Publié le 12 Oct 2015 - 17:22
NECROLOGIE – DECES DE MOUSSA NGOM

‘’Artiste daanu na’’

 

‘’Artiste du daano, artiste su fonkee ligééyàm, artiste du daanooo !’’, chantait-il. Mais aujourd’hui, Moussa Ngom est tombé le micro presque à la main. Pour dire qu’il a lutté jusqu’aux derniers instants. Mais la faucheuse est plus forte que lui. L’auteur de ‘’sama yaay demna Ndar est décédé hier des suites d’un malaise, à l’hôpital Aristide Le Dantec.

 

Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’une rumeur encore moins d’une farce de mauvais goût : le chanteur sénégambien est bien décédé. Oui, Moussa Ngom n’est plus, l’artiste aux chaussures et chaussettes de couleurs différentes a tiré sa révérence hier matin à l’aube, après avoir joué, quelques heures auparavant, sa dernière partition au Just for U. Pourtant, son décès avait été annoncé  le 19 août passé alors que le Sénégal pleurait la disparition brusque du grand tambour-major Doudou Ndiaye Rose. L’auteur de ‘’Circulation Lamp Fall’’ avait alors pris soin d’appeler en direct sur beaucoup de chaînes de télévision sénégalaises pour démentir la rumeur qui enflait d’heure en heure. Un peu plus de quarante jours après cette fausse annonce, il a été rappelé à Dieu.  Moussa Ngom s’en est donc allé à jamais à l’aube du dimanche 10 octobre, suite à un ‘’petit malaise’’. Il a été amené à l’hôpital Aristide Le Dantec où il a rendu l’âme.

Au moment où le ciel s’éclaircissait pour laisser place aux rayons solaires du matin, sa famille entrait dans une nuit noire en plein jour. Le chef venait de s’éteindre. Et sans nul doute, son fils cadet Fallou est celui qui ressentira le plus cette perte. Lui qui fêtait son anniversaire la veille au Just for You. Son père a chanté en son honneur avant de céder la place au lead vocal du Super Diamono Omar Pène. Dieu fait toujours bien les choses serait-on tenté de dire en se fiant à la vie de Moussa Ngom. Car c’est avec le Super Diamono et Omar Pène qu’il a fait ses débuts dans la musique au Sénégal. Et c’est avec le même groupe qu’il a passé ses derniers instants en tant qu’artiste au Sénégal. Pourtant, lors du grand retour de ‘’la légende vivante’’ de la musique sénégalaise, il n’avait pas été invité au moment où presque tous les anciens de Diamono étaient conviés à la fête. Avant qu’il ne parte pour le voyage sans retour, il a malgré tout pu revoir ses amis musiciens d’antan, partagé un dîner avec eux et pour une dernière fois la scène. Quelle belle fin artistique ! pourrait-on dire.

Moussa Ngom était devenu vite célèbre au Sénégal non pas seulement pour ses talents de chanteurs mais aussi et surtout pour son style atypique. Si les tenues faites de patchwork sont très prisés dans le milieu artistique d’aujourd’hui, il faut savoir qu’il n’était pas in dans les années 1990. Avant-gardiste, le Sénégambien en avait fait son style vestimentaire. Ce qui paraissait assez fou à l’époque. Pour pousser ‘’l’extravagance’’, il mettait toujours des chaussures et des chaussettes de couleurs différentes pour appeler à l’unité africaine. A une échelle moindre, il a toujours défendu que le Sénégal et la Gambie sont un seul et même pays qu’il appelait affectueusement ‘’la Sénégambie’’. ‘’C’est mon rêve et c’est tout le sens de mes paires de chaussures différentes. Tant qu’il n’y aura pas cette unité entre le Sénégal et la Gambie, je ne porterai jamais des chaussures semblables. Et cela jusqu’à la fin de mes jours’’, confiait-il,  samedi dernier à Bijou dans l’émission Week-end Star de la Tfm. Il aura tenu parole et est mort avec ses chaussures différentes.

 Moussa Ngom a commencé à faire de la musique chez Yaya Jammeh et était le lead vocal du Guelewar Jazz Band. Et même installé à Dakar, il n’a jamais oublié sa ‘’Gambie’’. Dans un de ses albums d’ailleurs, il a composé une chanson en l’honneur des ‘’Banjul Banjul’’. Il était aussi l’un des défenseurs du Président Jammeh. ‘’Yaya Jammeh est loin de l’image qu’on donne de lui’’, confiait-il à l’Observateur. Même s’il tenait à préciser : ‘’La musique et la politique sont différentes. Moi, je suis un artiste pas un politicien.’’ Moussa Ngom portait les deux pays voisins dans son cœur. Et quand il a commencé à jouer moins au Sénégal, il a préféré retourner s’installer en Gambie et venait à Dakar de temps à autre.

Son héritage assuré

Marié à Sokhna Diop actuellement avec qui il a huit enfants, Moussa Ngom était âgé de 62 ans. D’après son fils Youssou Ngom joint par EnQuête, il ne souffrait pas d’une maladie particulière. ‘’Mon père était malade avant même qu’on ne quitte la Gambie pour venir à Dakar. Quand on est allé au Just for U aussi, il n’allait pas très bien. Après avoir chanté et pris des photos avec ses fans, il a commencé à avoir des problèmes pour respirer. Il étouffait. On l’a amené à l’hôpital et c’est après qu’il est décédé’’, témoigne-t-il.

Le jeune Ngom rappelle beaucoup, quand il chante, feu son père. D’ailleurs, avant même que le décès ne soit annoncé, sur la toile, ceux qui avaient assisté à la soirée au Just for U le disaient. Ainsi, Moussa Ngom a su initier un de ses fils à la musique et ses fans ne seront pas totalement sevrés. Youssou pourra entretenir le legs de son père, lui qui jouait déjà avec lui dans des soirées. Seulement, Moussa Ngom n’a pas eu le temps de présenter officiellement au grand public son héritier dans la musique. Il prévoyait pour son retour sur la scène d’organiser une grande soirée à Sorano. Peut-être qu’à travers celle-ci, il aurait pu faire découvrir au public son chanteur de fils. Hélas ! La Providence en a décidé autrement !  Et pour paraphraser la regrettée Mariama Ba, ‘’on ne prend pas de rendez-vous avec le destin, il empoigne qui il veut et quand il veut. Et souvent dans le sens de vos désirs, il vous apporte la plénitude, mais le plus souvent il heurte et déséquilibre, alors on subit’’. L’artiste sénégambien n’a pas échappé à la règle, il a subi le malaise qui lui sera fatal.

 ‘’Baye Fall’’ dans l’âme et disciple de Serigne Afia Mbacké, Moussa Ngom sera inhumé aujourd’hui à Touba, après la levée du corps  prévue ce matin à l’Hôpital Aristide Le Dantec. Bye bye l’artiste !

BIGUE BOB

 

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