Publié le 6 Jul 2012 - 20:45
MOUSSA TINE/ SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'AD/PENCOO

 ''La vérité du peuple n'est pas dans la pertinence des idées''

 

Candidat malheureux aux législatives, le président de l'Alliance démocratique/Pencoo est plus que jamais décidé à continuer le combat politique. Non sans analyser son échec dans un environnement où la pertinence des idées pèse moins lourd que la loi du nombre.

 

 

Quel bilan tirez-vous de votre participation aux législatives?

 

Nous nous félicitons d'avoir participé à ces élections législatives. Nous avions la conviction que c'était la bonne voie et que la démocratie se conjugue mal avec l'uniformisme et la pensée unique. C'est pour cela que nous avons cherché à participer dans l'offre plurielle comme citoyen. Nous avons travaillé à faire en sorte qu'il y ait de la diversité.

 

Nous avons travaillé durant toute la campagne à expliquer aux Sénégalais la bonne gouvernance, la démocratie apaisée, l'utilité et la pertinence de se trouver dans une Assemblée nationale multicolore. Nous en avions la conviction, il en est ainsi encore aujourd'hui. Le deuxième élément, c'est que nous avons été très proches de la réalité quotidienne des Sénégalais, nous avons visité des coins où il n'y a pas d'eau, des coins où l'électricité n'est pas bien distribuée, des coins où les gens n'ont pas accès aux services de l'Etat, des points où il n'existe pas de centre de santé.

En parlant directement aux citoyens, nous avons eu une meilleure intelligence de leurs réalités quotidiennes, pas celles-là déformées par l’inter-médiation audiovisuelle, mais celles très concrètes vécues par nos concitoyens.

 

Au final, avec zéro député, est-ce un échec pour vous ?

 

Pas forcément. En démocratie, la vérité du peuple est sans appel, elle n'est pas dans la pertinence de l'idée, elle est dans le nombre, notamment dans la majorité. Nous n'avons pas pu atteindre le nombre de votants pouvant nous permettre d'aller à l'Assemblée nationale. Il y a beaucoup de facteurs qui l'expliquent. Peut-être y a-t-il des éléments à analyser à notre niveau.

 

Il y a un enthousiasme qui a été brisé au sein du parti, il y a eu des crises avant et pendant la campagne. Il se trouve également que les derniers jours de notre campagne ont été émaillés d'incidents. Dans notre convoi, on a eu des accidents, des choses qui peuvent être expliquées, d'autres pas. Mais de toutes les façons, la dernière fois qu'on a fait campagne, c'était quatre jours avant le scrutin, à Saint-Louis. Le reste maintenant, c'est de la stratégie ; on s'est débrouillé à démultiplier le nombre de listes de candidats. Ça joue aussi.

 

Ensuite, il y a le phénomène de la conception que les Sénégalais ont du pouvoir. Ce devrait être quelque part une récompense...On n'a pas encore l'intelligence de l'encadrement du pouvoir. C'est pour cela certainement que le discours qui était le nôtre n'a pas pu être porté avec autant d'efficacité. Nous avions également beaucoup de candidats qui jouaient sur le même registre que nous et qui ont eu le même discours, la même appartenance et qui ont eu la même situation politique. Il y a également le taux d'abstention. Nous n'avions pas les moyens de faire déplacer nos militants pour aller voter avec l'hivernage qui prévaut dans certaines zones... La situation était un peu complexe. Je n'aime pas perdre, mais en démocratie il faut se plier à la décision de la majorité.

 

Votre engagement solitaire dans ce scrutin n'a-t-elle pas été une erreur politique ?

 

Non pas du tout. Mais tout d'abord, ça n'a pas été un choix, ça nous a été imposé. Les quatre grands partis qui composent Benno Bokk Yaakaar (APR, PS, AFP, REWMI) ont arrêté les négociations à leur niveau. Regardez ce qui est arrivé à Mor Dieng qui n'a pas été sur les listes, Gadio qui avait quelqu'un sur les listes mais qui a été retiré à la publication. Est-ce qu'il fallait attendre que cela nous arrive ? Je ne le pense pas.

 

On ne m'a pas fait d'offre ni de proposition. Pour moi, il était important de participer à ces élections et on l'a fait. On aura au moins le plaisir d'avoir participé, d'avoir acquis de l'expérience, d'avoir eu un discours qui a accroché des Sénégalais avec la formulation de propositions sur la réforme de l'Assemblée, l'amélioration de la gouvernance...

 

Maintenant comment appréhendez-vous votre avenir politique ?

 

La question ne se pose même pas à mon niveau. Je suis juste au service de l'Etat et je ne suis pas de ceux qui pensent qu'aller à l'Assemblée nationale est une sorte de sinécure. Il faut bien aimer son pays pour mettre 20 millions de francs Cfa pour faire de la campagne, acheter du carburant, louer des véhicules, loger des gens, faire le tour du Sénégal. Ça c'est l'amour pour son pays qui le fait. Cet amour est encore là, je reste engagé pour mon pays, je reste engagé pour participer à la gouvernance de mon pays et améliorer la situation des uns et des autres. Nous sommes dans un pays extrêmement difficile qui n'a encore trouvé ni la voie de l'émergence économique ni la voie de la stabilité institutionnelle. Nous avons des idées et des convictions pour cela. Je ne vois pas pourquoi j'arrêterais de vendre ma démarche et ma façon de voir les choses.

 

Où et comment trouver 20 millions de cautionnement, pour un jeune et petit parti comme AD Pencoo ?

 

Je suis quelqu'un qui a beaucoup travaillé, qui connaît le pays et le monde, qui s'est beaucoup investi. La deuxième chose est qu'il faut vraiment être dans le milieu de la politique pour savoir le niveau d'implication de certains Sénégalais. Pour des convictions, beaucoup de nos compatriotes sont prêts à investir leurs biens pour soutenir des initiatives.

 

Quelle analyse sur la composition de cette Assemblée nationale après la publication provisoire des résultats ?

 

C'est une Assemblée nationale qui va être difficile. On a beaucoup d'entrées, beaucoup de personnes qui en sont à leur première expérience. Il y aura certainement des efforts à faire chez les uns et les autres pour être dans l'ambiance de l'hémicycle. Ensuite, du point de vue de la stabilité et de la gouvernance, le type de régime que nous avons exige qu'il y ait une connivence entre la majorité parlementaire et la majorité présidentielle.

 

Notre régime actuel, et c'est d'ailleurs une de ses tares fondamentales, ne souffre pas d'une cohabitation. Or, nous avons une assemblée nationale qui n'a pas de majorité linéaire, ceux qui gouvernent sont majoritaires à l'Assemblée nationale mais appartiennent à plusieurs partis politiques. Donc il leur faudra s'entendre dans les 5 prochaines années, ou bien ce sera une sorte de cohabitation à moins que Macky Sall lui-même renie ce qu'il a combattu aujourd'hui, c'est-à-dire son ancienne famille libérale.

 

Or la situation dans laquelle se trouve le président de la République le contraint à tenir ses alliés sans que personne ne puisse se détacher pour imposer une quelconque volonté aux autres. D'ailleurs, la première grande épreuve pour évaluer tout cela, c'est ce qui se passera à propos de la présidence de l'Assemblée nationale...

 

 ASSANE MBAYE

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