Publié le 18 Apr 2019 - 17:38
NOTE DE LECTURE

Mamadou Diop pour une alternance alternative

 

Ancien secrétaire général du ministère de l’Intérieur, Mamadou Diop n’en peut plus de garder le silence, devant la situation économique nationale de plus en plus déliquescente. Son diagnostic est sans complaisance. Sa thérapie essentiellement tirée de la pensée de Mamadou Dia.

 

A l’affiche, une carte de l’Afrique à moitié exposée sous un soleil y irradiant ses rayons lumineux ; tandis que l’autre moitié reste plongée dans les ténèbres. La couverture en dit long sur le nouvel ouvrage de l’ancien Sg du ministère de l’Intérieur, Mamadou Diop. Conseiller en planification principal de classe exceptionnelle, l’homme de gauche crie son désarroi devant ce qu’il considère comme une malédiction africaine, sénégalaise dans ‘’Vision et projet de société : pour une alternance souveraine’’.

Dans le livre, le haut fonctionnaire à la retraite décrit, arguments à l’appui, la situation catastrophique que traversent le Sénégal et l’Afrique sur les plans socio-économique et culturelle, depuis plus de 59 ans d’indépendance. Un spectacle triste et désolant, à l'en croire. Le tout devant ‘’l’insouciance et l’irresponsabilité’’ déconcertantes des citoyens. Sans mettre de gants, il dénonce : ‘’Quand on observe la société sénégalaise, on est frappé par l’insouciance dans laquelle elle se meut, comme si tout était au vert ; on chante et on danse à longueur de journée sur toutes les ondes et tous les écrans ; on vit, dort et mange dans la pagaille, le désordre et la saleté ; si on a un emploi, on va au travail quand on veut ; les jours fériés chômés et payés ne se comptent plus et on consacre aux festivités des sommes faramineuses…’’

Les milliers de mendiants qui envahissent les quartiers, les carcasses de voitures qui polluent l’environnement, les routes cahoteuses sans feux de signalisation, l’occupation des trottoirs par les marchands, l’anarchie et l’indiscipline caractérisée… Rien n’est laissé au hasard par l’auteur. Pour lui, tout ceci n’est que la résultante du manque d’éducation des populations et des dirigeants véreux et incompétents. ‘’L’ignorance, dit-il, est la sève nourricière du chômage et de la pauvreté. Il est  donc temps de se mettre vraiment au travail et surtout de comprendre que le développement ne veut pas dire occidentalisation’’.

Mamadou Diop invite ainsi les pouvoirs publics à mieux prendre en charge cette thématique en s’imprégnant de l’exemple cubain, pays au peuple très fier et patriote. ‘’Un peuple éduqué et fier, affirme-t-il, est un peuple indestructible. Et c’est la principale leçon de Cuba aux peuples opprimés. Investir dans l’éducation et la santé est donc la priorité des priorités’’. Ce n’est pas tout. L’auteur recommande aussi de se départir, comme Cuba, de la tutelle de l’Occident : ‘’Il appartient aux Africains de changer les choses et de répondre, dans ce domaine, aux souhaits de leur opinion publique de plus en plus sensibilisée aux méfaits de la dépendance de leur pays à l’égard de la France. Sans cela, l’Afrique, le Sénégal ne saurait se développer.’’

 Auteur de la préface, Ndongo Samb Sylla estime, pour sa part, que le propos de l’ancien secrétaire général au ministère de l’Intérieur ‘’pourra certainement nous heurter à certains endroits et nous bousculer dans notre quiétude. Son langage dépourvu de toute complaisance, met précisément le doigt sur les tares qui rendent la société sénégalaise méconnaissable et sur les renoncements qui menacent son avenir’’. L’économiste ne tarit pas d’éloges à l’endroit de Mamadou Diop. Pour lui, ce qui est plus préoccupant, c’est son constat que ‘’la vision, c’est-à-dire la torche qui doit éclairer la marche des sociétés dans un monde de plus en plus turbulent, a déserté la scène politique’’ depuis belle lurette. ‘’Celle-ci, affirme-t-il, est de plus en plus réduite à un spectacle électoraliste de bas de gamme. Or, une politique faite sans vision est la recette de la régression  sociale et d’un avenir sociétal livré aux hasards de l’existence.

Malheureusement, nous en voyons quotidiennement les résultats’’. Mamadou Diop, poursuit M. Sylla, a fait dans l’ouvrage d’importantes propositions pour sortir le Sénégal du gouffre dans lequel il est plongé depuis l’aube des indépendances. ‘’Pourtant, souligne le préfacier citant l’auteur, notre pays était si bien parti avec un homme de la dimension de Mamadou Dia. C’est parce que nous nous sommes éloignés de la voie qu’il avait tracée que l’on s’est trouvé dans la situation actuelle. Il s’agit donc de faire redécouvrir le message et les principes laissés par ce grand homme. Une telle démarche n’est nullement motivée par une quelconque nostalgie, mais juste par l’envie de trouver une source originale d’inspiration dont la puissance des idées n’avait d’égal que son amour indéfectible pour un pays auquel il aura tout donné’’.

Cela dit, Mamadou Diop ne s’est pas limité à décrier ces tares qui avilissent l’image du Sénégal. Il a aussi fait part de son esquisse de solutions, essentiellement inspirée par l’ancien président du Conseil, Mamadou Dia, dont il regrette le ‘’combat inachevé’’ et l’œuvre articulée autour du 1er Plan. Lequel reposait, selon l’auteur, sur les principes de promotion du sens des responsabilités, l’aboutissement à une africanisation, la mobilisation des différentes forces du pays, la favorisation de la participation des capitaux privés en les aidant à s’insérer dans les opérations de croissance prévues par le Plan, la structuration de l’économie par une intégration plus poussée des activités et des facteurs de croissance, entre autres. Parmi les objectifs principaux du Plan, figuraient aux axes 1 les Transports et Communications, 2 l’Industrialisation et la Construction, 3 le secteur de l’Enseignement, 4 la Santé, 5 l’Edilité et l’Habitat, la Production rurale et la Pêche…

Aujourd’hui, Dia est parti, mais Mamadou continue de rêver d’un Sénégal sorti de la pauvreté et définitivement engagé dans la voie du développement. Sa recette : l’érection d’un Etat fort, la fin du chaos, des réformes hardies, une Administration réorganisée, une réorientation des dépenses de l’Etat, le développement de l’agriculture et la promotion des entreprises.  L’auteur ne laisse aucun secteur dans le Document de développement économique social et culturel qu’il appelle de tous ses vœux. Une voie pour le salut !

Mor AMAR

 

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