Publié le 21 Nov 2014 - 11:41
PAPE DIOUF SUR SA GARDE A VUE

‘’Pas le dixième d'un reproche ne m'a été fait’’

 

Pape Diouf vient de passer trente-six heures en garde à vue à Marseille dans le cadre des transferts suspects de l'OM. L'ancien président du club (2005-2009) livre ses premières réactions au Monde.

 

Dans quel état d'esprit êtes-vous après ces trente-six heures de garde à vue ?

Je ne suis pas dévasté, mais révolté, dans la mesure où rien ne justifiait cette garde à vue. Au bout de ces trente-six heures, je peux vous dire très tranquillement qu'aucun grief ne m'a été fait pendant la période où j'étais dans les locaux de la police marseillaise. Toutes les questions qui m'ont été posées étaient des questions relatives à la gestion d'un club dans ses généralités : comment fait-on un transfert ; comment peut-on prolonger le contrat d'un joueur ; comment anime-t-on une cellule de recrutement... Je n'étais là que pour fournir des informations, ce qui m'a conduit à me dire qu'une convocation aurait largement suffi pour répondre aux questions des enquêteurs, et mieux encore, une convocation à ma convenance.

Avez-vous été confronté à Jean-Claude Dassier et Vincent Labrune, les présidents de l'OM qui vous ont succédé ?

Ma garde à vue a coïncidé, c'est vrai, avec celle d'autres dirigeants de l'OM. Mais je me fous des autres gardés à vue, je ne sais pas ce qu'ils ont fait, j'ai quitté le club il y a plus de cinq ans. Je ne les accuse ni ne les disculpe. Il n'y a eu aucune confrontation avec aucun autre gardé à vue, je ne les ai pas vus, je ne savais pas où ils étaient.

Estimez-vous avoir été injustement entendu ?

On dit souvent qu'il faut laisser la justice faire son travail. Mais quel travail ? Je le redis, rien ne justifiait mon placement en garde à vue. Pas le dixième d'un reproche ne m'a été fait. Pas la moindre question ne m'a été posée sur un papier signé pendant ma gouvernance ou une décision prise par l'un de mes collaborateurs. Je ne me suis pas gêné pour dire à un moment donné au juge que je ne comprenais ce que je faisais là. Il m'a répondu que c'était un dossier global et qu'il souhaitait entendre tous les protagonistes, avoir tout le monde sous la main. J'ai trouvé que c'était un peu court, comme explication ! La réputation d'un homme vaut plus de précautions que ça.

Votre réputation est-elle entachée par cette affaire ?

Dans cette affaire-là, on a livré en pâture l'honneur d'un homme. Ce n'est pas mon propre sort qui compte, mais mon entourage qui a été durement touché : ma famille, mes amis, le continent africain, les jeunes des quartiers difficiles dont on dit qu'il faut faire quelque chose pour eux et qui me voient comme une espèce de modèle. Heureusement, j'ai reçu de nombreux de messages, y compris de gens que je ne connaissais pas, qui m'ont témoigné leur confiance.

Vous connaissez comme moi cette déduction populaire qu'il n'y a pas de fumée sans feu, que si un individu est réveillé par la police à 6 heures du matin c'est qu'il a quelque chose à se reprocher. Tout gardé à vue devrait répondre d'au moins un grief. En trente-six heures, je n'en ai pas entendu un seul.

La question des rétrocommissions versées à des intermédiaires a-t-elle été abordée ?

La pratique des rétrocommissions a vaguement été évoquée pendant la garde à vue. Que cela existe dans le football, c'est possible, j'en ai entendu parler, mais une chose est sûre : je ne suis pas suffisamment intelligent pour savoir comment cela se faisait ! Tout ce que j'ai fait pendant mes années à la présidence de l'OM, c'était avec des papiers sur les clubs acheteurs et vendeurs, les agents, les joueurs.

Avant d'être président de l'OM, vous avez été vous-même agent de joueurs. L'existence de collaborateurs d'agents n'est pas un mystère pour vous... 

Il n'y a rien de plus complexe que ce système, au point que la FIFA a décidé d'arrêter les licences d'agents pour un système où quiconque peut travailler dans le milieu du foot à partir du moment où il crée une société qui respecte les droits nationaux du pays où il vit. Cette voie-là me paraît la meilleure. Il y a des collaborateurs d'agents, moi-même j'en ai eu à l'époque, mais, à partir du moment où ils exercent dans une entreprise légale, qui leur verse un salaire, je considère qu'ils sont en droit de travailler.

Jean-Luc Barresi, un agent condamné par la justice, revient dans le dossier. Le connaissez-vous ?

Connaître Barresi ou ne pas le connaître ne change rien à mon affaire aujourd'hui. Moi, je n'ai pas envie de parler des autres. Ma gouvernance a été passée au peigne fin car les présidents qui m'ont succédé ne font pas partie de mes amis. Croyez bien que, si dans les comptes il y avait une seule virgule mal placée, on l'aurait su.

Existe-t-il, selon vous, d'autres raisons à votre garde à vue ?

J'en suis à me demander si l'on ne me cherche pas des noises pour avoir dénoncé à un moment donné les quotas dans le foot, pour avoir commenté la prestation de l'équipe de France lors de la Coupe du monde au Brésil et plus récemment pour avoir alerté sur les propos de Willy Sagnol (sur ‘’les joueurs typiques africains’’).

Etes-vous surpris de la concomitance entre votre garde à vue et les retrouvailles, le même jour, des Bleus avec le Stade-Vélodrome ?

Certains ne manqueront pas de parler de justice spectacle. Franchement, je ne veux pas m'appesantir sur ce point. La justice est une institution pour laquelle j'ai de la considération et du respect, mais quand elle se comporte comme cela, je m'en détourne. Marseille est suffisamment secouée comme ça. On a reproché à l'OM des choses qu'on pourrait reprocher à d'autres clubs et Marseille n'est pas un conglomérat de malfaiteurs.

Avez-vous reçu des messages de soutien du milieu du foot ?

Le milieu du foot n'est pas celui que j'affectionne le plus. J'aime beaucoup le football, mais c'est un milieu peuplé de faux culs et d'hypocrites.

LE MONDE

 

 

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