Publié le 15 Apr 2016 - 01:11
MOUSTAPHA CISSÉ (COORDONNATEUR DU PAPEJF)

‘’Notre ambition n’est pas de régler définitivement la question de l’emploi’’

 

Le Coordonnateur du PAPEJF est dans la logique de son ministre de tutelle Mame Mbaye Niang qui estime que le gouvernement est en mesure de financer tous les projets bancables que de jeunes promoteurs vont mettre sur sa table. Selon Moustapha Cissé, le projet qu’il coordonne dispose d’une ligne de crédit de 10 milliards de F CFA destinés uniquement à accompagner les jeunes et les femmes. Dans cet entretien, il explique les objectifs fixés par le gouvernement à travers le PAPEJF et revient sur les réalisations qui ont été faites jusqu’à cette date.

 

 Quelles sont les missions du Projet d’appui à la promotion de l’emploi des jeunes et des femmes ?

Le PAPEJF est un projet de l’État du Sénégal placé sous la tutelle du ministère de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Construction citoyenne. Son principal objectif est de promouvoir la création de 15 000 emplois décents et durables pour les jeunes et les femmes. C’est un projet qui vise spécifiquement la cible jeune et la cible femme. Il est financé par la Banque africaine de développement (BAD) pour un montant de 18 milliards de F CFA et devrait contribuer à l’atteinte des objectifs du Plan Sénégal émergent (Pse). La question de l’emploi surtout celui des jeunes est une préoccupation nationale et le PAPEJF apportera sa contribution.

Le PAPEJF a commencé ses activités depuis mai 2014, quel bilan a mi-parcours pouvez-vous présenter ?

C’est vrai que le projet a démarré en mai 2014. Nous en sommes à la fin de la deuxième année et c’est un projet prévu sur 5 ans. A cette date, on peut dire que le bilan est satisfaisant parce que l’institution financière a été sélectionnée.

Elle a retenu les SFD partenaires (sociétés financières décentralisées) avec qui on travaille. Autrement dit, nous travaillons avec des agences d’exécution comme ANIDA et ANPEJ qui nous aident à réaliser 156 fermes agricoles et aquacoles. Pour l’instant, 14 fermes vitrines sont en phase d’être finalisées. 14 fermes sont déjà réceptionnées conformément au délai d’exécution qui nous lie avec les entreprises. S’agissant des 142 autres fermes agricoles et aquacoles, les études sont en cours. Nous allons lancer les marchés d’ici la fin du mois d’avril et les travaux de réalisation vont démarrer effectivement en août-septembre 2016.

Le processus est très bien avancé. C’est l’un des premiers piliers du projet qui est de mettre à la disposition des jeunes et des femmes des fermes qui seront financées par le projet qui va leur permettre de travailler et à la fin de pouvoir créer de la richesse et obtenir des emplois durables dans leurs localités. Le deuxième volet, c’est le financement. Notre objectif, c’est d’aider les jeunes à disposer d’aménagements modernes et de les aider dans la mise en valeur par l’intermédiaire d’une structure financière avec qui nous sommes déjà sous contrat.

Quels sont les critères à remplir pour être éligible à ce projet ?

Pour le financement, il y a des critères de sélection. Pour être éligible, il faut d’abord être un jeune Sénégalais ou remplir les critères liés au genre. Le second critère est d’ordre géographique. Le projet intervient dans 7 régions du pays : Ziguinchor, Kolda et Sédhiou dans le Sud, Kaolack, Fatick et Thiès au Centre-est et la région de Dakar où on n’intervient que dans la banlieue. Donc, pour être bénéficiaire des services du projet, il faut aussi être dans notre zone d’intervention. Quelqu’un qui est de Saint-Louis ou Matam ne pourra pas bénéficier des services du projet. Le troisième critère est lié aux secteurs d’activités. Notre mission est d’aider les jeunes et les femmes à créer des entreprises durables. Nous avons identifié un certain nombre de secteurs d’activités où il y a un potentiel de création d’emplois. C’est le secteur primaire au sens large : agriculture, maraîchage, pêche, élevage.

Nous avons aussi intégré d’autres secteurs liés à l’artisanat, notamment tout ce qui est couture, teinture, coiffure, menuiserie. Nous avons aussi d’autres critères additionnels qui nous permettent d’apprécier la rentabilité, la faisabilité et le potentiel de création d’emplois. Ces critères seront jugés une fois que le plan d’affaires est élaboré. Est-ce que le projet présente un potentiel d’emplois énorme ? Est-ce qu’il est durable financièrement et économiquement ? Ce sont des critères additionnels qui nous permettent d’apprécier les bons dossiers qu’on va privilégier.

Aujourd’hui, dans toutes les régions d’intervention, on a déjà tenu des comités départementaux de sélection qui se fondent sur ces critères. Ce qui nous prévaut aujourd’hui d’avoir des dossiers qui ont été présentés à la BIMAO et au Crédit mutuel du Sénégal. D’autres dossiers sont dans le circuit et tous les deux mois, on pourra organiser des remises de financement parce qu’on a une ligne de crédit de 4 milliards qu’on pourra mobiliser mais globalement, c’est 10 milliards de financement qu’on peut mettre sur la table parce que les partenaires financiers vont apporter les 6 milliards additionnels.

Vous avez financé un premier lot de 150 jeunes, est-ce que ce nombre n’est pas insignifiant comparé au nombre de dossiers que vous avez reçus ?

Nous en sommes à 15 000 demandes reçues. Sur les 15 000 demandes reçues, les 1 500 sont en train d’être étudiés. Sur les 1 500 dossiers, il y a une bonne partie qui est déjà dans le circuit de validation interne mais aussi dans le circuit d’approbation du Crédit mutuel du Sénégal. Les 150 premiers dossiers constituent le premier jet. Tous les deux mois, on va octroyer des financements. Le processus est maintenant opérationnel. Le plus difficile était de sélectionner la banque partenaire, les structures de financements partenaires et de sélectionner des consultants privés qui vont aider à appuyer les promoteurs dans l’élaboration d’un plan d’affaires. Ce dispositif est en place et opérationnel, il ne reste qu’à dérouler le processus.

Pourtant, votre ministre de tutelle Mame Mbaye Niang avait soutenu que l’argent était disponible. Est-ce que tous les projets bancables parmi les 15 000 demandes seront financées par le PAPEJF ?

Nous sommes dans ce processus et les premiers financements octroyés sont des projets bancables. Un projet bancable est un projet qui a une rentabilité acceptable et qui est durable et qu’une banque ou une mutuelle est prête à financer parce qu’il y a moins de risques. C’est tout le sens qu’il faut donner à ce discours de Monsieur le ministre. Notre premier objectif est de faire de telle sorte que les projets ou les idées de projets soumis par des jeunes et des femmes puissent être bancables. Nous avons comme obligation de les aider, de les orienter vers des secteurs d’activités porteurs. Nous avons sélectionné des consultants qui aident les promoteurs à disposer d’un plan d’affaires valable et nous dégageons des ressources pour ça. Tout projet bancable va être financé parce que le problème de ressources ne se pose pas. Le PAPEJF a une ligne de crédit de 10 milliards F CFA. L’argent est disponible. Ce qui veut dire que si un projet est bancable, s’il passe par le PAPEJF ou les autres instruments du ministère, il sera financé. Maintenant, notre mission première est d’aider les jeunes à avoir des projets bancables.

Et pourquoi le choix des femmes adultes ?

C’est en termes de vulnérabilité. Les femmes sont beaucoup plus exposées. Leur dynamisme entrepreneurial est avéré. Aujourd’hui, les structures de microfinance sont unanimes sur l’engagement des femmes à créer des entreprises, leur sérieux dans le respect des engagements.

7 régions sur 14 ont été sélectionnées. Qu’est-ce qui a été déterminant dans ce choix ?

Choisir c’est éliminer. Et un projet ne peut pas régler toutes les préoccupations en tout lieu. Il faut faire des arbitrages. Vu les secteurs d’activités qui sont éligibles, il est compréhensif qu’on privilégie les zones du Sud et du Centre. Aussi, si on regarde bien la carte de la pauvreté, il est prouvé que ces zones ciblées font partie des zones les plus pauvres du pays. C’est vrai qu’il y a les régions de Tambacounda, Kédougou et Matam mais il y a d’autres instruments de l’Etat, financés par le même bailleur, qui opèrent dans ces zones. C’est pour ne pas disperser les efforts qu’on a voulu se concentrer dans un périmètre géographique bien déterminé. Le plus important, c’est de créer de l’effet. Concentrons-nous, pour l’instant, dans ces zones d’intervention et travaillons pour avoir de l’impact.

Quelle est la zone de démarcation entre le PAPEJF et l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes (ANPEJ) ?

Vous savez, l’État a différents démembrements. Outre l’ANPEJ et le PAPEJF, il y a la Direction de l’Emploi. Chaque structure a sa mission. Nous, en tant que projet, sommes éphémère. C’est un projet de 5 ans circonscrit dans l’espace. Nous avons des cibles privilégiées. Nous avons des objectifs très précis. C’est ça la nature d’un projet. On est différent d’une agence qui n’a pas de limitation géographique et qui a des missions fondamentales de promouvoir la promotion de l’emploi. Nous, nous sommes un instrument opérationnel de promotion de l’emploi.

Nous sommes complémentaires. Je pense qu’il y a une cohérence d’ensemble parce que nous sommes dans le même ministère. Nous sommes tenus, à travers des réunions de coordination, à travers l’orientation que nous donne le ministre, de travailler la main dans la main pour qu’on puisse réussir ensemble. Si on était dans des ministères différents, ça pourrait peut-être causer des problèmes. Toutes ces structures sont dans le même ministère, l’un étant l’instrument opérationnel, l’autre s’occupant des politiques en termes d’orientations et de stratégies.

La Banque africaine de développement va-t-elle à elle seule dégager les 18 milliards de F CFA prévus dans le cadre de ce projet ?

Le PAPEJF est un projet financé par des ressources externes. Et c’est le partenaire technique et financier en l’occurrence la Banque africaine de développement qui a financé le projet en grande partie. C’est un projet de 18 milliards mais la BAD contribue à hauteur de 17 milliards, pratiquement les 90%. L’Etat du Sénégal contribue à hauteur de 10% ; 1 milliard à peu près. Le PAPEJF est donc cofinancé par la BAD et l’État du Sénégal. Mais c’est un prêt. Nous avons des accords que l’Etat a signés avec ce bailleur. Le décaissement se fait selon les besoins annuels et à travers un plan. Actuellement, on a un taux de décaissement autour de 10% et avant fin 2016, on sera à un taux de 30% et les gros investissements se feront en 2017 avec les autres fermes dont les travaux vont démarrer. Mais nous sommes dans le rythme normal d’un projet de 5 ans.

Est-ce que la durée de vie du projet est suffisante pour régler la lancinante question de l’emploi des jeunes et des femmes ?

Au Sénégal, il y a 200 000 nouveaux demandeurs d’emplois par an. Nous, nous avons un objectif de créer 15 000 emplois. Ce n’est pas au PAPEJF de régler définitivement la question de l’emploi. Et aucune autre structure ne peut avoir cette ambition. Le plus important, c’est de montrer le chemin à suivre. Aujourd’hui, le travail salarié ne peut pas à lui tout seul régler la question de l’emploi au Sénégal. Il faut aider les jeunes à créer eux-mêmes leur entreprise. C’est ce qu’on appelle l’auto emploi. Le PAPEJF va montrer la voie.

 

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