Publié le 14 Dec 2018 - 06:12
MOTS CHOISIS

La vie, la mort, la vie 

 

Louis Pasteur (1822-1895) Erik ORSENNA De l’Académie française Editions Fayard

 

Côtoyer un Prix Nobel  de médecine tel  le Pr François Jacob  treize années durant sous la Coupole de l’Académie française est certes un privilège mais aussi une belle occasion pour élargir ses connaissances. Erik ORSENNA, parce qu’il avait une ignorance totale en matière de biologie, fut invité  par le Pr François Jacob à plonger dans l’histoire de Pasteur « dont on ne sait par quel hasard lui-même occupe le fauteuil  à l’Académie française » nous dit-il.

Erik ORSENNA plonge alors dans  les égouts du tanneur pour nous décrire la vie de celui qui vainquit la rage, qui résolut l’épineux problème de la fermentation, qui  arriva à maîtriser le cycle des microbes… etc.

Il nous décrit un homme meurtri qui, malgré les avancées scientifiques qu’il prodiguera à l’humanité, voit trois de ses filles emportées par la maladie à deux ans, neuf ans et douze ans. C’est comme si la mort ne lui aura pas pardonné d’avoir tant fait progresser la vie, écrit l’auteur.

Fils de tanneur avec comme premier jardin d’enfant un canal putride, on comprend mieux sa passion maladive pour l’hygiène et  de sa détestation d’avoir à serrer des mains dont on sait quels microbes elles ont pu collecter.

De Dole (Jura)  où il naquit le 27 Décembre 1822 à sa mort  le 28 Septembre 1895, il eut une vie ordonnée et remplie entièrement consacrée à la microbiologie dont il est le pionnier.

Pasteur est surtout associé au vaccin contre la rage mais ce que l’on connait moins c’est son apport sur une vedette imprévisible, plus souvent séducteur et bon enfant qui enrichit ceux qui la produisent et émerveillent ceux qui la goutent : le vin. A l’époque, il s’énervait, se brouillait, virait à l’acide et ruinait sans prévenir les vignerons. Ses caprices coûtaient trop à la nation et l’empereur ne supportait  plus ses fantaisies.

Il est alors demandé à Pasteur de dompter cet agité. Très vite il se mit au travail et comprit que le vin est un organisme vivant et c’est parce qu’il est vivant que des maladies le frappent. La pasteurisation, cette belle invention viendra dompter l’agité au grand bonheur de l’empereur, des vignerons et des consommateurs. C’est dire qu’aujourd’hui encore, nous lui devons le privilège de gouter aux vins millésimés d’un certain âge, d’apprécier leur caractère doux ou corsé, leur goût, boisé, suave, sucré  ou acide…., ou de le chanter comme Baudelaire…

Le siècle de Pasteur est celui d’Hugo et pourtant ils se sont détestés bien que résumant à eux deux le siècle, bienfaiteurs de l’humanité. L’un rendant la dignité aux Misérables, l’autre découvreur des sources de la vie,  triomphateur de la rage. Tous les deux natifs de la Franche-Comté, l’auteur nous apprend qu’en Hugo, Pasteur haïssait la grande gueule et la belle âme, le défenseur du plus faible et en Pasteur, Hugo ne supportait pas le conservateur, le défenseur du pouvoir, quel qu’il fût, le bourgeois de province ébloui  d’avoir si bien réussi.

« La vie, la mort, la vie, Louis Pasteur »  est un titre évocateur qui montre à quel point l’œuvre de Pasteur a marqué l’humanité en faisant progresser la vie et, bien que mort, son travail continue de faire progresser la vie.

A sa mort nulle question de le laisser au Panthéon, il ne supporterait pas de passer sa vie éternelle aux côtés de l’insupportable Hugo ! Ce sera à l’Institut Pasteur, dans une crypte, au milieu des chercheurs et en guise de tombeau, une grosse boite de marbre et sans doute pour rivaliser avec Napoléon qui gît aux Invalides, nous dit encore l’auteur.

Bel ouvrage biographique retraçant la vie de ce grand scientifique que fut Pasteur, allant d’avant sa naissance, de sa vie, de sa mort et de sa vie après sa mort…, avec ce style propre à l’auteur qui, dans son lyrisme, transporte le lecteur !

A lire absolument…

Erik ORSENNA est un écrivain académicien fabuleux avec une très riche bibliographie de plus d’une trentaine d’ouvrages. J’en citerai justes quelques uns de ses livres  tels « Madame Bâ », « Mali Ô Mali », « Portrait d’un homme heureux : André Le Nôtre», « L’origine de nos amours » sa dernière publication en mars 2016.

Ameth GUISSE

 

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