Publié le 18 Oct 2018 - 03:20
NICOLAS NDIAYE, SECRETAIRE GENERAL DE LA LD

‘’Personne ne peut prendre en otage la Ld’’

 

Accusé, à tort ou à raison, d’avoir pris en otage la Ligue démocratique (Ld) en parfaite complicité avec Khoudia Mbaye et Moussa Sarr, Nicolas Ndiaye se dédouane. Pour lui, personne ne peut prendre en otage un parti tel que la Ld. Le nouveau secrétaire général des ‘’Jallarbistes’’, dans cet entretien avec ‘’EnQuête’’, donne sa feuille de route et réitère son engagement à aller très vite vers une massification de son parti.

 

Vous venez d’être confirmé secrétaire général de la Ld à l’issue du 8e Congrès de votre parti tenu à Dakar les 13 et 14 octobre. Comment avez-vous vécu cela ?

J’ai été très honoré d’être confirmé à la tête de la Ligue démocratique. Ce parti, c’est toute ma vie. J’y suis entré en 1977, quand j’avais 22 ans. Aujourd’hui, j’ai 63 ans. Cela veut dire que j’ai fait 41 ans dans ce parti. Si aujourd’hui, après un congrès, je suis élu à la tête de la Ld, je ne peux qu’en être honoré. Je ne suis pas le plus riche, le plus diplômé, le plus savant, ni le plus intelligent. Ce sont mes camarades qui ont eu confiance en moi pour faire de moi le secrétaire général par intérim. Et ça, c’était Mamadou Ndoye qui, en 2013, a consulté un certain nombre de camarades pour leur dire : ‘’Qui pensez-vous qu’il pourrait assurer mon intérim, si je vais en voyage ?’’ Je ne sais pas qui il a consulté, mais un certain nombre de camarades m’ont désigné et il m’a appelé pour me dire : ‘’Nicolas, j’ai fait des consultations. Je voudrais te proposer pour que tu assures mon intérim, si je vais en voyage.’’ Je lui ai posé une condition en lui disant de demander le Secrétariat s’il accepte et celui-ci a accepté, en 2013. C’est pour cela, quand il a démissionné, naturellement, le Secrétariat, à l’unanimité, m’a proposé pour assurer son intérim jusqu’au Bureau politique qui, à l’unanimité, a aussi été d’accord.

Quels sont les défis qui se dressent aujourd’hui devant vous ?

D’abord, nous allons conserver et renforcer ce que nous avons toujours été. Nous sommes un parti de militants convaincus et démocrates. Toute notre histoire montre que nous sommes des démocrates. Nous avons eu Babacar Sané, ensuite Abdoulaye Bathily, après Mamadou Ndoye, puis moi. Tous ces secrétaires généraux ont été élus d’une manière démocratique. Un parti où le secrétaire général démissionne en plein processus électoral, mais qui continue à fonctionner, ne court pas les rues. Donc, nous allons conserver ce qu’on a toujours été. Un parti qui analyse et fait des propositions. Nous allons renforcer cette capacité d’analyse et de proposition que nous avons toujours été. Nous allons y ajouter résolument une autre dimension : le poids électoral.

Avec la scission que vous venez de vivre, votre parti en est sorti affaibli. Pensez-vous que la Ld puisse toujours avoir le même poids électoral qu’elle avait sous Bathily ?

Vous n’avez aucun instrument de mesure pour dire que la Ld est sortie affaiblie de la scission qu’elle a vécue. Si ceux qui sont partis et ceux qui sont restés avaient voté, vous pourrez, dans ce cas, dire que la Ld en est sortie affaiblie. Maintenant, si on s’en tient seulement à ce que disent les médias, ça c’est l’écume, la fumée. Le véritable poids de chaque morceau, on ne peut pas le savoir. Du moins, seuls ceux qui sont dans la Ld le savent. Je vous dis que notre parti, premièrement, est resté intact. Deuxièmement, il s’est massifié malgré les départs. Maintenant, vous savez, dans les scissions, ce ne sont pas les polémiques, les insultes et les invectives qui règlent les problèmes. C’est l’histoire qui tranche les scissions. En tant que journaliste, observez l’évolution de chaque morceau et vous verrez. Dans tous les cas, nous considérons que la page est tournée. Nous poursuivons notre chemin tranquillement.

Est-ce à dire qu’il n’y a plus aucune possibilité de retrouvailles ?

Nous tendons la main à tous les citoyens sénégalais, à plus forte raison ceux avec qui nous avons vécu 20 à 40 ans de compagnonnage. Le parti reste ouvert et tous ceux qui le désirent peuvent y entrer.

Tout à l’heure, vous avez parlé de massification de votre parti. Comment comptez-vous vous y prendre ?

Nous allons discuter avec les militants et, au-delà, avec les Sénégalais. Nous allons mettre l’accent sur la formation, l’information et la recherche. Nous allons, mieux que par le passé, être un parti d’analyse et de propositions. Mieux que par le passé, nous allons également essayer d’augmenter notre poids électoral. Les observateurs avertis savent que nous sommes un grand parti. Maintenant, le commun des Sénégalais peut ne peut le savoir. Mais il faut que nous ayons un habit de telle sorte que le commun des Sénégalais verra que la Ld est un grand parti.

Votre compagnonnage avec le président de la République, dans le cadre de la coalition Bby, a été à l’origine de la fissure qu’il y a eu dans votre parti. Est-ce que finalement cette alliance n’a pas eu raison de votre unité et de votre cohésion, comme c’est le cas avec l’Afp et le Ps ?

Pas du tout ! Nous avons été avec le président de la République depuis le deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012. Quand nous étions tous dans Benno Siggil Senegaal, nous avions dit tous que nous nous battrions ensemble, nous gagnerions ensemble et nous gouvernerions ensemble. Nous nous sommes battus ensemble, nous avons gagné ensemble et, de fait, nous gouvernons ensemble. D’abord, nous avons un ministre dans le gouvernement, nous sommes présents au Parlement, au Haut conseil des collectivités territoriales et dans d’autres démembrements de l’Etat. Mieux, au niveau de Bby, la Conférence des leaders se réunit régulièrement. Il y a le Secrétariat de coordination qui se réunit régulièrement. Donc, nous sommes étroitement associés à la réflexion et aux décisions qui sont prises sur le plan politique. Cela veut dire que ce compagnonnage se comporte bien et donc, nous n’avons aucune raison d’y mettre fin. D’abord, nous sommes comptables du bilan. Deuxièmement, nous n’avons aucune raison de mettre un terme à ce compagnonnage. C’est pour cela que nous avons décidé d’abord, au dernier Bp, de parrainer le candidat Macky Sall et, au Congrès, de l’investir comme le candidat de la Ld.

Qu’est-ce qui justifie ce choix, si on sait que la situation du pays devient de plus en plus difficile ?

Nous pensons tout simplement que Macky Sall a respecté sa parole. Il a fait d’énormes réalisations au niveau du pays, constatables par tout le monde. Il nous associe à la gestion politique de la coalition où nous avons notre mot à dire. Autrement dit, ce qu’Abdoulaye Wade n’a pas voulu faire avec nous, c’est-à-dire une direction politique unifiée, Macky Sall l’a réalisé avec nous et avec d’autres. C’est pour cela que cette coalition a subsisté depuis 2012. C’est une coalition inédite sur le plan de la taille et de la longévité. Je pense que cette coalition enjambera le premier mandat de Macky Sall et poursuivra jusqu’à son second mandat. Maintenant, rien n’est parfait et c’est pour cela que Bby se bonifie au fil du temps.

Avec cette alliance, beaucoup vous accusent aujourd’hui d’avoir complètement abandonné les idéaux de gauche et cédé à la lutte des places au détriment de celle des classes. Que répondez-vous à cela ?

Ça, c’est une analyse superficielle. Abandonner les idéaux de gauche parce qu’on s’est allié à un libéral ? Même si c’était ça, ce n’est pas la première fois. On s’était allié au libéral Abdoulaye Wade de 2000 à 2005. Aujourd’hui, on s’allie à Macky Sall. C’est vrai, il se déclare libéral. Mais ce qui est le plus important ce n’est pas le nom, c’est ce qu’on fait. Macky a fait la Couverture maladie universelle. Ça, c’est une mesure au profit des pauvres et des déshérités, c’est une politique éminemment de gauche. Il a fait la Bourse de sécurité familiale qui a été expérimentée au Brésil par le président Lula et au Pérou, si mes souvenirs sont bons. C’est une mesure de gauche tout comme la Carte d’égalité des chances. Nous pensons que, dans ce sens, Macky Sall, dans beaucoup de ses aspects, mène une politique de gauche. C’est pour cela que nous sommes parfaitement à l’aise dans ce compagnonnage que nous avons avec lui.

Les responsables de la Ld-Debout vous ont toujours accusé, vous, Khoudia Mbaye et Moussa Sarr d’avoir pris en otage la Ld. Finalement, est-ce qu’ils n’ont pas eu raison sur vous ?

Ils n’ont pas eu raison et ils savent qu’ils n’ont pas raison. Peut-être que des observateurs non avertis peuvent penser qu’ils ont raison. Personne ne peut prendre en otage la Ld. Notre parti est constitué de militants avertis ayant une grande capacité d’analyse et une grande autonomie de décision. On ne peut pas prendre ces militants en otage. Quand je dis que j’ai fait 41 ans dans ce parti, je ne suis pas le plus ancien. Il y a des gens plus anciens que moi dans ce parti qui analysent aussi bien, sinon mieux que moi. Ces gens-là, on ne peut pas les prendre en otage. Quel moyen aurons-nous d’ailleurs pour les prendre en otage ? On n’a pas d’argent, on n’a pas des diplômes qu’ils n’ont pas. Penser que Khoudia Mbaye, Nicolas Ndiaye et Moussa Sarr peuvent prendre en otage un parti, c’est commettre une grosse erreur et les militants et les observateurs avertis ne s’y trompent pas. Ce sont des accusations fausses et injustes qui sont proférées et l’histoire tranchera les divergences.

Le Pr. Abdoulaye Bathily a brillé de par son absence lors de votre 8e Congrès ordinaire. Qu’est-ce qui, selon vous, justifie cette absence ?

D’abord, le Pr. Abdoulaye Bathily a décidé de s’éloigner de la politique quotidienne. Il a dirigé le parti pendant 29 ans. Nous respectons sa décision. Il continue à être, pour toute la Ld, un ami, un compagnon de lutte, quelqu’un pour qui nous avons beaucoup de respect et de considération. Maintenant, il était en voyage, il n’est pas actuellement au Sénégal. Mais même s’il était là et qu’il ne vient pas au congrès, nous le comprendrons et nous respecterons sa décision. Nous continuons à échanger avec lui des messages, à lui parler moi et beaucoup d’autres camarades, parce que nous avons pour lui de l’affection et de la considération.

Est-ce qu’il ne mérite pas plus le poste de président d’honneur que vous avez donné à Yéro Deh ?

Même si on lui proposerait ça, il n’accepterait pas. Je vous dis qu’il a décidé de s’éloigner de la politique quotidienne.

Avez-vous pris le soin de lui faire la proposition ?

Non ! Nous respectons sa décision, c’est-à-dire de s’éloigner de la politique quotidienne. Un président d’honneur, c’est toujours la politique au quotidien.

PAR ASSANE MBAYE

 

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