Publié le 31 Jan 2013 - 22:05
OFFENSE AU CHEF DE L’ETAT/CHEF DE PARTI

Macky Sall et la jurisprudence d'Amadou Sall

 

L'extinction de l'action judiciaire naguère entamée par le Procureur général contre l'ancien ministre libéral El Hadj Amadou Sall relance la problématique autour du dédoublement fonctionnel existant entre Président de la République et Chef de parti.

 

«Je m’adressais à un chef de parti pas au chef de l’Etat». Tel a été la ligne de défense de Me El Hadj Amadou Sall, dignitaire de l’ancien régime libéral lors de sa comparution, avant-hier, au tribunal pour «offense au chef de l’Etat». Bien que l’action publique ait été éteinte suivant le vœu du Président de la République, l’ancien ministre de la Justice, adroitement et peut-être involontairement, a remis au goût du jour l’éternel débat sur le statut de chef de l’Etat et pourrait bien avoir donné naissance à un objet de jurisprudence.

 

Il est vrai que le sujet parait gênant pour les avocats, corporation dont fait partie justement Me Sall. Les quelques rares robes noires qui se sont prononcées sur la déclaration de leur collègue n’ont accepté d'en parler que sous sous le couvert de l’anonymat. «Cette déclaration vaut ce qu’elle vaut, explique un avocat. Il (Me Amadou Sall) peut user de ce type d’argument, mais un magistrat aguerri et expérimenté ne peut pas le recevoir totalement.» Pour notre interlocuteur, «il y a une sorte de dédoublement fonctionnel» car «ce n’est pas le chef de parti qui réagit» lorsqu’il s’estime offensé d'une manière ou d'une autre, «mais le président de la République ès qualité».

 

Inscrit dans la Constitution née du référendum de 2001, le cumul de fonctions de chef de l’Etat et de chef de parti a souvent cristallisé le débat politique sénégalais. Ayant constaté pour le regretter un «conflit entre les intérêts de l’Etat et ceux d’un clan» durant les 12 ans de régime libéral, les Assises nationales ont par la suite recommandé la suppression pure et simple de ce cumul. «(Le président de la République) ne peut être ni chef de parti politique ni membre d’une quelconque association durant l’exercice de ses fonctions», préconisent les conclusions des assises.

 

Aux affaires depuis bientôt dix mois, le président Macky Sall, signataire - sur le tard - de la charte de Bonne gouvernance démocratique des Assises, a formellement refusé de s'appliquer cette recommandation. Et les réactions de ses partisans laissent penser qu'il n'est pas prêt de s'y soumettre car ils estiment presque en chœur qu'il ne peut et ne doit prendre le risque de quitter la tête d'une Alliance pour la République (APR) qui «n'a que trois ans d'existence». Un avis que cet avocat dit comprendre même s’il trouve le cas «embêtant». «C’est très commode pour lui que, à chaque fois que le chef de parti nommé Macky Sall est attaqué, que le président de la République dénommé Macky Sall réagisse pour crier à l’offense», déclare-t-il. Mais «vu l’évolution de notre pays, on peut faire le distinguo » entre le chef de l’Etat et le chef de parti, ajoute-t-il.

 

En septembre 2012, le président de la République a nommé Amadou Makhtar Mbow à la tête de la Commission de réforme des institutions. Une initiative saluée par les «assisards» qui y voient une volonté de Macky Sall de mettre en œuvre les conclusions des Assisses nationales. Mais depuis, c’est plutôt le flou. Certaines indiscrétions soutiennent même que l'ancien Directeur général de l'Unesco ne serait pas au courant d’une telle nomination et aurait exprimé sa surprise devant le Comité de pilotage des Assises en réunion il y a quelques semaines. «Il nous a dit qu’il a appris la nouvelle à travers la presse alors qu’il séjournait en France», souffle-t-on. De mauvais augure afin que le président de la République reste chef de son parti ?

 

DAOUDA GBAYA

 

 

 

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