Publié le 18 Sep 2019 - 20:44
NAUFRAGE AUX ILES DE LA MADELEINE

La longue nuit d’angoisse des familles de victimes 

 

La nouvelle, tombée tard dans la nuit du lundi au mardi, a plongé les familles des jeunes qui étaient partis en excursion à l’îlot Sarpan dans une angoisse infernale. De Soumbédioune à l’hôpital Principal, les proches sont passés par tous les états. Une longue nuit de souffrance et une journée d’hier pénible pour avoir des informations. Récit.

 

Quatre morts et 37 rescapés est le triste bilan du naufrage de la pirogue qui a chaviré la nuit du lundi au large de l’îlot Sarpan. Avant l’identification des victimes décédées, les proches et familles des passagers sont passés par tous les états.

En effet, à l’embarcadère  de Soumbédioune où ils se sont regroupés, dès que la nouvelle est tombée, l’angoisse et l’inquiétude se lisaient sur tous les visages. Une attente douloureuse. Certains sont en pleurs. D’autres, chapelet à la main, implorant Dieu et priant pour que leurs proches ne figurent pas sur la liste des 4 décédés.

Ainsi, certains proches des victimes dont des mères ont passé la nuit sur la plage, tandis que d’autres ont pris d’assaut les lieux dès 7 h, à la quête d’informations concernant les passagers. Mais ici, aucune nouvelle n’a circulé.

Les sapeurs-pompiers et les agents des eaux et forêts présents sur place ont sommé les quelques pêcheurs qui s’étaient rendus sur l’île de ne communiquer aucune information sur le bilan du naufrage, sur l’identité des victimes ou sur l’évolution de la situation. Ainsi, plus le temps passe, plus les familles perdent patience. 8 h, l’heure qui était prévue pour le retour des rescapés. L’angoisse est à son paroxysme. Puisque l’heure annoncée, passée de quelques minutes, aucune nouvelle ne parvenait aux familles. Certaines mamans, n’en pouvant plus, commencèrent à pleurer, à exiger que qu’on leur dise la vérité sur le naufrage.

Les pêcheurs à la rescousse des mamans

Face à cette angoisse suffocante, certains pêcheurs décidèrent de sortir de leur réserve pour communiquer. Ainsi, un jeune, juste descendu d’une pirogue en prévenance de l’île, essaya de consoler les mamans. Il se nomme Adama Mbengue et s’est présenté comme le président des jeunes pêcheurs. ‘’Nous avons passé la nuit au niveau de l’île avec les victimes. Nous sommes venus pour vous dire que tout va bien et qu’il faut rendre grâce à Dieu, car on pouvait avoir pire. Hier soir, dès qu’on a aperçu la pirogue en train de chavirer, on est parti secourir les victimes. On a voulu les évacuer sur Dakar, pendant la nuit, mais ils étaient choqués et avaient refusé de reprendre les pirogues’’, a-t-il déclaré devant l’oreille attentive des proches qui, malgré cela, sont restés sur leur faim.

C’est aux alentours de 9 h que le lieutenant-colonel Ange Michel Diatta des sapeurs-pompiers, accompagné d’une psychologue, a interpellé les familles. Il leur a demandé de regagner l’hôpital Principal où une cellule de prise en charge psychologique les attendait. ‘’Les familles des victimes sont invitées à rejoindre le pavillon France de l’hôpital Principal où une cellule de soutien psychotique vous attend pour vous donner au fur et à mesure des informations sur le naufrage’’, a indiqué le médecin psychologue. ‘’Nous voulons d’abord savoir ce qui se passe. Comment se portent-ils ? Il y a combien de morts exactement ?’’, a aussitôt rétorqué une dame à l’endroit de la psychologue. ‘’Je n’ai pas ces informations. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il faut rejoindre l’hôpital. C’est là-bas que vous allez recevoir ces informations’’, a laissé entendre la dame, avant de repartir avec les pompiers, direction l’hôpital Principal.  

Le colonel Ange Michel Diatta décida, à son tour, de donner plus d’informations à la presse venue nombreuse pour s’enquérir de l’évolution de la situation. ‘’On ne peut pas donner trop de détails sur le drame, mais on sait que c’est dû aux fortes houles. Les personnes sont restées piégées sur l’île. Avec le mauvais temps et la nuit, c’était un peu compliqué pour les sauvetages, car les victimes ne voulaient pas être évacuées la nuit’’, a-t-il déclaré.

Triste ambiance dans les services d’urgence de Principal

Si à Soumbédioune, les pêcheurs faisaient l’effort de faire la navette entre l’île et la plage pour informer les familles, à l’hôpital Principal, c’est la loi de l’omerta qui a prévalue. Aucune information n’a filtré. On leur avait promis une cellule d’assistance psychologique. Mais, sur place, les proches de victimes ont peiné même à entrer dans l’établissement ou à rejoindre leurs proches. L’accès leur a formellement été interdit. Ils ont été laissés à leur compte à la porte. Déprimés et angoissés, ils n’ont trouvé aucun interlocuteur. Les autorités ont fermé les portes à presque tout le monde. Même les journalistes venus nombreux pour couvrir le drame y ont été interdits d’accès.

Néanmoins, nous avons réussi à rejoindre les urgences de l’hôpital où étaient recueillies les victimes, en passant par la porte de derrière qui mène à la morgue. C’est à ce moment qu’est venu le ministre de l’Environnement et du Développement durable, Abdou Karim Sall, pour rendre visite aux rescapés. On en a profité pour nous imprégner de la situation à l’intérieur des urgences. Certaines victimes étaient en train d’être soignées dans de petites cabines individuelles. Les blessés légers sont restés à la grande salle d’entrée des urgences. Ils s’y promenaient. La plupart boitaient et éprouvaient de la peine à se tenir debout. Ils étaient majoritairement jeunes. Le regard dans le vide. La fatigue et la mélancolie se lisant sur les visages.

CONFIDENCES D’UN RESCAPE SUR LE DRAME

‘’C’était la panique totale’’

Hier, il était difficile d’avoir des informations sur le naufrage survenu près de l’îlot Sarpan. Il a fallu un coup de chance pour recueillir les confidences d’un rescapé. En effet, quelques instants après le départ du ministre, un groupe de 5 victimes, trois filles et deux garçons, est sorti des urgences. Sandwich et banane à la main, ils ont pris la direction de la porte de sortie de l’hôpital, sûrement pour rentrer chez eux.

Nous en avons profité pour interpeller l’un des garçons qui a accepté de témoigner sous l’anonymat. Il habite Dakar et était parti avec ses 7 amis visiter l’île. Il décrit la scène du drame.  ‘’On a pris la pirogue pour le retour, au moment où la pluie a commencé à s’abattre. Il commençait à faire nuit et tout le monde voulait rentrer avec la dernière pirogue.

Ce qui fait que la pirogue était surchargée et certains passagers ne portaient pas de gilet de sauvetage. A peine quelques minutes après l’embarquement, les pêcheurs qui étaient sur la pirogue ont commencé à descendre du navire. Ils nageaient pour rejoindre la plage de l’île. Ils avaient compris que la situation n’augurait rien de bon. A peine une minute après, l’eau a commencé à couler à l’intérieur à la pirogue, puis elle a aussitôt chaviré. Tout s’est passé très vite, à peine quelques minutes après l’embarquement’’, relate-t-il. Avant d’ajouter : ‘’C’était la panique totale. Le reste de la scène est indescriptible. Heureusement, il y avait les pêcheurs pour nous secourir.’’

Interpellé sur le bilan des victimes qui n’ont pas pu survivre au chavirement, le jeune rescapé confirme qu’elles sont au nombre de quatre.  

Abba Ba

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