Publié le 23 Dec 2018 - 13:25
OUSMANE BIRAM SANE (ECONOMISTE) SUR LES RESULTATS DU GROUPE CONSULTATIF

‘’Cet endettement doit être dirigé vers des projets productifs’’

 

Le Sénégal a certes eu un succès lors de son passage au Groupe consultatif de Paris. Toutefois, l’économiste Ousmane Biram Sané, interpellé par ‘’EnQuête’’ sur la question, appelle le gouvernement à diriger cet endettement vers des projets productifs, qui servent à lutter contre la pauvreté, augmenter la croissance et créer plus de productivité.

 

L’endettement reste une nécessité pour un pays afin de financer son développement. Au fait, l’économiste Ousmane Biram Sané a souligné que le premier partenaire du Sénégal, qu’est la France, a un taux qui va bientôt atteindre les ‘’100 % de son produit intérieur brut (Pib)’’, avec le phénomène des ‘’gilets jaunes’’. Et qui, peut-être, va entamer son déficit budgétaire à ‘’près de 3 %’’, contrairement aux règles établies par l’Union européenne. Or, le Sénégal est aujourd’hui à un taux d’endettement de 47 % du Pib, alors que la norme au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) est de 70 %. ‘’Donc, il n’y a pas péril en la demeure. Toutefois, cet endettement doit être dirigé vers des projets productifs, qui servent à lutter contre la pauvreté, augmenter la croissance et créer plus de productivité. Notre dette est plus allée dans des secteurs d’infrastructures. Il y a beaucoup de choses qui sont en train d’être faites dans ce secteur et qui sont jugées onéreuses. Mais ce sont des projets qui sont faits pour le long terme. Des programmes qui sont là pour durer 20, voire 30 ans ou plus’’, a expliqué l’économiste joint au téléphone par ‘’EnQuête’’.

Sur ce, M. Sané a prôné la multiplication des instruments de transparence,  comme l’Itie, et insisté sur la gestion des impacts environnementaux et sécuritaires des matières premières qui viennent au Sénégal. ‘’Si on a cette politique, le Pap 2 pourrait nous aider. Il faut aussi adresser la question de l’éducation, éliminer les abris provisoires, stabiliser le climat scolaire et universitaire. Ceci, par la résolution des conditions matérielles des étudiants et des enseignants. Mais aussi rehausser le niveau de l’enseignement en général. Si on le fait, on pourrait rêver d’un avenir meilleur pour le Sénégal’’, a-t-il préconisé.

Concernant les engagements financiers des bailleurs qui s’élèvent à hauteur de 7 356 milliards de francs Cfa, l’économiste a fait savoir qu’il y aura des financements concessionnels avec des institutions comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (Bad), avec des taux très bas d’environ 1 % et sur des maturités qui dépassent ou atteignent 40 ans. Il y aura aussi du partenariat public-privé, des financements que l’Etat recherchera sur les marchés financiers. En somme, il y a du tout. C’est pourquoi, selon lui, quand on fait un mixte des taux des prêts concessionnels et ceux du marché, on se retrouve avec un coût d’endettement moyen et qui baisse ‘’forcément’’.

Il faut noter que le chef de l’Etat, qui veut la réalisation rapide des projets de la 2nde phase du Plan d’actions prioritaires (Pap) a appelé les bailleurs à une mobilisation expéditive des ressources. Cependant, M. Sané a indiqué que le cycle des projets dépend forcément de l’émetteur du projet. ‘’Il faudra, dans ces conditions, commencer par nous-mêmes, en étant rapides dans l’étude de faisabilité de ces projets. Qu’elles se fassent vite, qu’elles soient de qualité et bancables rapidement. Les bailleurs ont leurs choix, leurs capitaux. Il faut être capable de leur présenter un projet bien ficelé et à temps voulu. Le président de la République doit aussi demander à l’Administration sénégalaise de faire des projets dans les bons délais et qu’ils soient vraiment bancables’’, a-t-il dit.

‘’Les bailleurs sont mieux informés sur le Sénégal qu’on peut le croire’’

En réalité, l’économiste a signalé qu’en matière de financement du développement, il y a plusieurs paramètres qui entrent en ligne de compte. Le premier, c’est la stabilité institutionnelle du pays. ‘’Quand on est à son deuxième Groupe consultatif, on a des bailleurs qui viennent répondre présents. Ce qui veut que le premier programme a eu un satisfécit des bailleurs. Contrairement à ce que les gens croient, les bailleurs sont mieux informés sur le Sénégal qu’on peut le croire. Un investisseur, qu’il soit bilatéral, multilatéral ou privé n’attend pas qu’on lui donne des chiffres.

C’est lui-même qui s’informe sur le pays, quitte à payer ses propres services d’information pour évaluer son risque pays’’, a relevé M. Sané. Donc, pour lui, ces bailleurs, qui ont accepté de venir au second Groupe consultatif, sont ‘’satisfaits’’ du premier. Au fait, notre interlocuteur a précisé qu’en matière de financement, cela commence par des lettres d’intention, d’intérêt, des mémorandums d’entente, etc. C’est le processus normal. ‘’Maintenant, c’est une fois revenu, puisque c’est un Programme d’actions prioritaires (Pap) 2, ce sont ces actions qu’on va traduire en projets et programmes, de sorte que cela épouse les conditionnalités des bailleurs de fonds afin qu’ils puissent décaisser cet argent. C’est ce que le gouvernement va faire dans les mois qui viennent. C’est-à-dire traduire les engagements en projets bancables et qui déboucheront sur des accords de financement de manière à ce qu’on puisse commencer leur mise en œuvre’’, a-t-il renchéri.

Pour M. Sané, en matière d’objectifs à atteindre, quand on va pour chercher un montant de 2 964 milliards de francs Cfa et qu’on obtient presque trois fois plus, on est à des taux de couverture de 300 %. ‘’Il ne faut pas qu’on fasse la fine bouche sur ça. C’est quelque chose d’important. Car, nous sommes à environ 75 jours de la présidentielle. Si autant de bailleurs s’engagent à moins de 90 jours d’une élection présidentielle, pour un montant aussi élevé, cela veut dire qu’il a forcément la cote au plan international. C’est un résultat positif à tout point de vue’’, a-t-il témoigné.

En définitif, selon lui, ce qui fait le succès du Sénégal, au deuxième Groupe consultatif, c’est l’approche méthodologique que le Sénégal a de son développement autour du Plan Sénégal émergent (Pse). C’est une feuille de route qui permet aux Sénégalais, aux bailleurs de fonds, de savoir comment est gouverné le pays, le point A qu’il va quitter et les points B, C et D qu’il veut atteindre. ‘’Et pour mobiliser des financements étrangers, il faut une feuille de route claire et précise. Ce que le Pse a. C’est une sanction positive des politiques économiques et sociales et de l’évolution démocratique du pays qui a abouti à ce résultat’’, a-t-il soutenu. Pour lui, si les ressources naturelles dont dispose le Sénégal, que sont le pétrole et le gaz, attirent ou rassurent plus les investisseurs, rendent sa signature plus séduisante et crédible, le gouvernement est preneur. ‘’Il faut valoriser nos ressources naturelles. C’est normal, ce sont les lois de l’économie. Maintenant, là où on peut continuer à discuter pour trouver des consensus, c’est de voir dans quel sens devrons-nous diriger ces financements-là. Le sens aussi qui a été indiqué est rassurant. On a parlé des secteurs essentiels tels que l’agriculture, l’énergie, l’emploi des jeunes, le privé national, etc.’’, a rassuré l’économiste.

Il convient de relever que le scénario optimiste du Pse est évalué à un montant de 9 685,6 milliards de francs Cfa. Son financement est acquis pour 5 737,6 milliards de francs Cfa, soit 59,2 %, tandis que le gap de financement à rechercher est de 2 964 milliards de francs Cfa, soit 31 %. L’engagement acquis provient de trois sources que sont l’Etat pour 3 218,6 milliards de francs Cfa (56,1 %), les partenaires techniques financiers (Ptf) pour 2 056 milliards de francs Cfa (35,8 %) et le privé pour 463 milliards de francs Cfa (8,1 %). Au soir du 24 février 2014, la communauté des partenaires techniques et financiers avait exprimé sa confiance au Sénégal, lors du Groupe consultatif. Grâce à ça, elle avait annoncé qu’elle allait mettre à la disposition du pays 3 729 milliards de francs Cfa, soit 6,5 milliards de dollars Us couvrant à 201 % le gap de financement du volet public du Pap 1. A l’heure du bilan de la mobilisation effective de ce montant sur une période de 5 ans, l’engagement a été au total de 6 606 milliards de francs Cfa. Un montant réparti en 173 conventions signées, soit un taux de concrétisation des engagements financiers de 177 %.

MARIAMA DIEME

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