Publié le 30 Jan 2018 - 21:00
PÊCHEUR SÉNÉGALAIS TUÉ EN MAURITANIE

L’Etat se saisit du dossier

 

Au départ, ça ressemblait à un fait-divers. Mais il a fallu quelques heures pour que la mort du pêcheur Fallou Diakhaté, tué par les garde-côtes mauritaniens, devienne une affaire d’Etat. Macky Sall s’est exprimé depuis Addis-Abeba, pendant que son ministre de l’Intérieur faisait le déplacement à Saint-Louis. Quant à Omar Guèye, il a opté pour le ‘’20 h’’ de la Rts. Tous disent la même chose : plus jamais ça !

 

Les images diffusées dans le ‘’20 h’’ de la chaine publique (Rts) sont certes muettes, mais elles suffisent pour se faire une idée. La poignée de main entre le chef de l’Etat Macky Sall et le président de la Mauritanie Abdoul Aziz et la brève échange entre les deux hommes indiquent que la mort du pêcheur sénégalais, Fallou Diakhaté, tué par les garde-côtes mauritaniens, n’a pas été un sujet tabou. Macky Sall s’est d’ailleurs exprimé sur la question depuis Addis-Abeba où il prend par au 30e Sommet de l’Ua. Le président a exprimé ses condoléances. Il a apporté sa solidarité à la famille du défunt, tout en appelant à ce qu’il y ait une solution.

‘’Les deux gouvernements vont regarder de très près ces questions. Nous sommes des voisins, on ne peut pas continuer à vivre ainsi. Evidemment, nous devons respecter la souveraineté de chaque pays. Il faut que nous, côté Sénégal, on améliore cette situation. Mais on ne peut pas, comme ça, laisser tirer sur des citoyens. Mais comme nous sommes des voisins, nous devons pouvoir gérer, à travers les deux gouvernements, la question de la pêche, la question de la transhumance du bétail, la question de la circulation des personnes et des biens entre deux pays voisins, parents’’, déclare le président qui a aussi appelé à ce que ‘’toute la lumière soit faite’’.

Macky Sall a fait savoir aux pêcheurs que le gouvernement sera toujours à leurs côtés. Il en veut pour preuve le soutient que l’Etat avait apporté aux 5 000 d’entre eux expulsés de la Mauritanie, en leur dotant de moyens de travail. ‘’La semaine prochaine, je serai justement à Guet Ndar, accompagné du président de la République française. Il viendra là-bas pour m’accompagner dans la politique de protection de la côte, puisque Guet Ndar est menacé par les eaux dues aux changements climatiques’’.

En fait, la mort de ce pêcheur est très vite devenue une affaire d’Etat, après que les populations de Guet Ndar sont descendues dans la rue et ont vandalisé des boutiques appartenant à des Mauritaniens. Le ministre de l’Intérieur s’est rendu à Saint-Louis dans l’après-midi. Il a rencontré les pêcheurs, parmi lesquels le propriétaire de la pirogue qui se trouve être l’oncle du défunt. Omar Guèye a aussi révélé qu’il est prévu qu’un émissaire d’Abdoul Aziz soit envoyé au président Macky Sall mercredi pour aborder le sujet.

Selon Aly Ngouille Ndiaye, les pêcheurs ont surtout exprimé un besoin de sécurité, lorsqu’ils sont dans les eaux sénégalaises. Et, à ce titre, il leur a promis une patrouille qui devait même, depuis hier soir, être en chemin vers l’ancienne capitale. ‘’Assurance leur a été donnée que l’armée prendra toutes les dispositions pour assurer la présence de la marine ici à Saint-Louis’’, souligne-t-il. Une fois la frontière franchie, le ministre déclare que les pêcheurs sont eux-mêmes d’accord qu’ils sont en territoire mauritanien. Mais ce n’est pas une raison de tuer, ajoute-t-il. ‘’A la limite, le matériel peut être pris ; à la limite, des amendes peuvent être données. Mais la solution ce n’est pas de tirer. Donc, il faut arrêter ces tueries. Nous prendrons toutes les décisions’’, prévient-il.

19 ans, neveu du propriétaire de la pirogue

Son collègue, qui avait prévu, lui aussi, de faire le déplacement, est finalement resté à Dakar, sans doute pour les besoins de la communication. En fait, le ministre de la Pêche et de l’Economie maritime a été l’invité du ‘’20 h’’ de la Rts. Omar Guèye a condamné l’attitude des garde-côtes mauritaniens, même s’il reconnait que les pêcheurs ont tort d’exercer leurs activités dans une zone qui leur est interdite. ‘’Lorsqu’un pêcheur entre dans les eaux mauritaniennes, il fait une pêche considérée comme illégale. Mais nous estimons que d’autres mesures pourraient être prises dans le sens de ne pas tirer à balles réelles sur un pêcheur, sur une embarcation, jusqu’à ce qu’il y ait mort d’homme. C’est la raison pour laquelle nous condamnons fortement, au nom du gouvernement, cette action qui a entrainé la mort d’un compatriote, Fallou Diakhaté, 19 ans, dans des conditions qu’il faudra élucider’’, s’indigne le ministre.

Omar Guèye rappelle que les pirogues sénégalaises sont toutes immatriculées. Il suffit juste d’identifier la pirogue ayant servi à commettre l’infraction pour saisir les autorités du Sénégal. Dans ce cas, assure-t-il, le gouvernement prendra les mesures idoines, pouvant aller jusqu’au retrait de la licence. ‘’En arriver à cet extrême est très, très douloureux. Et il faudrait que des mesures soient prises dans le sens de la bonne entente entre les deux pays, pour que de pareille situation, de manière définitive, ne se reproduise plus’’, préconise-t-il.

Dans tous les cas, si l’on se fie aux propos du ministre, il est peu probable que les pêcheurs arrêtent d’aller dans les eaux mauritaniennes, parce qu’ils exercent leur activité dans cette zone depuis 200 ans. Les habitudes étant tenaces, ce n’est pas demain, donc, la fin de cette pêche, qu’elle soit considérée comme illicite ou non !

BABACAR WILLANE

 

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