Publié le 27 May 2018 - 04:01
NDOGOU AVEC... SIRA NDIAYE (DEPUTE)

‘’J’ai trouvé mon homme’’

 

Député de la 13e législature, Sira Ndiaye allie vie politique et ménage. Nouvellement remariée, la ‘’Lionne de Mbour’’ a reçu ‘’EnQuête’’ à son domicile sis à la Cité des Magistrats, à l’heure du ‘’Ndogou’’ (rupture du jeûne). Dans cet entretien, elle raconte ‘’son amour’’, sa vie, son engagement politique et ses ambitions. La parlementaire se prononce, également, sur la brûlante question universitaire et les autres sujets d’actualité.

 

Vous êtes secrétaire élue de la 13e législature. Pouvez-vous revenir sur votre parcours politique ?

Je suis membre fondatrice de l’Alliance pour la République (Apr). J’ai connu le président en 2006. C’était dans le cadre du mouvement Jeunesse ouverte à Macky (Jom) avec Thérèse Faye, Pape Malick Ndour et beaucoup d’autres étudiants engagés aux côtés de Macky Sall. A l’époque, il était Premier ministre et directeur de campagne d’Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle et aux législatives de 2007. On l’avait accompagné sans être membre du Parti démocratique sénégalais (Pds).  Par ailleurs, j’ai été tout le temps active dans le milieu syndical, au niveau de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Car, après l’obtention du Baccalauréat, j’ai été orientée à la faculté des Sciences juridiques et politiques de l’Ucad. J’y ai fait deux ans avant d’opter pour une formation en marketing et en communication sanctionnée d’une Licence professionnelle. J’ai également fait banque-assurance. J’ai travaillé dans les centres d’appel comme beaucoup d’étudiants, afin de payer mes études. J’ai eu un Master en relations internationales et en diplomatie.

Comment s’est passé votre enfance à Mbour ?

En fait, je suis orpheline de père et de mère. J’ai été élevée par ma tante paternelle et jusqu’à présent, je vis avec elle à Mbour, dans la maison familiale. Comme un bon Lébou, je passais beaucoup de temps à la plage pour des baignades, mais sans pour autant banaliser les études françaises et coraniques. Je suis issue d’une famille qui accorde une très grande importance à l’éducation. Ma tante fondait beaucoup d’espoir sur ma personne. Egalement, je croyais en moi. Cela, je l’ai hérité de ma grand-mère paternelle dont j’étais très proche. Enfant, je n’étais ni timide ni belliqueuse. J’étais comme toutes les filles de mon âge. J’ai eu à jouer à tous les jeux d’enfants, aller suivre des matches ‘’navétanes’’, car j’adore le sport. Je dirais que j’étais comme un garçon manqué. Toutefois, je faisais les travaux domestiques. Il m’arrivait d’aller chercher de l’eau, car on n’avait pas de robinet à l’époque. J’étais très correcte. Je me bagarrais rarement.

Vous êtes devenue orpheline depuis le bas âge. Comment avez-vous vécu ce vide ?

C’est très dur. Déjà perdre une maman, c’est quelque chose de très douloureux. Mais, par la grâce de Dieu, j’ai eu la chance d’être avec une tante exemplaire avec qui je vis depuis mes 2 ans. Depuis, je ne me suis pas rappelée un seul moment où elle m’a dit ou fait quelque chose de regrettable. Elle me préfère à ses propres enfants et elle m’a donné une parfaite éducation. Partout où je vais, je suis respectée et considérée. Ma mère est décédée alors que j’avais 6 ans. Mon père l’a rejointe quand j’étais en classe de seconde.

Pourquoi vous êtes-vous engagée en politique ?

Je me suis engagée pour accompagner Macky Sall dans sa politique. C’est là qu’est né le mouvement Jom. C’était la première fois qu’on a rencontré le président qui a discuté avec nous comme un parent. Il nous a expliqué son enfance et ses expériences. Du coup, j’ai été séduite par son parcours professionnel. Il avait insisté pour que l’on respecte nos études, faire tout pour réussir et devenir des références dans la société. Dans la vie, il faut juste croire en soi.  Ce n’est pas pour rien qu’on m’appelle la ‘’Lionne de la Petite Côte’’. Chaque personne peut avoir sa place dans l’arène politique, que ça soit un homme ou une femme. Ce n’est pas un problème de sexe, c’est juste un problème de conviction et de principe. Je me suis toujours dit que je souhaiterais avoir la même trajectoire que le président Macky Sall. Mais quand je parle de femme en politique, ma référence, c’est Adja Caroline Diop qui fut la première femme ministre et député.

Qu’est-ce qui vous a le plus fait mal durant dans votre carrière politique ?

Déception rime avec carrière politique, car cette dernière n’est qu’une lutte sans fin. De ce fait, si on n’a pas de dignité, de courage et d’honnêteté, on ne va jamais y réussir. C’est pourquoi on se bat tous les jours pour que la personne principale qui est le leader (Macky Sall) où qu’on puisse être avec lui, soit fier de nous. Tout militant doit faire en sorte que son mentor soit satisfait de lui.

En tant que femme, est-ce facile d’allier votre vie conjugale et votre carrière politique ?

Ces deux vies sont certes différentes, mais il est possible de les allier, si on a la confiance de son conjoint. Dans un couple, la confiance doit être réciproque. Je ne parlerai pas de sentiments, car s’il n’en avait pas, on ne se serait pas marié. Cependant, il faut de la confiance dans une relation. D’autant plus que nous vivons dans un monde un peu spécial où même les murs parlent. Donc, il faut une concertation, mais surtout une compréhension mutuelle entre les époux. J’ai su différencier le côté politique et le côté personnel. Il y a beaucoup de couples qui se disloquent à cause de l’incompréhension.

Est-ce que ce n’est pas cette incompréhension qui a causé l’échec de votre premier mariage ?

Non ! Un mariage peut se terminer à tout moment. C’est comme la mort. C’est Dieu qui en décide. J’ai fait 7 ans et demi dans cette union sans enfants. Mon activité politique n’a jamais posé problème dans mon ménage. Il ne m’a jamais interdit d’assister à une manifestation politique. Au contraire, il m’a toujours encouragée pour que je perce dans le milieu. On ne peut pas aimer une personne et l’empêcher d’avancer dans ce qu’elle fait.

Comment avez-vous vécu votre divorce ?

Ce n’était pas facile. Mais, comme je suis une musulmane, j’ai réussi à tenir le coup. Aussi, j’ai une mentalité très forte, car je suis issue d’une grande famille et j’ai une certaine expérience de la vie. J’ai été éduquée pour supporter toutes sortes d'épreuves. On s’en remet toujours à Dieu. Quand je m’engage dans une cause, j’y vais avec dignité pour ne jamais baisser la tête. Je garde toujours de bons rapports avec la famille de mon ex-conjoint.

Vous vous êtes remariée le 3 mai dernier. Comment avez-vous connu M. Sène ?

(Elle éclate de rire) Je suis restée un an avant de me remarier. Mon mari est un Sénégalais comme moi. Nous nous sommes connus ici, mais il vit aux Etats-Unis. Je ne vais pas entrer dans les détails. Tout ce que je peux dire, c'est que j’ai trouvé mon homme. Il m’a vue, m’a aimée comme d’autres personnes m’aiment aussi et m’a épousée. Je suis la première.

Vous étiez très sollicitée alors…

Une femme célibataire qui a tout pour plaire, il est normal que les prétendants accourent de partout. Je pense que ce n’est pas méchant. Mais pour le mariage, c’est la volonté divine. Ils étaient tous des hommes bien, mais Dieu a décidé que c’est M. Sène qui serait mon époux.

Qu’est-ce qui vous a le plus attiré chez lui ?

Sa piété. Il ne se couche jamais sans accomplir les 5 prières de la journée. C’est un fervent mouride. Il est humain et très correct.

Un mariage à distance alors. N’est-ce pas difficile ?

Il n’y a rien de difficile. J’y vais quand je veux et il vient quand il veut. Je n’y vois aucune contrainte. L’essentiel est qu’on est amoureux et voilà. Et puis les téléphones sont là. Donc, c’est gérable.

A travers les photos de vous et de monsieur accrochées au mur un peu partout dans l’appartement, on voit que vous avez un époux très beau. Ne craignez-vous pas que les filles vous le chipent ?

Pour résumer, M. Sène n’aime que Sira et Sira n’aime que lui. Il n’empêche que je suis jalouse, car quand on aime une personne, on est forcément jaloux.

‘’Pour le ‘Kheud’, ma préférence est le couscous à 100 F Cfa avec du lait’’

Comment se passe vos journées pendant le mois béni de ramadan ?

A mon réveil, je prends le ‘’Kheud’’ (Ndlr : repas avant la prière de l’aube). Ma préférence est le couscous à 100 F Cfa avec du lait. Cela permet de mieux digérer. C’est une habitude que j’ai depuis l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Chez nous à Mbour, je consommais du riz au poisson comme un bon Lébou.  Après le ‘’Kheud’’, je prie avant de me rendormir. Je quitte chez moi à 9 h pour l’Assemblée nationale pour y étudier des dossiers. Actuellement, il n’y a pas beaucoup de travail à faire. Même si aujourd’hui (l’entretien s’est déroulé le jeudi) on a eu à une réunion de bureau. Nous avons 11 projets de loi à examiner, d’ici le 30 mai. C’est la Conférence des présidents des 11 commissions qui fixe les dates. Pour dire que nos activités parlementaires dépendent du calendrier de l’Assemblée. Après cela, je fais comme toutes les femmes. Comme je vis avec ma sœur, nous allons au marché pour nous approvisionner, même si j’ai une bonne.

Il vous arrive de cuisiner ?

Cela dépend de mes activités et de mes heures de travail. A l’heure du ‘’Ndogou’’ (rupture du jeûne), je prépare parfois les mets.

A quel moment de la journée vous sentez plus les rigueurs du jeûne ?

Je pratique normalement le jeûne. Chez nous, on s’y conforme depuis l’âge de 5 ou 6 ans. Ma grand-mère et ma tante nous l’exigeaient. Les jours où je sens de la fatigue pendant la journée à cause du ramadan, sont les jours où je voyage. D’habitude, lorsque je vais à Mbour pour assister à une conférence religieuse, à mon retour, je n’ai plus de force. On pense que ce mois est pour nous reposer, mais tel n’est pas le cas. Nous ne pouvons pas dire non à toutes les invitations. On ne peut pas être partout, mais on fait le nécessaire pour honorer certaines de notre présence. Ceux qui organisent ces conférences répondent toujours présents quand on a besoin d’eux. Donc, nous ne pouvons que leur rendre la monnaie de leur pièce.

Vous pensez au ‘’Sukërou Koor’’, surtout que vous êtes une nouvelle mariée ?

Oui, je vais en donner à ma belle-famille, comme il est de coutume. Je vais également en donner à mes soutiens, aux imams, aux démunis. Depuis que je suis député, chaque ramadan, je vais à Mbour pour sacrifier à cette tradition. Je conseille juste aux femmes de ne pas exagérer sur ce point et de ne pas faire l’impossible.

Parlons de l’actualité politique. La loi sur le parrainage a été votée le 19 avril dernier. Quel a été votre point de vue sur de cette polémique ?

J’étais la secrétaire élue qui a siégé ce jour-là. Je n’y voyais pas d’inconvénients. Je suis quelqu’un de convaincue et je marche sur des principes. La loi sur le parrainage, nous l’avons discutée en réunion de bureau dont je suis membre. J’étais certaine que cette loi devait passer à l’Assemblée nationale pour pouvoir assainir l’espace politique et montrer que le Sénégal est une très grande démocratie. On ne peut pas concevoir, aujourd’hui, qu’on ait 15 millions d'habitants et avoir plus de 300 partis politiques. En tant qu’actrice politique et parlementaire, je devais prendre mes responsabilités pour que cette loi puisse passer et j’en assume toutes les conséquences. J’ai donc soutenu le vote du début jusqu'à la fin.

Le maire de Dakar Khalifa Sall a été condamné dans l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar. Quel commentaire en faites-vous ?

Khalifa Sall a été interpellé par la justice sénégalaise. Je suis une des Sénégalaises qui croit au pouvoir Judiciaire. Personnellement, je ne connais pas le maire de la capitale. De plus, on ne souhaite pas la prison, même à son pire ennemi. Dans cette affaire, la justice a tranché et je m’en arrête-là.

Que répondez-vous à ceux qui soutiennent que Macky veut éliminer ses potentiels adversaires à l’élection présidentielle de 2019, en les faisant emprisonner ?

Tout comme Khalifa Sall, Karim Wade et autres, aucune de ces personnes ne constitue une menace pour le président Macky Sall. Pour Karim, ‘’Bala nga nane naam néfa’’ (Ndlr : avant de mener un quelconque combat, il faut être d’abord présent, en langue wolof). C’est un candidat fictif. Aujourd’hui, l’adversaire du président, ce sont les préoccupations des citoyens. Il travaille pour les satisfaire, parce qu’il a été élu sur la base d’un programme qu’il est en train d’exécuter. Des réalisations ont déjà été faites, certaines sont en cours et on va démarrer d’autres bientôt. A l’heure du bilan, le président Macky Sall va présenter ses résultats aux Sénégalais et non aux politiciens. Il faut savoir que le Sénégal ne se limite pas à Dakar. Si on compare ce qui a été fait avant l’arrivée de Macky Sall au pouvoir et ce qui a été fait de 2012 à nos jours, il y a une grande différence. Il a le Pudc, le Prodac et Promoville.

‘’Idrissa Seck a un problème de conscience. Il a toujours été jaloux de Macky Sall’’

Aujourd’hui, Idrissa Seck se positionne comme le challenger de Macky Sall…

Idrissa Seck, lui, est le pire. Il a un problème de conscience. Et son problème avec le chef de l’Etat est qu’ils ont deux parcours différents. Il a toujours été jaloux de Macky Sall. Je le laisse avec sa conscience. Les Sénégalais jugeront. Idrissa Seck, il faut qu’il retourne au niveau de sa base, parce qu’il a perdu le département de Thiès lors des législatives. Pour être un président de la République, il faut avoir une représentativité forte au niveau des 45 départements et dans la diaspora. Aussi, il doit savoir que trop de communication tue la communication. Actuellement, je le laisse avec Sidy Lamine Niasse, Bamba Ndiaye et sa conscience.

2019, c’est pour bientôt…

Bien sûr et le président va briguer un second mandat au suffrage universel et c’est cela notre objectif principal. Ce n’est pas aujourd’hui que nous sommes sur le terrain, car depuis 2012, on travaille quotidiennement sur le plan politique pour satisfaire les Sénégalais. Mais nous, en tant que politiques, nous sommes en train de travailler à la base, de massifier le parti et la coalition sur tout le territoire national. La coalition Benno Bokk Yaakaar œuvre dans ce sens. A Mbour, le groupe Benno Bokk Yaakaar se porte bien. On évalue un parti politique par rapport aux dernières échéances. Si on fait la comparaison de 2012 à aujourd’hui, le département de Mbour a opté pour le beige et marron.  Nous avons 17 collectivités locales avec la coalition ; les 11 sont dirigées par l’Alliance pour la République, les 4 par le Parti socialiste et les 2 par l’Afp. Nous avons deux grands leaders : c’est Tanor Dieng et Oumar Youm. L’élection présidentielle n’est pas la même chose que les élections locales ou législatives. Nous sommes prêts sur tous les plans et nous allons donner un second mandat au président avec un fort taux.

Vous êtes ambassadrice de la Petite Côte. Comment se porte l’économie dans cette ville ?

Il y a énormément d’efforts faits par les dirigeants des communes, même si parfois les moyens ne suivent pas. C’est pourquoi je sollicite du président Macky Sall un programme spécial pour la commune de Mbour. Elle est très en retard sur les infrastructures, l’assainissement et le décollage économique. La commune de Mbour a toujours voté pour lui et attend beaucoup de lui. C’est vrai qu’au niveau départemental, beaucoup de choses ont été faites, mais nous voulons un programme spécial pour le décollage économique de la commune. C’est un cri du cœur de la fille et député de Mbour. Nous sommes une ancienne commune qui représente beaucoup pour le président et nous comptons le réélire. Nous aimerions vraiment changer de visage économique. Mbour mérite plus. Macky Sall est en train de soutenir les pécheurs, le tourisme, mais il y a encore des choses à faire à Mbour. 

L’actualité reste également dominée par la crise universitaire consécutive à la mort de l’étudiant Mouhamadou Fallou Sène. Quel commentaire en faites-vous ?

Je déplore ce qui se passe, parce que le fait de réclamer une bourse n’est pas une raison pour se faire tuer. On est tous passé par là. Je demande aux étudiants d’être sereins, parce que la mort de Fallou a touché tout le monde. Je pense que le président Macky Sall va prendre toutes les mesures pour que cela ne se reproduise plus. Il a déjà commencé, une enquête est en cours. Nous demandons que justice soit faite et que les responsabilités soient situées. C’est vraiment douloureux, mais j’appelle les étudiants à la retenue, parce que la violence ne règle rien. Ils doivent se rappeler que tout ce qu’ils détruisent appartient aux Sénégalais. Qu’ils revendiquent leurs droits dans la discipline, comme ils l’ont fait ces derniers jours avec les marches pacifiques. C’est ainsi que tout sera réglé et que l’année puisse être terminée en beauté.

Quelles sont vos relations avec les autres députés femmes ?

Ce sont des collègues, des sœurs et j’ai de très bonnes relations avec elles. Celles qui sont plus âgées que moi, je les appelle ‘’tatas’’ ou ‘’mamans’’.

Quelle sont vos relations avec Marième Faye Sall ?

Je la respecte. Elle est l’épouse de mon leader, donc la première dame. Elle est une femme exemplaire. Elle incarne la ‘’sénégalité’’. C’est notre maman à tous. Elle est généreuse, pieuse et elle aide son mari et les Sénégalais.

AWA FAYE & HABIBATOU WAGNE 

 

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