Publié le 14 Jan 2021 - 19:48
NEGOCIATIONS CONCESSION AUTOROUTE

Vérités et fantasmes !

 

Même si le principe a été acté, conformément aux prescriptions du contrat liant l’Etat à Eiffage, l’entrée du Sénégal dans le capital du titulaire de la concession de l’autoroute à péage reste soumise à des conditions non encore élucidées. En affirmant, le 31 décembre, que le Sénégal est désormais entré dans le capital de Secca, le président Macky Sall a dit tout sauf l’essentiel ; c’est-à-dire les conditions et modalités de cette prise de participation qui, il faut le rappeler, était déjà prévue par le contrat complémentaire de 2014.

 

C’est une négociation qui déchaine beaucoup de passions et de fantasmes. Mais rares sont encore ceux qui savent et qui veulent éclairer la lanterne. Pour l’heure, ce qui est certain, c’est que, comme l’annonçait le président de la République lors de son discours à la Nation, le 31 décembre dernier, le Sénégal a signifié à Eiffage son intention d’entrer dans le capital du titulaire de l’exploitation de l’autoroute à péage (Secca) à hauteur de 25 %. Jusque-là, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, confient des sources bien au fait du dossier.

En effet, cette ouverture du capital du titulaire de la concession était déjà prévue par le contrat. Lequel indique à son article 43 alinéa 7 : ‘’L’autorité concédante se réserve le droit d’acquérir ou de faire acquérir par des personnes morales ou physiques sénégalaises des actions dans le capital du titulaire à hauteur d’un maximum de 25 %, sous réserve de l’accord des prêteurs, le titulaire garantissant l’exécution par ses associés des actes matériels résultant de la mise en œuvre de la présente stipulation.’’

Outre cette double exigence (l’accord des prêteurs et des associés), l’entrée du Sénégal dans le capital est également assortie d’autres négociations.

Dans son discours à la Nation, le président Macky Sall s’est limité à l’affirmation très évasive selon laquelle, le Sénégal est déjà entré dans le capital de la Secca. Même si le principe a été acté, c’est le flou total, en ce qui concerne les modalités de cette entrée.

Pour le moment, seul le montant a été révélé récemment par le journal ‘’L’AS’’ qui parlait de 10 milliards F CFA, dans son édition du 5 janvier dernier. Selon le journal, l’offre du Sénégal doit être matérialisée dans un délai de 15 jours, à compter de l’audience accordée par le chef de l’Etat au PDG d’Eiffage. Sans plus de précision.

Se pose ainsi la question de savoir : quelles seront les modalités de cette acquisition ? Quelles sont les entités de l’Etat titulaires de ce portefeuille ?, etc. Il ressort de l’alinéa 8 de l’article 43 que : ‘’Les modalités de cette acquisition (notamment la sélection des personnes morales ou physiques sénégalaises, les conditions financières et la gouvernance du titulaire) seront définies d’un commun accord.’’

A ce jour, rien de tout cela ne semble avoir été défini, alors que le deadline de l’Etat du Sénégal arrive à échéance aujourd’hui même.

En tout cas, si l’on en croit toujours notre interlocuteur, il faudra attendre, pour se prononcer dans un sens ou dans un autre. Revenant sur la valorisation de la location du foncier qui aurait passé de 1 000 F à 800 millions F CFA, si le vœu du Sénégal se concrétise, notre interlocuteur affirme : ‘’Là également, c’est de faux débats, parce que c’était prévu par le contrat. On ne saurait donc le présenter comme un acquis ou quoi que ce soit. C’était (les 1 000 F) une somme symbolique, en attendant de trouver une valeur locative. Il était prévu que, dans trois ans, les parties doivent se voir pour s’entendre sur une valeur. Rien d’extraordinaire.’’

A cette étape des négociations donc, il n’y a pas beaucoup de matière. L’Etat et Eiffage seraient dans un processus dynamique qui est encore bien loin de livrer tous ses secrets. Selon les informations, le montant fixé pour la participation de l’Etat dans le capital serait en tout cas très avantageux, puisque indexé sur la valeur initiale de l’action.

Y a-t-il d’autres conditions ou pas ? Rien n’est moins sûr. Président de Legs Africa, think thank ayant réalisé une étude assez édifiante sur la concession en question, Elimane H. Kane se veut prudent. ‘’Je pense, dit-il, qu’au-delà de l’euphorie, il faut faire preuve de sérénité. Il faut attendre au moins le procès-verbal des négociations ou le nouveau contrat pour se prononcer dans un sens ou dans un autre. Pour le moment, nous ne savons pas si cette entrée dans le capital n’est pas assortie d’autres conditions’’. Citant le directeur de Secca qui a eu à annoncer dans une interview leur intérêt pour l’exploitation d’autres autoroutes au Sénégal. Il s’interroge : ‘’Est-ce qu’en revalorisant la taxe foncière et en entrant dans le capital, l’Etat n’a pas concédé d’autres faveurs à Eiffage ? Ce sont des questions qui restent sans réponse. Nous attendons donc la publication du PV de négociations pour pouvoir se prononcer.’’  

MOR AMAR

 

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