous concède cette omission ou oubli, et au nom du principe qu'on ne peut ni avoir tous les talents ni être sur tous les fronts. Aujourd'hui que vous avez, légalement et de façon légitime, "tous les pouvoirs" et "le dernier mot", je ne doute pas une seule fois que vous ferez de la Culture et un enjeu national et une préoccupation générale. Il est, au moins, douze millions de vos concitoyens qui n'espèrent de vous que cela et ne seraient pas surpris que vous installiez la Culture, en bonne place, du lot des "domaines réservés". Cela ne serait que lacune comblée ! Et, alors, RÉUSSIR LA CULTURE (comme projet) ne serait qu'une banale formalité qui vous mettrait en situation de personnage n'ayant plus d'interlocuteurs réels que la Postérité et l'Histoire.

 

Elie-Charles Moreau

 

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