Publié le 26 Mar 2019 - 17:48
PAIX ET SECURITE - SITUATION MALIENNE

‘‘Il s’agit d’être présent pour protéger les populations’’

 

L’Union européenne et la Fondation Friedrich Ebert (Fes) ont lancé, hier, un projet dénommé ‘‘Sécurité pour tous’’, pour impliquer plus activement les organisations de la société civile dans les solutions à la question sécuritaire. Le représentant du Mali s’est prononcé sur la situation actuelle dans son pays.

 

L’Union européenne et la fondation allemande Friedrich Ebert (Fes) ont lancé, hier, le projet ‘’Sécurité pour tous’’ qu’elles ont cofinancé. ‘‘Un coût du projet qui s’élève à 2 millions d’euros plus ou moins sur trois années, pour les trois pays ainsi que les activités régionales’’, fait savoir le responsable de la Fes pour les questions paix et sécurité dans la région Afrique subsaharienne, Holger Grimm. Les trois pays en question sont le Nigeria, le Cameroun et le Mali qui subissent les assauts répétés de séparatisme extrémiste et/ou djihadiste. C’est ce qui explique d’ailleurs la pertinence de leur choix... malgré un appel à candidature lancé à neuf pays. Un des représentants du pays voisin était présent à cette rencontre et s’est naturellement prononcé sur la douloureuse actualité qui secoue encore le Mali.

‘‘Bien sûr que le président a pris des mesures, mais nous savons tous très bien que là où s’est passé la tuerie est la zone de conflits intercommunautaires, car des ethnies s’y confrontent. A chaque fois que l’une des parties s’attaque à l’autre, il faut s’attendre, malheureusement, à des représailles. C’est une crise qui perdure et l’Etat malien n’arrive pas à trouver les moyens de la régler. C’est vrai que dans le nord du pays, l’armée n’a pas le contrôle, mais là où se sont produits les massacres du weekend, l’armée est bel et bien présente. Il s’agit d’être présent pour protéger les populations’’, a déclaré Issa Bengaly, le secrétaire administratif du Bureau exécutif de l’Union nationale des travailleurs du Mali (Untm).

Pour lui, cet atelier de lancement pourrait aider à juguler le problème, en trouvant des solutions à la manière dont ce projet va répondre au défi sécuritaire malien, par ‘‘la sensibilisation de tous les acteurs pour une plateforme inclusive pour la sécurité du Mali’’.

Membre de la société civile malienne, il déplore l’attaque meurtrière dans un village peul du centre du Mali, qui a fait 134 morts, ce samedi. D’autant que ce massacre était agité depuis quelque temps par les auteurs présumés, se plaint-il. ‘‘Tout le monde s’attendait déjà à des attaques, car ce sont des gens qui ciblent des populations et les gens sont souvent informés avant leur passage à l’acte. Il faut que les populations de cette zone soient vite sécurisées... Le problème, ce n’est pas que ce soit trop tard, mais qu’on trouve une solution immédiate. C’est bien que l’Etat tente de circonscrire le problème dans l’immédiat. Mais il faudra une solution à long terme’’. Le conflit qui était initialement localisé dans le nord du pays, en 2012, avec les séparatistes djihadistes, s’est déplacé, depuis deux ans, dans le centre avec un glissement ethnique que même M. Bengaly a du mal à expliquer. 

‘‘Dans une zone d’insécurité à caractère multidimensionnel, on ne peut plus identifier clairement les différents acteurs qui y opèrent. La crise du Nord-Mali s’est accentuée avec la crise libyenne ; il y a les trafiquants de toute sorte... Quand un mouvement atteint un certain seuil, il faut faire attention, parce que si on le dépasse, il y aura un effondrement total de l’Etat. La crise a quitté le Nord pour venir dans le Centre. C’est à ce moment que le conflit s’est ethnicisé, car à chaque fois qu’un acteur, qui peut être identifié, commet un acte, certains l’identifient comme étant de telle ethnie. Des Peuls ont été ciblés, des Dogons aussi ont été attaqués. C’est pratiquement devenu un conflit ethnique entre les deux, même s’il y a d’autres acteurs’’, a-t-il expliqué.

Irène Mingasson : ‘‘La sécurité, c’est l’affaire de tous’’

La situation préoccupante pousse la Fes à vouloir établir un baromètre qui doit mesurer, avec des indicateurs à développer, l’état des lieux du processus de sécurité dans la région, fait savoir Holger Grimm. Pour la représentante de l’Union européenne, Irène Mingasson, les évènements du samedi invitent à considérer cette situation tous ensemble.

‘‘La sécurité est un sujet pour chacun d’entre nous au cœur de l’action de l’Ue et du partenariat avec chacun des pays de la région, et nous voyons un rapprochement de plus en plus efficace entre les politiques traditionnelles de développement et celles qui sont les plus ciblées sur les questions de sécurité. Il faut, sur ces sujets nourris par les dynamiques et défis locaux, une réponse régionale qui doit se doubler d’une réponse au niveau national puis local. Pour qu’elles soient efficaces au niveau local, c’est toute la philosophie du projet que nous lançons aujourd’hui (hier). Il faut que tous les acteurs puissent être mobilisés et contribuer ; les politiques publiques de renforcement de paix et sécurité doivent être appropriées par les citoyens. C’est ainsi qu’elles deviennent efficaces, pérennes et ont un impact véritable’’, a-t-elle déclaré.

Ce projet vise à contribuer à la mise en place d’actions et d’espaces de dialogue sur la sécurité avec l’implication active de la société civile. Elle vise également à promouvoir une sécurité inclusive et une gouvernance démocratique par la participation des Osc dans ces trois pays, mais aussi dans l’ensemble de la région Cedeao. ‘‘Pour avoir une dynamique régionale, nous avons choisi des pays qui ont intérêt à travailler ensemble... Ce sont des pays où nous voyons une cause commune autour de la nécessité de renforcer l’Etat, l’efficacité des services de base aux citoyens au niveau local. C’est encore une fois l’affaiblissement de la présence de l’Etat dans ces communautés qui créent un vide utilisé par les forces contraires à la sécurité. Il faut une compréhension dans chacun de ces pays, et qu’une action concertée entre l’Etat et la société civile est l’approche la plus bénéfique au service des populations’’, poursuit Mme Mingasson.

OUSMANE LAYE DIOP

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