Publié le 14 Jul 2015 - 18:21
NOTE DE LECTURE

Comme un chant d’espérance de Jean d’Ormesson de l’Académie française 

 

Editions : Héloïse d’Ormesson _ Juin 2014

Parce que Flaubert avait songé écrire un roman sur rien, il a voulu concrétiser cette idée et, finalement, au lieu d’écrire sur rien, il écrit sur l’essentiel pour ne pas dire sur tout : l’univers, et constate qu’il a une histoire…Coup de tonnerre !!!

Comme il a une histoire, il a donc un début qu’il faut situer. Des scientifiques ont établi que l’univers était en expansion à la suite d’une explosion primitive, il y a treize ou quatorze milliards d’années. Pourtant, il faut bien imaginer qu’après cette explosion, il a bien fallu un millionième ou un milliardième, ou un centième de milliardième de secondes, qui sait après le début du début, il a bien fallu un temps (il faut bien imaginer 0 seconde suivie d’une quarantaine de zéros avant que surgisse enfin un 1). Ce laps de temps est un mur infranchissable qui garde tout un mystère. Ce n’est pas un mur religieux, théologique, poétique, philosophique, idéologique. Non, c’est un mur scientifique, nous dit-il, et il s’appelle le « mur de Planck ». Au-delà de ce mur, nos lois ne sont plus valables, la toute puissance mathématique qui nous a révélé tant de secrets est impuissante.

Qu’est-ce qu’il y a d’inouï derrière le mur de Planck, avant la fraction minuscule à quarante trois zéros qui suit notre fameuse explosion primordiale ?    

Pour l’auteur, les hommes se sont souvent interrogés sur le néant d’après la mort, d’avant le monde et se sont même demandé si c’était le même. Aussi, se sont-ils demandé : est-ce vraiment un néant ? La vérité est que sur l’avant-monde comme sur l’après-monde, nous ne savons rien, nous sommes bornés par deux inconnues : le fameux mur de Planck dans le passé et notre mort dans l’avenir. Des deux côtés, nous ne sommes maîtres que de notre imagination.

Depuis le big bang, l’univers est en expansion et court vers son terme, vers une fin inéluctable au loin  parce qu’il avait eu début, nous dit Jean d’Ormesson. Alors si l’univers a un début et une fin, c’est qu’il a un but et un sens.

Au bout de toute vie, il y a un terme de l’épreuve : c’est la mort. Et là, Jean d’Ormesson  nous dit cette réflexion forte presqu’empruntée au Coran : « Les justes, les bons, les gens de bien qui ont affronté la souffrance et qui n’ont pas cédé au mal ni succombé à la tentation seront récompensés : ils verront Dieu. La vérité leur sera donnée. Ils échapperont au néant et aux flammes de l’enfer où seront jetés les méchants qui auront fait le mal. » Tout est dit là et rejoint la prescription du Droit Chemin en Islam. Dès lors, le néant d’après la mort n’est plus une inconnue pour nous autres croyants en un Dieu Unique, Grand Artisan de l’univers. Le bonheur après la mort, voilà ce qui pourrait être entrevu. L’on comprend mieux maintenant François Mitterrand à son dernier interview, répondant à la question de Bernard Pivot qui lui demandait ce qu'il aimerait que Dieu lui dise à son arrivée dans l'au-delà. Juste avait-il répondu cette phrase : « Maintenant tu sais. »

L’auteur lui-même, malgré ses questionnements d’ordre scientifique, finit par admettre sa foi en Dieu « parce que le jour se lève tous les matins, parce qu’il y a une histoire et parce qu’il se fait une idée de Dieu dont il se demande d’où elle pourrait bien venir s’il n’y avait pas Dieu ».

En définitive, il admet que Dieu se dissimule dans ce monde et pourtant, comme un chant d’espérance, chacun peut dresser la liste des évènements ou des occasions où Il s’est manifesté avec une sorte d’évidence. Pour l’auteur, la liste est longue mais nous n’en citons que certains : « La Genèse, l’Ecclésiaste, l’Evangile de Saint Jean, Le Temple de Ramsès II à Gournah, Les Confessions de Saint Augustin, La mosquée des Omeyyades à Damas, Presque tout Ronsard, Plusieurs passages et les dernières pages des Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, A Villequier de Victor Hugo (Ah oui ! Ah oui !), Presque tout Baudelaire, Plusieurs poèmes de Verlaine, Presque tout Péguy, Plusieurs poèmes d’Aragon, Plusieurs poèmes d’Apollinaire, La mort de ceux qu’on aime, Un enfant, soudain, n’importe où, dans la rue ou à la maison. »

Voilà tant de choses qui montrent qu’il y a quelque chose au lieu de rien « parce que Dieu a distingué le tout du rien » ou « parce que Dieu a confié à l’homme le tout tiré du rien pour qu’il en fasse un monde où, grâce à l’espace et au temps, à la nécessité et au hasard, l’absence se change en présence et le mystère en raison ».

Dieu n’existe pas, Il Est, nous dit l’auteur et,  de très loin, ou plutôt d’ailleurs, des signes chiffrés et transparents nous parviennent : des prophètes, des chefs d’œuvre improbables et plus grands que les hommes, le temps, la lumière (qui lui a toujours semblé murmurer en silence quelque chose de Dieu).

 Comme un chant d’espérance est un roman qui s’inscrit dans la même lignée qu’Un jour je m’en irai sans avoir tout dit  et C’est une chose étrange à la fin que le monde. Jean d’Ormesson nous révèle ici  ce côté mystique qu’on soupçonnait en lui. Ce livre, dernière publication de l’Académicien, apparaît comme un testament, une confession avec cette réflexion sublime, reprise en 4ème de couverture : « J’ai aimé Dieu, qui n’est rien aux yeux des hommes qui ne sont rien. Je n’ai détesté ni les hommes ni les femmes. Et j’ai aimé la vie qui est beaucoup moins que rien, mais qui est tout pour nous. Je chanterai maintenant la beauté de ce monde qui est notre tout fragile, passager, fluctuant et qui est notre seul trésor pour nous autres, pauvres hommes, aveuglés par l’orgueil, condamnés à l’éphémère, emportés dans le temps et dans ce présent éternel qui finira bien, un jour ou l’autre, par s’écrouler à jamais dans le néant de Dieu et dans sa gloire cachée. »

Ameth GUISSE

Section: