Publié le 26 May 2018 - 05:08
MOUSSA DIAW, ENSEIGNANT-CHERCHEUR EN SCIENCE POLITIQUE A L’UG

‘’L’opposition est dans une position de faiblesse et doit accepter la discussion’’

 

Selon l’enseignant en science politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Moussa Diaw, autant la majorité doit revoir ses positions, autant l’opposition doit accepter le principe de la discussion.

 

Quelle appréciation faites-vous de la posture de l’opposition qui semble se radicaliser, surtout après la mise en place de la Commission ad hoc sur le parrainage ?

L’opposition, surtout celle qui est contre le parrainage, va maintenir sa position, parce qu’il y a un problème de fond qui fait qu’il est difficile de rapprocher les points de vue des uns et des autres. Cela pour la simple raison qu’il y a un problème de confiance entre la majorité et l’opposition, surtout celle dite ‘’radicale’’ qui considère que toutes les manœuvres, à travers le parrainage, ne sont qu’une stratégie pour empêcher leur leader de se présenter à l’élection présidentielle, que c’est un blocage, une stratégie pour réduire les forces de l’opposition. C’est ce qui explique d’ailleurs qu’ils se sont radicalisés et qu’ils vont maintenir la même ligne de conduite. Je ne pense pas qu’il y aura un changement à ce niveau.

L’opposition continue de poser des préalables pour participer aux concertations sur le processus électoral. Est-ce que cela ne pose pas problème ?

Il ne faut pas que chacun campe sur ses positions. Parce qu’on n’avancera pas, dans ce cas. La démocratie n’est pas seulement d’adopter une position. En fait, il revient à la majorité de faire des propositions concrètes dans le sens abordé par l’opposition, c’est-à-dire revenir sur des questions qui ont été soulignées, sur les obstacles qui empêchent justement l’organisation d’élections transparentes. On leur avait souligné quelques points essentiels qui fondent la base de revendications posées par l’opposition. Il me semble que la majorité ne va pas dans ce sens. On assiste à un jeu de dupes. Ce sont souvent des questions que l’on n’aborde pas dans le sens d’améliorer ou de faire en sorte que l’atmosphère soit beaucoup plus apaisée afin de négocier. On est donc dans cette situation et à quelques mois des élections, ça ne permet pas d’avancer considérablement, à moins qu’il y ait une entreprise qui vient changer la donne. Le manque de confiance fait qu’on n’arrive pas à s’entendre sur l’essentiel. C’est dommage d’en arriver-là, parce que dans une démocratie, il faut qu’on dépasse un certain nombre de contradictions et qu’on essaye d’adopter des comportements qui vont dans le sens de l’approfondissement de la démocratie, le tout dans le respect des règles du jeu.

Avec la mise en place de cette Commission ad hoc sur le parrainage, est-ce que le président de la République n’est pas en train de narguer l’opposition ?

Le président est dans une position de force. Il observe bien et analyse la situation de l’opposition qui est fragmentée et qui n’arrive pas à s’entendre. C’est ça qui, justement, le rend fort. Il joue le jeu. On est dans des stratégies politiques. Maintenant, c’est à l’opposition de lâcher du lest et puis de récupérer cela par des négociations. C’est elle qui est dans une position de faiblesse, qui doit accepter le principe de la discussion.

Mais il n’y a pas que l’opposition qui ne veut pas participer à cette commission. Il y a également la société civile qui est en retrait de celle-ci. Que pensez-vous de tout cela ?

La société civile, sa démarche avait consisté, au départ, à trouver une forme de réconciliation et de médiation entre les différentes parties. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a participé aux travaux du Cadre de concertation sur le processus électoral, en espérant qu’après ce premier cadre dirigé par l’ancien ambassadeur Seydou Nourou Bâ, il va y avoir une commission beaucoup plus élargie avec différents acteurs permettant d’arrondir les angles et faire participer ceux qui résistent encore. Compte tenu de la situation, cela ne semble pas avancer dans ce sens et, à mon avis, il va y avoir un blocage parce que l’opposition radicale ne me semble pas assez motivée pour les raisons avancées afin de participer à cette commission sur le parrainage. Leur position est totalement opposée à celle de la majorité. Par conséquent, changer de posture reviendrait à admettre le parrainage, alors qu’au départ ils sont opposés à cela pour les différentes raisons qui ont été évoquées auparavant.

Donc, selon vous, l’opposition a voulu être conséquente avec elle-même ?

Elle est logique avec elle-même. C’est une stratégie politique, un positionnement qui la pousse à maintenir sa posture par rapport au parrainage. Il me semble que la situation ne va pas évoluer, sauf si la majorité change de position et essaye d’être beaucoup plus conciliante par rapport à certaines revendications de l’opposition. Parce que les questions de fond, c’est en rapport aussi avec ce qui a été constaté pendant les élections législatives, notamment les manquements et les dysfonctionnements qu’on n’a pas réglés. Les leçons tirées des élections législatives permettraient quand même d’avancer dans le sens d’organisation d’élections transparentes. Il me semble qu’il n’y a pas d’avancées dans ce sens et qu’on est dans le statu quo.

PAR ASSANE MBAYE

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