Publié le 24 Oct 2018 - 01:07
OUSMANE MBAYE (DIRECTEUR DU COMMERCE INTERIEUR)

‘’On ne peut pas ouvrir une grande surface au cœur ou en face d’un marché’’ 

 

Le Commerce intérieur sénégalais fait face à de nouveaux défis. Ils sont, entre autres, liés à l’installation des grandes surfaces, la commercialisation de l’huile d’arachide, l’approvisionnement du marché en denrées diverses, notamment pendant les fêtes. Dans cette interview accordée à ‘’EnQuête’’, le directeur en charge de cette section du commerce, Ousmane Mbaye, revient sur les questions qui interpellent l’essentiel des acteurs.

 

Le marché du commerce intérieur reste toujours dépendant des importations. Qu’est-ce qui explique cela ?

C’est une situation qu’il faut relativiser. Tout dépend des produits. Nous notons, ces dernières années, une tendance plus ou moins intéressante des produits locaux. En tout cas, des produits sur lesquels nous avons une offre locale. Le commerce mondial étant ce qu’il est, s’il y a une demande pour laquelle l’offre n’existe pas ou fait défaut, on est obligé de s’ouvrir. Ça permet aussi aux consommateurs d’avoir une plus grande marge en termes de choix. Ce qui est dans leurs intérêts. S’il y a des exigences par rapport à la sécurité, à l’innocuité des aliments, l’Etat met en place un dispositif pour garantir la qualité des produits et, de façon générale, celle sanitaire. Je ne pense pas que cela soit une mauvaise chose d’avoir une offre importée très importante. C’est plutôt une bonne chose. Ce qu’il faut saluer, ce sont les efforts que l’Etat est en train de faire pour essayer d’inverser la tendance.

Quels sont ces efforts ?

Si on prend l’exemple des produits horticoles, on a vu que pour l’oignon, on est presque autosuffisant. Concernant les quantités, il y a peut-être quelques difficultés de stockage qui font qu’on n’arrive pas à couvrir la demande toute l’année. Pour la pomme de terre, il y a de cela dix ans, on importait 5 000 tonnes ; aujourd’hui, on en est à plus de 75 000 t de production nationale. Si nous prenons aussi les autres filières comme la carotte, nous notons des percées assez importantes en termes d’offre locale. C’est la même chose pour la banane où nous avons une production locale très importante. Même si elle est jusqu’ici confrontée à des difficultés de stockage ou de conditionnement. Je viens d’être informé des efforts très intéressants qui ont été faits par les producteurs de Tamba pour innover en termes de conditionnement, afin que la banane sénégalaise soit dans les mêmes conditions que celle qui vient de la Côte d’Ivoire.

Parce qu’on a parfois les mêmes variétés. Le consommateur préfère la banane importée parce qu’il y avait des problèmes de conditionnement. Mais d’ici peu, on verra sur le marché un produit qui n’a rien à envier à la banane provenant de la Côte d’Ivoire. Pour l’arachide, on a vu les performances que les producteurs ont réalisées ces dernières années. C’est pour cela que l’Etat est en train de mettre en place des dispositifs de régulation pour aménager un marché pour l’huile raffinée d’arachide. Auparavant, le modèle économique était assis sur l’importation de l’huile. Et, de l’autre côté, des unités de raffinage importaient de l’huile brute de soja qu’elles raffinaient pour la mettre à la disposition des Sénégalais. Ce changement d’option pourra aussi bien permettre de tirer les graines d’arachide à partir de la transformation et créer de la valeur ajoutée localement. Mais aussi, ça permet aux consommateurs de pouvoir disposer d’une huile de très grande qualité produite et consommée au Sénégal.

Vous avez signé un protocole pour la commercialisation de l’huile d’arachide. Mais est-ce que tous les acteurs sont d’accord sur ce nouveau dispositif ?

En tout cas, l’essentiel des acteurs, la majeure partie, est d’accord. Il se trouve qu’il y a un acteur, que je ne veux pas nommer, qui a eu quelques préoccupations. Car son modèle est assis sur l’importation et le raffinage de l’huile de soja. On l’invite également à changer son modèle et à se conformer au raffinage de l’huile d’arachide. Si nous décidons de mettre un terme au raffinage de l’huile de soja, c’est pour qu’il n’y ait pas une concurrence à l’huile d’arachide. Parce que tant qu’il y a les autres huiles comme celle de soja, de tournesol, etc., l’huile d’arachide se vendra difficilement. C’est au regard de cette situation qu’on a décidé que même s’il y a un raffinage d’huile de soja, que ce soit destiné aux industriels. Parce qu’il y a des industries, aujourd’hui, qui en ont besoin. Elles peuvent bien faire cela et de l’autre côté mettre l’huile d’arachide dans de petits conditionnements dont l’importation est aujourd’hui interdite. Nous voulons aussi, pour les autres formats, qu’on réserve ce marché exclusivement à l’huile d’arachide. Nous pensons que ce sont des incompréhensions. Mais nous ne perdons pas espoir que cet acteur puisse être convaincu de la pertinence d’un tel choix. Certainement, il va revenir  pour qu’ensemble nous puissions relever le défi de l’autosuffisance en huile.

Les Sénégalais n’ont pas encore intégré la consommation de cette huile dans leurs habitudes alimentaires. Qu’envisagent vos services pour les y encourager ?

Je ne crois pas que ce soit lié à leurs habitudes alimentaires. C’est plutôt un problème d’offre. Car c’est une offre qui n’existait pas. C’est aussi un souci de prix. L’huile d’arachide se trouve être plus chère que les autres. La qualité n’étant pas la même, ça se comprend. Si nous l’exportions, c’est parce qu’il y a une demande d’huile d’arachide. Ce n’est pas parce que les Sénégalais ne veulent pas de l’huile d’arachide. Il y a des gens qui ont une préférence pour cette huile. Mais c’est parce que l’offre faisait défaut et le prix était relativement cher. Avec des économies d’échelle, si tout le monde s’y met, on peut arriver à ce que le prix soit relativement accessible pour le consommateur qui, au regard de la qualité, y portera son choix. Aujourd’hui, le fait qu’elle soit disponible est une bonne chose. Maintenant, il faudrait qu’on travaille pour qu’elle soit accessible.

A ce propos, est-ce que l’Etat prévoit une subvention ?

Pour le moment, nous sommes en train de travailler sur toutes les formules qui peuvent permettre l’accessibilité de ce produit. Auparavant, les gens faisaient les formats de 10 l. Ici à Dakar, ceux qui achètent la bouteille d’un litre, c’est la classe moyenne et c’est eux qui achètent dans les grandes surfaces. On a incité les huiliers à faire les dosettes. Ceux qui achetaient la dosette de 250 ml des autres huiles, peuvent s’en procurer en huile d’arachide avec une variation de prix de 25 F Cfa. Je pense que les Sénégalais sont prêts à faire des sacrifices sur le prix. Mais, l’Etat, au plus haut niveau, est en train de travailler là-dessus pour voir s’il y a encore une possibilité d’appuyer ou de soutenir ce prix au consommateur. Toutefois, il faut savoir que l’Etat fait beaucoup sur l’huile d’arachide.  Le prix économique de l’arachide que le producteur vend tourne autour de 190 F Cfa le kilo.

Alors que l’Etat l’a fixé à 210 F. C’est un soutien aux producteurs pour qu’ils puissent vendre leurs graines à un prix rémunérateur. Si l’Etat décide aussi que cette huile soit donnée aux consommateurs et que la seule solution est d’appuyer à travers le prix, on va y aller. Mais il faut savoir aussi que l’Etat, ce sont des entrées et des sorties. C’est-à-dire que s’il subventionne, il va collecter des taxes pour le faire. L’un dans l’autre, il y a un exercice à faire à ce propos. Ensemble, avec les services du ministère de l’Economie et des Finances, nous ne manquerons pas d’y travailler pour voir quelle est la meilleure formule pour réussir ce pari de mettre à la disposition des consommateurs exclusivement de l’huile d’arachide de très bonne qualité.

La maîtrise du circuit de distribution des produits locaux comme importés reste encore un challenge au Sénégal. Quelles sont les politiques que vos services sont en train de mettre en place dans ce sens ?

Quand on parle de circuit de distribution, les gens pensent aux grandes surfaces. Mais, de façon générale, la distribution est à la croisée des chemins. Ce sont les anciennes formes de distribution qui existent toujours. Cependant, il y a un changement de dogme qui commence à se faire voir. Si les populations se ruent vers les grandes surfaces, c’est parce qu’elles y trouvent des avantages qu’elles n’avaient pas jusque-là. C’est peut-être cette réflexion qu’il faut mener. Ça interpelle aussi sur la situation de nos infrastructures commerciales, c’est-à-dire l’architecture des marchés, la manière d’y faire du commerce, nos pratiques, etc. Je dis ‘’nos’’, parce que ce ne sont pas des étrangers qui sont dans ces marchés. Ce sont nous les Sénégalais.

Si nous, consommateurs, ne nous retrouvons plus dans cette forme de distribution classique, il va falloir que tous ensemble nous revoyons un peu ces formes. En tout cas, l’option du gouvernement est que nous avons besoin du petit commerce et des grandes surfaces. Ce que fait l’Etat, c’est pour que chaque acteur puisse continuer d’exister et faire son travail dans l’intérêt des travailleurs. Quand bien même les grandes surfaces commencent à faire une percée, il y a des clients qui continuent à préférer les circuits de distribution classique, à aller au marché, dans la boutique du coin, etc. Parce qu’ils ont des exigences qu’ils ne trouvent que dans ces coins. Chaque acteur devrait pouvoir s’y retrouver dans l’intérêt des populations. S’il y a une concurrence, qu’elle puisse s’exercer de façon saine et loyale.

Le chef de l’Etat a sorti un décret pour le règlement du secteur de la grande distribution au Sénégal. Dans la même semaine, il a reçu les commerçants de l’Unacois-Jappo inquiets de l’installation d’Auchan. Existe-t-il encore des points sur lesquels ces commerçants ne sont pas d’accord ?

Non, c’est un concours de circonstances. Le décret est sorti depuis le 3 octobre. L’Unacois a été reçu par le président de la République la semaine dernière. C’est vrai que dans les sujets de discussion, il est ressorti celui sur la grande distribution. Deux jours auparavant, avant même que nous recevions l’Unacois, nous avions partagé le texte avec tous les acteurs. Déjà, ils étaient impliqués dans l’élaboration de ce projet. Mais ce décret n’est qu’un début. Parce qu’il y a d’autres arrêtés qui vont devoir repréciser certains éléments, certaines dispositions du texte. Sur ces arrêtés qui sont en cours de finalisation chez nous, on va en discuter avec les acteurs avant de les soumettre au ministre du Commerce.

Dans certains médias, il est même indiqué que le chef de l’Etat a dit qu’il n’y aura plus d’ouverture de magasins Auchan. Est-ce vrai ?

Si je m’en tiens au décret que lui-même a signé, il prévoit des conditions à remplir pour disposer d’une autorisation d’implantation. Ce qui n’existait pas. Auparavant, libre à qui voulait d’ouvrir un commerce de grande surface là où il le voulait et suivant ses conditions. Avec ce décret, il y a certaines modalités que le texte précise et qui s’imposent à quiconque veut ouvrir un commerce de grande surface. Donc, il faut se conformer aux dispositions de ce décret et avoir l’autorisation signée par le ministre du Commerce après avis du comité consultatif régional. Lequel comité est composé de l’ensemble des parties-prenantes, le secteur privé, les services de l’Etat, mais également la chambre de commerce et celle des métiers. Il y a aussi des exigences réglementaires à faire respecter. On ne peut pas ouvrir une grande surface au cœur ou en face d’un marché. Ce n’est plus possible.

Certains pensent que l’Etat favorise l’installation des grandes surfaces comme Auchan au détriment du commerce local…

Il n’y a aucune faveur qui est aujourd’hui accordée à Auchan au détriment des commerçants locaux. Ce qu’il y a, c’est que nous avions un secteur de la distribution complètement déréglementé. C’est aussi un choix de l’Etat. Parce qu’avant 1994, même pour ouvrir une petite boutique, il fallait avoir une autorisation. C’était très rigoureux. Donc, l’Etat souhaitait assouplir toutes les formalités pour l’exercice d’une activité économique et a libéralisé le secteur. Les gens qui venaient investir bénéficiaient d’un avantage que le Code des investissements leur confère.

Mais, en l’espèce, dans le secteur de la distribution, il n’y a pas un quelconque avantage que vous pouvez tirer des dispositions du Code des investissements. En tout cas, les secteurs qui sont éligibles à ce code n’en font pas partie. Quelqu’un qui vient investir dans le secteur de la distribution ne bénéficie d’aucune faveur, d’un point de vue allégement fiscal, etc. Non, franchement, il n’y a rien. Maintenant, comme le secteur était libre aussi, ils ont juste regardé les dispositifs juridiques et s’en sont conformés. Si ce dispositif était insuffisant ou qu’il y a eu l’évolution de la situation telle qu’il faudrait le réajuster, on est d’accord sur ça. Aujourd’hui, on a vu un développement assez fulgurant et rapide de la grande distribution. Et il y a aussi lieu de l’encadrer, ce qui explique ce décret que le président de la République a signé.

Comment expliquer la différence des prix entre les grandes distributions et les commerçants, si celles-ci ne bénéficient pas d’avantages fiscaux ?

C’est un peu la caractéristique des grandes surfaces. Ce sont des gens qui ont une très grande force de négociation. Quand ils négocient, ils éliminent tout ce qui est intermédiaires. Or, le petit boutiquier ne peut pas aller jusqu’à l’industriel pour acheter sa marchandise. Il achète chez un demi-grossiste, qui lui se ravitaille chez le grossiste qui, de son côté, a acheté auprès de l’industriel. Tout le contraire de la grande surface qui achète directement chez l’industriel ou le producteur ou importe suivant le réseau de leurs plateformes. Ils en ont aussi au niveau mondial. Ce qui leur permet de centraliser leurs achats et d’optimiser en termes de prix d’achat. Ils peuvent, par exemple, vous dire qu’ils sont prêts à vous prendre 10 000 articles par jour, à condition que vous leur donniez à crédit. Ainsi, ils génèrent tout de suite de la trésorerie. A peine vont-ils vendre le produit qu’ils commencent à travailler avec cette trésorerie générée. Donc, tous ces facteurs font que la grande surface est dans une position qui lui permet d’optimiser ses charges. Dès lors, avec les économies d’échelle, elle va optimiser sur les marges.

Cependant, autant on peut parler des avantages de la grande surface, autant on peut en faire pour le boutiquier. Ce dernier est très proche. Les populations développent avec lui des relations même extra-clients, de fidélisation qui font que, même si on a besoin de quelque chose et qu’on n’a pas d’argent, il le donne à crédit. Ça aussi, c’est important. Chaque acteur est nécessaire et il faut aménager un schéma qui puisse leur permettre de survivre dans l’intérêt des consommateurs. C’est ce que nous voulons à travers tous les textes que nous prenons.

Certains prix sont homologués et pourtant certains commerçants, notamment les boutiques de quartier, ne respectent jamais la règle. Que fait la Direction du commerce intérieur ?

C’est vrai que sur certains produits, nous-mêmes, nous faisons face à ces pratiques de prix illicites sur le terrain. Quand il y a un prix homologué, il faut au moins que le consommateur puisse disposer de l’information. C’est comme ça qu’il peut exiger qu’on ne lui vende pas un produit à un prix illicite. A chaque fois que nous constatons ce genre de comportement, nous agissons avec les sanctions que prévoit la loi. Le constat est qu’il y a une rigidité. Ce sont des pratiques récurrentes chez le petit commerce. Pour le gaz butane par exemple, rares sont les gens qui le vendent au prix indiqué. C’est des situations assez complexes, vu qu’on ne peut pas être derrière chaque boutique.

La  collecte d’informations sur le marché intérieur n’est-il pas un challenge ?

Cela dépend des niveaux. De notre côté, nous avons des services qui sont présents partout. A chaque semaine, chaque service fait des relevés de stocks et de prix dans sa circonscription administrative et nous transmet le document. Ce qui nous permet de suivre le marché pour voir si les approvisionnements sont corrects, les prix acceptables. Ça nous permet d’avoir un tableau de bord pour voir s’il y a des problèmes quelque part afin qu’on prenne les dispositions à temps avant que la tension ne survienne. Donc, en tant qu’Etat, nous n’avons pas ce problème. Maintenant, il y a l’information aux consommateurs. A ce propos, s’il n’y a pas de situation critique, d’alerte, on préfère ne pas communiquer et essayer d’agir là où il le faut. Ceci afin d’éviter que la situation critique n’arrive pas. Si on communique sur ces alertes, on peut créer des situations d’anticipation d’achats. C’est pourquoi on essaie de distinguer l’information qu’on donne aux consommateurs, celle à traiter d’urgence avec le fournisseur pour que l’alerte jaune puisse retourner au vert et que ça n’aille pas au rouge.

Pourquoi, durant la période des fêtes, il n’y a pas de régulation des prix pour certains produits comme l’oignon et la pomme de terre ?

Ce n’est pas lié au fait que le ministère ne régule pas le marché.  Le marché, c’est le jeu de l’offre et de la demande. Pour les fêtes, ce sont des périodes au cours desquelles on a quand même quelques difficultés. Et il faut le connaître. Elles sont beaucoup plus perceptibles quand on est en fin de campagne pour l’oignon et la pomme de terre. Par contre, cette année, pour la Korité, on n’a pas eu de problème avec l’oignon. Parce que l’offre était importante, donc pas de possibilité de spéculer sur le prix. C’était pareil pour la pomme de terre. C’est pendant la Tabaski que nous avons eu des difficultés beaucoup plus sur la pomme de terre que sur l’oignon.

On avait un seul acteur qui en disposait et c’était Senegandia qui était à Mbane. Il fallait faire 300 km pour charger un camion. On a tout fait pour multiplier tout ce qui est logistique. Mais on a  constaté qu’au finish, celle-ci n’était pas suffisante pour faire venir toute la pomme de terre à Dakar et en temps voulu. Hormis ces périodes, il n’y a pas de problème. Mais pour la Tabaski, cette année, on a travaillé à 10 jours de la fête et on a mis en place toutes les dispositions pour faire venir chaque jour entre 20 à 30 camions. Si on a 900 t/j pendant 10 jours, cela ferait 9 000 t. C’est une quantité qu’on ne peut pas consommer durant la Tabaski. Lorsqu’on a mis en place ce dispositif de clients pour demander 30 t/j, ils avaient besoin généralement 6 à 7 camions par jour. Et jusqu’à 5 jours de la fête, il y a eu un rush, alors qu’on ne pouvait pas prendre plus de 30 camions/j. C’est ce qui a créé ce déséquilibre entre l’offre et la demande.

Comment comptez-vous régler cette situation à l’avenir ?

Ce qu’on en a déduit, c’est qu’il faudrait qu’on  travaille à rapprocher le stock, pour les années à venir, tout près de Dakar. Si nous avions ce stock de 10 000 t à Diamniadio, le problème ne se serait pas posé. Parce que ce n’était pas lié à la disponibilité. A Mbane, on avait pratiquement plus de 15 000 t en souffrance. Donc, nous travaillons pour l’implantation d’une chambre froide à Diamniadio avec Senegandia. Mais également à mettre à contribution le marché d’intérêt national de cette localité. Nous pensons que d’ici la prochaine Tabaski, il sera fonctionnel. Dans chaque magasin, il y a une chambre froide qui peut contenir entre 20 et 30 t. Donc, si nous mettons à contribution ce marché, les problèmes de logistique que nous avions seront réglés. Cette année aussi, il y a eu quelque chose d’inédit. C’est la première fois que nous arrivions à satisfaire les demandes de la Korité et de la Tabaski avec la production locale. C’est une politique qu’il faut encourager. Maintenant, les réglages à faire, du point de vue qualité, disponibilité et prix, je pense qu’on peut les réussir. A chaque fois qu’on arrive à stabiliser les prix, on n’aura pas besoin de les fixer. Ce sera le marché qui va se réguler lui-même.

Mais vous n’avez parlé que de Dakar. Qu’en est-il des autres régions ? 

C’est la même chose. C’est vrai qu’on donne souvent l’exemple de Dakar parce que c’est le plus gros marché du pays. C’est un centre d’éclatement. Il y a beaucoup de gens des régions de Touba, Kaolack, etc., qui n’allaient pas jusqu’à Mbane pour acheter de la pomme de terre. Ils venaient s’approvisionner à partir de Dakar. Donc, s’il y a un stock ici, les gens des villes environnantes vont s’y approvisionner et ceux des autres régions pourront aller à Mbane. Et la répartition serait très bien faite.

Parlant des marchés, avez-vous évalué de manière précise les pertes occasionnées par les incendies ?

Le préfet de Dakar, la Direction de la protection civile et tous les services publics ont fait le tour de la région. Et la situation est assez alarmante. Les incendies que nous avons connus ne sont que le résultat des branchements clandestins, de l’occupation irrégulière, etc. Si on rentre dans un marché, on se rend compte que toutes les conditions sont créées pour cela. Ce qui fait que s’il y a un petit incendie, ça prend des proportions démesurées. Parce qu’il n’y a pas de bouche d’incendie prévue, ou s’il y en a, ça ne marche plus. Ou bien, les voies d’accès qui étaient prévues pour que les secours puissent venir faire correctement leur travail, s’il y a un problème de cette nature, sont occupées et bouchées. Les dernières instructions que le président de la République a données, c’est qu’on fasse des propositions, prennent des mesures fortes pour mettre de l’ordre dans les marchés. Il a aussi proposé de lui soumettre un projet de modernisation des marchés

. Il y a déjà un certain nombre qui était ciblé. Il s’agit de Ndoumbé Diop de Diourbel, celui de Kaolack, Sandaga, Syndicat, Hlm, Tilène de Dakar, Tilène de Ziguinchor où le président a procédé, durant sa présente visite, à la pose de la première prière, etc. Donc, tous ces marchés modernes intègrent déjà la dimension sécurité au premier rang dans leur conception et leur construction. Maintenant, il y avait de l’existant et il faudrait que tout le monde s’y mette. Que ce soit les services de l’Etat, les collectivités locales pour qu’on y remettre de l’ordre. Il faudrait aussi que les commerçants aient de plus en plus la culture de souscrire à des assurances. On ne peut pas avoir un business de dizaines de millions et refuser de payer une assurance de quelques dizaines de mille par mois. Ne serait-ce que pour sécuriser son investissement. Sur ça aussi, il y a un travail de sensibilisation à faire à l’endroit des commerçants pour que, quand de pareille situation arrive, qu’ils ne se retrouvent pas les mains vides.

La Fédération des boulangers se plaint du fait que presque aucune des mesures retenues à l’issue des assises n’ait été appliquée. Qu’est-ce qui explique cette lenteur ?

Nous avions mis en place une feuille de route. Donc, il ne faudrait pas que les boulangers disent que l’Etat n’a rien fait. Ça, c’est un peu rejeter la balle à l’Etat. Derrière chaque recommandation, il y avait des acteurs qui devaient jouer chacun un rôle. D’abord, concernant la stabilisation du marché de la farine, nous avons eu, en 2018, un prix relativement stable, mais vers le bas. Ce qui est dans l’intérêt des boulangers et non des meuniers. Durant cette année, le sac de farine est vendu à moins de 15 000 F Cfa. Or, quand on faisait les concertations, il était jusqu’à 17 200 F. Aujourd’hui, les meuniers disent qu’ils continuent à perdre de l’argent. Aussi, ces assises n’étaient pas seulement pour les boulangers, les meuniers aussi étaient concernés.  Aujourd’hui, les boulangers continuent d’acheter la farine à un prix qui ne rémunère pas l’activité du meunier. C’est pour cette raison qu’on n’a pas entendu les boulangers sur cette question. Et quand ils achètent le sac à 14 000 F, le client, lui, se procure le pain au même prix, c’est-à-dire 150 F. Or, ce prix, c’était quand le sac coûtait 18 000 F.

Et qu’en est-il de la distribution ?

Pour ce qui est de la distribution, ils voulaient qu’on la réorganise pour rayer les boutiques de quartier du circuit. On était bien d’accord et en même temps, on a mis en place un comité. On leur a proposé un autre circuit de remplacement. Lorsque cette mesure a été prise en 2004, il y avait des kiosques un peu partout. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Si le pain n’est pas vendu dans les boutiques, où est-ce qu’on va le vendre ? Ils nous ont proposé leurs boulangeries et nous leur avions demandé de prendre une zone test. Si ça marche, on va essayer de l’élargir. Mais on ne peut pas se lever à partir de demain et dire qu’il n’y aura pas de vente de pain dans les boutiques alors qu’il n’y a pas de kiosques. Il y a des préalables à régler. Chaque Sénégalais a droit au pain le matin. Si la forme de distribution qui existait a été déstructurée, il faudrait qu’on réfléchisse ensemble sur une nouvelle. Parce que toutes les zones  n’ont pas de boulangerie.

MARIAMA DIEME

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