Publié le 8 Feb 2014 - 11:12
OUMAR SOW (APR DE PIKINE)

«Mon combat, rendre ma vie utile aux autres»

 

Président du conseil d'administration du Centre expérimental de recherches et d’études pour l’équipement (Cereeq) et membre de la Convergence des cadres républicains, Oumar Sow se positionne pour la mairie de Pikine, sa localité qu'il dit vouloir hisser à un palier supérieur.

 

Vous êtes cadre, issu de Pikine, lieu désigné du triptyque LMD (lutte, musique, danse)...

C'est le constat qui est fait partout et c'est déplorable. Certains esprits manifestent un étonnement quand ils voient un intellectuel ou un cadre issu de cette partie de la banlieue dakaroise. Cela ne rime pas, pour eux, avec l'image de Pikine. Nous voulons changer cette perception que les Sénégalais ont des Pikinois que nous sommes. C'est le sens de notre combat. Il faut qu'on arrête de nous considérer comme des chômeurs ou des lutteurs.

J'ai eu la chance de passer par l'école coranique. Elle est très formatrice, développe des valeurs fortes comme l'abnégation et fait acquérir une capacité de mémorisation extraordinaire qui fait qu'on peut surfer sur la vague quand on est mis dans des positions où on peut s'exprimer. (…) Mais tout est question de leadership et de capacité de leadership. Mon combat consiste à rendre ma vie utile.

Pourquoi vous lancer dans le marigot politique ?

L'engagement se situe à plusieurs niveaux. D'abord, j'aime mon pays, d'un amour tel que j'ai fait le choix délibéré de quitter un poste de cadre en France pour rentrer au bercail. Je suis issu d'une famille très modeste et j'ai eu le courage d'aller à l'encontre de la décision de mes parents de m'inscrire à l'école française. Mon expérience de la vie m'a édifié sur beaucoup de choses : il y a de la souffrance dans ce pays, mais les populations sont dignes.

Ici, on souffre dans la dignité. C'est quelque chose que j'ai vu et que j'ai vécu aussi. Nous devons nous battre pour améliorer les conditions de vie des populations et alléger leurs souffrances. Pendant quinze ans que j'ai été à Dakar, jamais je n'ai pensé faire de la politique. Il a fallu que Macky Sall soit dans l'opposition pour marquer le déclic à mon niveau... Je me suis engagé en politique quand j'ai compris qu'on peut changer notre pays tout en restant des hommes intègres, honnêtes et «propres».

Vous pensez vraiment que Macky Sall est dans ce sillage-là ?

Je le pense fortement. Sinon je ne gagnerais rien en étant à ses côtés. Je me suis engagé dans l'opposition avec Macky Sall, je me suis investi pleinement avec mes capacités physiques, intellectuelles et financières dans un combat qu'il nous a permis de porter. Nous avons compris qu'avec lui, c'était possible de soulager la population et de faire la politique autrement. La baisse du prix des loyers en est un exemple. C'est quelque chose de formidable.

Membre de la Convergence des cadres républicains, que sont vos ambitions ?

Je suis le vice-président de la commission veille et marketing de la Ccr, responsable politique dans le département de Pikine. Mon ambition est de soutenir le département de Pikine. Et à chaque fois que mes obligations professionnelles me le permettent, je descends à la base pour constater les souffrances, problèmes d'inondation, d'insalubrité, d'emploi...

Si mon parti me met au niveau du conseil déparmentale ou dans une position de maire pour alléger les souffrances des populations, je ne dirai pas non mais la seconde condition serait que les populations me soutiennent. Au niveau de l'Apr, on a une vision particulière qui impose au cadre d'allier réflexion et action. Autant je suis cadre, autant je ne suis pas enfermé dans mon bureau. J'essaie d'apporter mon soutien en essayant de me démarquer de cette politique politicienne, qui consiste à arroser les populations quand on a besoin d'elles.

L'actualité est marquée par le débat sur l'acte 3 de la décentralisation et les heurts qu'il porte.

J'ai organisé le 3 janvier dernier une formation de formateurs de 50 jeunes sur l'acte 3 de la décentralisation afin que les jeunes de mon département puissent en cerner les enjeux. Parce que je demeure convaincu qu'on a besoin de parfaire notre système organisationnel. Et là, il est important d'arriver à mettre toutes les communes au même pied.

C'est ce que j'appelle la démocratisation du système administratif : faire en sorte que toutes les communes soient au même pied. La question de la décentralisation nous fait penser que dans une politique de coopération décentralisée, il est intéressant de permettre aux communes et aux départements de pouvoir eux-mêmes se prendre en charge, sans devoir passer par des structures qui bloquent quelque part les politiques de développement. Il est seulement question de casser le verrou et de permettre aux populations de se prendre en charge elles-mêmes.

Un exemple.

Si en tant que maire de Pikine, j'ai la chance de voyager, de nouer des partenariats privés dans l'intérêt de mon département, ce serait extraordinaire. Les maires n'ont pas actuellement ce privilège, c'est une fonction dévolue à la collectivité régionale. On est en train de vouloir parachever une égalité des citoyens devant les ressources.

L'autre actualité est la baisse du loyer que d'aucuns assimilent à un non-sens économique contre des opérateurs privés.

Je leur réponds simplement qu'on est dans un pays où il y a des opérateurs économiques d'une part, et une population majoritaire d'autre part. Faire du business ne rime pas forcément avec boulimie financière ou enrichissement à tout prix. On peut gagner de l'argent tout en restant digne. Ce poids que les bailleurs ont imposé aux populations en situation de location était trop pesant.

En cela, l'acte que vient de poser Macky Sall n'est qu'un premier pas vers la construction de nouvelles cités pour permettre aux Sénégalais d'avoir des logements décents et à des coûts supportables. En revanche, il ne serait pas inintéressant que les opérateurs privés demandent aujourd'hui à l'État de faire des efforts au niveau des impôts sur la location. Je pense qu'un débat intéressant peut se poser à ce niveau.

Macky Sall a demandé aux différents segments de la société de s'approprier le Plan Sénégal émergent, mais des Sénégalais habitués à ce type de discours trouvent le concept creux.

Je trouve que le gouvernement est assez audacieux pour entreprendre le projet du Plan Sénégal émergent et viser une croissance autour de 7% à l'horizon 2035. Quand les gens parlent de discours à la place de vraies pratiques, je m'interroge.

Lorsque le gouvernement met en place un vrai projet qui, reconnaissons-le, est le premier vrai projet de développement du Sénégal - la Stratégie nationale de développement économique et social (SNDES) nous ayant été imposée par la Banque mondiale -, c'est à saluer. Voilà un projet que le Sénégal met en œuvre, budgétise et est disposé à financer en partie. (…) Je suis du secteur privé, je puis vous assurer que ce n'est pas de la théorie, bien au contraire, nous sommes dans le concret.

Matel BOCOUM

 

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