Publié le 16 Feb 2016 - 18:50
NDIOUGA NDIAYE SUR LA LIBÉRATION SURPRISE DE BOY DJINNE

‘‘Jammeh a voulu emmerder le gouvernement sénégalais’’

 

L’ancien ambassadeur du Sénégal en Gambie, Ndiouga Ndiaye,  estime que la libération de Boy Djinné sans son transfert au pays  est une provocation de plus émanant de Banjul. Il appelle le gouvernement sénégalais à plus de fermeté. Quant à l’avocat du fugitif, il confirme la libération mais dit en ignorer les tenants et aboutissants.  

 

Boy Djinné, c’est comme Ali Baba. ‘‘Sésame ouvre-toi !’’ Et les portes des prisons les plus redoutables lui cèdent. Même celles de Miles Two. Une libération qui rentre dans les tribulations d’une relation sénégalo-gambienne empreinte d’un ‘‘je t’aime moi non plus’’ diplomatique ? L’affranchissement intervient deux jours après que Banjul a décidé unilatéralement de la hausse du tarif sur les camions sénégalais de passage en Gambie, mercredi dernier. Une surtaxe qui porte la somme à 400 mille F CFA pour les gros-porteurs.

 Ce qui a le don d’irriter l’ancien ambassadeur sénégalais en poste à Banjul, Ndiouga Ndiaye, qui s’est débarrassé de sa langue de bois diplomatique. ‘‘Je ne crois pas que la libération de Boy Djinné soit un problème d’envergure nationale. Jammeh a voulu emmerder le gouvernement sénégalais qu’il a pris cette  décision de le libérer. Ça veut dire ce que ça veut dire. Pour lui, toutes les occasions sont bonnes d’embêter le gouvernement du Sénégal qui ne réagit jamais, jamais !’’ peste-t-il. Alors que tout semblait indiquer un transfert de Boy Djinné vers le Sénégal, les autorités gambiennes effectuent une volte-face qui passe mal à Dakar. Après l’audience du 8 février dernier et la charge du représentant du parquet gambien, le commissaire Mballow, sur la dangerosité de Boy Djinné et de son acolyte, les choses semblaient en bonne voie pour une extradition. La décision de sa libération samedi a pris tout le monde de court.

L’ancien plénipotentiaire demande même que l’Etat sénégalais adopte des mesures plus coercitives pour parer à toute éventualité contre la versatilité de la partie gambienne. ‘‘On a plusieurs moyens de rendre la monnaie de la pièce. Jammeh se croit tout permis parce qu’il y a ce fameux pont dont les travaux ne démarreront jamais parce que c’est son arme favorite. Puisqu’il ne pèse pas diplomatiquement, il faudrait des pressions économiques. Il vient de nous imposer 400 mille F CFA pour les camions qui traversent la Gambie et il n’y a pas de réactions officielles. Il suffit de bloquer les camions de ravitaillement, les bateaux qui passent par nos eaux, pour aller en Gambie pendant trois jours et vous verrez sa réaction ’’, propose-t-il, se rappelant que telle mesure déjà prise sous le régime de Wade avait eu les effets escomptés.

 Le diplomate de s’insurger contre l’inertie des décideurs sénégalais face aux multiples dérapages de Jammeh. ‘‘Ils ont eu maintes fois l’occasion de lui porter la réplique, mais ils s’en abstiennent toujours. Yahya pense que le Sénégal n’osera pas lever le petit doigt contre lui parce qu’il se croit incontournable dans le règlement du conflit casamançais. Ce qui est faux sur toute la ligne. Il y a longtemps, il était assez influent pour ce dossier, mais plus maintenant. Il faudrait que le gouvernement réagisse fermement par un blocus économique et il se rendra compte de ses bêtises.’’

Libération aux contours flous

Les conditions de l’élargissement de Boy Djinné sont imprécises. Son avocat, Me Babou, révèle que l’information qui lui est parvenue parle d’une libération survenue avant-hier (Ndlr : samedi). Pour le reste, le conseil du fugitif reste dans le vague. ‘‘Je ne peux pas confirmer si c’est une liberté provisoire ou définitive. Je sais qu’il est libre’’, précise-t-il, hier, au téléphone de EnQuête, ajoutant qu’il ne dévoilera pas ses secrets professionnels à la question de savoir s’il s’était déjà entretenu avec son client depuis. L’avocat va même plus loin en disant ne pas être au courant ‘‘des poursuites contre lui initiées par les autorités judiciaires gambiennes’’ puisqu’il ne s’est pas rendu en Gambie.

‘‘Je ne sais pas s’il a recouvré la liberté par voie judiciaire ou si cela s’est fait suite à une demande formulée par le Sénégal. C’est un point d’interrogation. Je ne sais pas ; je ne l’ai pas défendu devant les juridictions gambiennes’’, dégage-t-il en touche avant de préciser que les implications diplomatiques de ce dossier sont hors de ses compétences : ‘‘Même quand Boy Djinné était en Gambie j’avais toujours refusé de me prononcer sur la chose pour éviter de mettre de l’huile sur le feu. Je ne peux pas parler au nom des autorités sénégalaises. Je m’en tiens à ma casquette d’avocat’’, a conclu Me Babou.

OUSMANE LAYE DIOP

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