Publié le 7 Feb 2013 - 00:20
OCCUPATION ILLÉGALE DE LA VOIE PUBLIQUE

La Mairie de Dakar s’attaque aux écuries d’Augias

Dakar plateau a fait sa mue, hier, à travers une vaste opération de nettoiement de ses artères. Cela, dans les coulisses d’un acte salutaire qui a fait beaucoup de malheureux.

 

Jour de vérité pour Massamba et Diango. Ils sont ivres mort et élisent domicile sur la chaussée jouxtant l’avenue Jean Jaurès. Le réveil a été brutal, sous le concert de gros véhicules qui avancent comme des démons sur eux. Il est 9h. Cater-pillards, camions et grues s’activent sous l’œil vigilant d’éléments de la brigade anti-émeute. En sursaut, Massamba a eu le réflexe de balancer quelques affaires précieuses derrière le mur au pied duquel il crèche. Diango, sorti plus difficilement des bras de Morphée, a imité l’acte posé par son ami de galère. Sauf que, lui, n’aura pas le temps de mettre à l’abri toutes ses affaires.

 

Les éléments du Groupement mobile d’intervention (GMI) sont là et quadrillent déjà les lieux. ‘’Que personne ne sorte plus quoi que ce soit’’, ordonne le commandant. C’est le moment choisi par Massamba pour dire à ses amis qui officient sur les lieux : ‘’Vous êtes des poltrons, nous devons nous battre contre ces gens-là qui troublent notre quiétude’’. Massamba appelle à la riposte sans grande conviction. Assez d’entendre ces vitupérations, Diango explose :’’ Massamba, tais-toi ! Tu es un traître de la pire espèce. Tu as déjà sauvé tes affaires, sans même nous prévenir’’. Sa voix grave porte les stigmates de sa cuite de la veille. Il se met à déverser sa bile. ‘’Ce régime est pire que celui d’Abdoulaye Wade. Ces gens nous expulsent, sans aucun motif. Ils volent nos affaires’’. D’une baguette presque magique, Diango et Massamba font front contre des éléments du GMI qui se gardent difficilement d’éclater de rire. Ils poursuivront leur diatribe jusqu’à ce que le commandant ordonne leur déguerpissement.

 

Il fallait voir le regard perdu de nos deux sans abris suppliant, avec la dernière énergie, les forces de l’ordre de les laisser sur place. Leur sort est déjà scellé, sacs en main, ils se sont éloignés des lieux en vociférant des insanités dont ils sont les seuls à détenir le secret. Comme Massamba et Diango, plusieurs personnes ont été victimes, hie,r du nettoiement des artères du centre-ville.

 

A la foire des malheureux, on s’acharne sur le pouvoir !

 

Cireurs de chaussures, vendeurs de café, cantines de fruits, de petit-déjeuner… Personne n’y a échappé. A l’unanimité, les déguerpis de la voie publique ont dénoncé la manière. ''C’est hier seulement (NDLR : lundi) que des gens de la Mairie sont venus nous avertir qu’un déguerpissement allait avoir lieu, sans aucune autre explication’’, regrettent-ils. Habitant Pikine, Sidy Bâ, 48 ans, officie sur l’avenue Jean Jaurès, depuis 2000. Contrairement à d’autres, il a pu sauver son sac, grâce à la compréhension d’un élément des GMI, certainement sensible à sa plainte.

 

Pour Sidy : ‘’la moindre des choses, c’est d’avertir les gens avant de les déguerpir où à défaut leur trouver un point de chute’’. Adama Dieng, 37 ans, père de famille, est perdu dans ses pensées. Le dos posé sur un véhicule garé, il s’interroge : ‘’Où allons-nous trouver de quoi nourrir nos familles, maintenant que nos commerces ont été interdits’’? La réponse est certainement dans ces camions remplis de tables et d’amertume qui s’étirent et s’élancent. Fortement crainte, l’étape ‘’Keur Serigne bi’’ a su être contenue. Sommés de quitter, les propriétaires des étales, à même la chaussée, se sont exécutés, non sans avoir craché leur ras-le-bol. ‘’Ce pouvoir ne changera rien, il veut expulser les illettrés que nous sommes de la capitale, pour faire uniquement la place aux intellectuels’’.

 

Le prix à payer pour que la ville soit propre

 

Venu s'enquérir de l’avancement des opérations, le Préfet de Dakar est revenu sur les raisons de cette action d’envergure. ‘’Nous voulons rendre notre capitale propre et accueillante. Les artères de Dakar sont insalubres. La cible principale c’est d’abord tous les objets encombrant la voie publique’’, a déclaré le Préfet Ibrahima Sakho.

 

Le Sous-préfet de Dakar-Plateau, Seydou Bâ, informera pour sa part que les concernés ont été sommés de quitter, depuis très longtemps. ‘’Une sommation qui a été même renouvelée’’, a-t-il précisé. Au moment où les artères du centre-ville étaient en train d’être nettoyées, d’autres équipes étaient dans les arrondissements des Almadies, du Front de terre, des Parcelles Assainies etc. Interpellé sur le suivi de tels actes faisant souvent défaut, le Préfet de Dakar a averti que des comités locaux de mise en œuvre et de suivi se chargeront, en rapport avec les Mairies, d’installer un système interdisant un ''retour précoce sur les lieux''. Les Sous-préfets seront à la tête de ces comités et s’appuieront sur les agents municipaux, pour mener à bien leur travail, a déclaré M. Sakho.

 

Amadou NDIAYE

 

 

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