Publié le 24 Aug 2016 - 01:32
PAPE SAËR GUEYE (MEMBRE DU COMITE DIRECTEUR DU PDS)

‘’Karim Wade renoncera à sa nationalité française’’

 

Au moment venu, Karim Wade renoncera à sa nationalité française pour être éligible à l’élection présidentielle de 2019. C’est du moins la conviction de l’ancien ambassadeur Pape Saër Guèye, par ailleurs membre du Comité directeur du Parti démocratique sénégalais (PDS). Dans cet entretien avec EnQuête, le Secrétaire chargé de la diaspora du PDS déplore le débat entretenu sur la double nationalité qui, selon lui, est une insulte aux Sénégalais vivant à l’étranger et à leurs enfants qui ont souvent la binationalité.

 

Le débat sur la double nationalité fait rage dans le landerneau politique. Quel est votre avis sur la question ?

Dans ce débat, je pense qu’il est important de distinguer deux choses : ceux qui ont la double nationalité et ceux qui ont la binationalité. Celui qui est de nationalité exclusivement sénégalaise, qui travaille dans un pays tiers, qui fait 10 ans, jouissant de tous ses droits civiques et politiques, il peut, suivant la législation, demander à accéder à la nationalité du pays d’accueil. C’est le cas de nos compatriotes vivant aux Etats unis, en France, en Italie, bref dans tous les pays du monde. Pour ces cas, vouloir poser la question de leur éligibilité à la présidence de la République pose problème.

Le deuxième niveau, c’est le cas de la binationalité. Un binational, c’est quelqu’un qui, à la naissance, de par son père et sa mère, a acquis deux nationalités. Les codes de nationalité de ses deux parents lui confèrent de facto, à la seconde où il est né, d’être de ces deux nationalités. Il n’est pas demandeur. Il subit de fait les deux nationalités. C’est le cas de notre candidat Karim Meïssa Wade.

Justement, à propos de votre candidat, beaucoup pensent que cette proposition de loi sur la double nationalité vise à l’écarter au même titre que l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye. Qu’en pensez-vous ?

Jusqu’ici, il n’y a aucune disposition de la Constitution, du Code pénal ou encore du Code électoral qui interdit aujourd’hui à Karim Wade d’être candidat à la prochaine élection présidentielle. Il n’est inéligible que s’il ne renonce pas à sa double nationalité.

Karim Wade est-il aujourd’hui dans les dispositions de renoncer à sa nationalité française ?

Absolument ! Le moment venu, il renoncera à sa nationalité française. Il a prouvé qu’il est un patriote. Parce qu’étant binational sénégalo-français, il n’a jamais eu des charges politiques en France. Il a été conseiller au Sénégal, président du Conseil de surveillance de l’Anoci et ministre d’Etat en charge de l’Energie et des Infrastructures. Au moment où de grands leaders dans ce pays sont en train de faire naître leurs enfants aux Etats-Unis ou en France, lui Karim Wade  prend le sens inverse. Tous ses enfants sont nés et baptisés ici au Sénégal. Cela veut dire que son patriotisme ne souffre d’aucune contestation.

En outre, sur la hiérarchie des normes, la Constitution est au-dessus du Code pénal et du Code électoral. Or, la Constitution dispose que pour être candidat, il faut être de nationalité sénégalaise exclusivement, qu’il faut savoir lire et écrire en français et qu’il faut avoir 35 ans et jouir de ses droits civils et politiques.

Le fait qu’il n’ait pas un casier judiciaire vierge ne risque-t-il pas de le pénaliser au moment du dépôt des candidatures ?

Le Code pénal stipule clairement que pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut jouir de ses droits civils et politiques. Et le juge doit expressément prononcer que tel monsieur ne jouit plus de ses droits civils et politiques pour qu’il soit disqualifié de la course à la présidentielle. On ne le constate pas, on ne l’interprète pas. C’est une décision du juge prononcée à cet effet. Or Karim Wade n’est pas dans ce cas.

Est-ce qu’un candidat à une élection présidentielle peut présenter un casier judiciaire qui n’est pas vierge ?

Comme je l’ai dit tantôt, pour être candidat, il faut remplir quatre conditions. Il faut être sénégalais exclusivement, là, il lui suffit simplement qu’à la veille des élections, qu’il renonce à sa nationalité française, il faut savoir lire et écrire en français, il faut avoir plus de 35 ans, il faut jouir de tous ses droits civils et politiques. Or il n’y aucun arrêt d’un tribunal ou d’une Cour de justice qui a démis Karim Wade de ses droits civils et politiques. D’ailleurs, ceux qui agitent le débat sur la double nationalité en disant qu’il faut renoncer à sa deuxième nationalité 5 ans avant le scrutin nous confortent. Cela veut dire simplement, qu’après avoir tenté en vain de l’écarter de la course à la présidentielle, ils cherchent un autre subterfuge pour parvenir à leurs fins. Leur schéma de départ, c’était de maintenir notre frère Karim Wade en prison jusqu’après les élections de 2019.

Comment Karim Wade peut-il prétendre diriger le pays tout en étant à l’extérieur depuis sa libération ?

Karim Wade mène le combat même s’il n’est pas au Sénégal. Il se prépare de manière structurée et constante. Maintenant sur ce qui est dit sur les raisons de son absence du pays, je n’en dirai pas plus. On ne peut pas être plus royaliste que le roi. Lui-même a dit que les conditions dans lesquelles il a été élargi ne lui ont pas permis d’aller se recueillir devant son guide religieux et d’aller rencontrer les Sénégalais qui l’ont soutenu. Malgré tout, il a essayé d’appeler le maximum possible de gens qui l’ont soutenu. Il ne peut pas appeler tout le monde. Il travaille. Nous qui sommes ses proches collaborateurs savons qu’il est en train de travailler. Donc il se prépare en amont comme en aval sur son retour et sur son engagement politique pour assumer ses charges de candidat du PDS.

La Fédération nationale des cadres libéraux a récemment procédé à un réaménagement. Elle vous a même nommé à un poste que vous avez décliné. Peut-on savoir pourquoi ?

J’avoue que j’étais absent de Dakar au moment de ce réaménagement. Quand, à l’extérieur, on m’a interpellé sur la situation, j’ai saisi expressément Cheikh Tidiane Seck et Aziz Diop avec qui j’ai échangé. Ils m’ont confirmé qu’en réunion ils ont décidé de me confier un poste de conseiller. J’ai décliné aussitôt. Parce que mon niveau de responsabilité et mon engagement politique excluent qu’on me prenne dans un poste sans pour autant me consulter. C’est simplement un problème de principe d’autant que la FNCL est autonome administrativement et peut faire des réaménagements. Sauf qu’il y a un problème de fond que je n’ai pas soulevé. Il s’agit  de l’opportunité de la création d’un poste de secrétaire national chargé des cadres de la diaspora.

Nous ne sommes plus prêts, en tout cas moi en ce qui me concerne, d’accepter certaines décisions unilatérales. Tant que le Secrétaire général national, Me Abdoulaye Wade, me fait confiance en tant que Secrétaire national chargé de la diaspora, je ne cesserai jamais d’œuvrer pour le bien du parti, pour qu’il y ait plus de concertation en son sein. On m’interroge de partout mais comme c’est un problème interne du parti, nous discuterons et certainement, nous trouverons la meilleure solution. Parce que la FNCL fait un excellent travail. Ce sont des cadres qui travaillent et que j’appuie. Mes conseils ne leur feront jamais défaut. Maintenant, sur les principes, j’ai observé une rupture depuis un certain temps. A trop concéder pour l’intérêt du parti, on risque d’être écrasé parce que certains ne sont pas élégants dans le cadre du processus de prise de décision.

L’Assemblée nationale a récemment adopté une loi relative à la révision partielle des listes électorales. Mais des couacs sont souvent notés dans l’inscription des Sénégalais de la diaspora. Comment appréciez-vous cela ?

La diaspora vote dans plus de quarante pays. Cela nécessite des ressources budgétaires pour envoyer des missions à l’étranger et pour faire un agenda qui permet de mailler l’ensemble de ces pays. Et Dieu sait qu’il y en a de très grands pays comme la France, l’Italie et les Etats-Unis. Depuis 2011, il n’y a pas eu de révision. Donc il y a une obstruction pour éviter de faire voter la diaspora. Parce que simplement, ils savent que de par les sondages et l’absence de bilan, ils ne peuvent pas les faire voter. A l’époque, quand le président Abdoulaye Wade était là, il faisait un arbitrage.

Il convoquait les ministères concernés comme ceux des Finances, des Affaires étrangères, de l’Intérieur et moi-même, et donnait des directives pour inscrire un budget conséquent afin de faire ces révisions. Parce que ça coûte cher. Si on ne dote pas ces institutions d’un budget nécessaire, le taux de participation de la diaspora sera faible. Les Sénégalais  qui résident dans ces pays sont des acteurs qui ont un droit citoyen. Ils n’acceptent pas ce débat sur la double binationalité qui insulte leurs enfants, qui les insulte eux-mêmes et qui est d’une autre époque. La diaspora demande à Macky Sall de se ressaisir et de laisser de côté cette question de la binationalité.

L’affaire Aïda Ndiongue a connu un nouveau développement. Ses biens ont été finalement confisqués. Comment appréciez-vous cela ?

Aïda Ndiongue est une grande dame qui a fait le choix politique de rester avec un parti de l’opposition. Le régime pense que dès qu’elle jouit de ses biens, elle pourrait être tentée de financer le Parti démocratique sénégalais. Nous condamnons fermement cette affaire. Cette justice nous intrigue. Ce que nous proposons à présent face à ce régime, c’est que les gens mènent le combat. Parce que rien ne s’acquiert sur un plateau d’argent. Nous profitons de l’occasion pour inviter le Secrétaire général national, Me Abdoulaye Wade, à venir à Dakar ne serait-ce que pour trois ou quatre semaines, pour remettre un peu d’ordre sur certains dispositifs et sur certaines initiatives qui ne vont pas dans le sens de régler l’orientation du parti. Nous lui demandons de venir parce qu’il manque aux Sénégalais et le PDS a besoin de lui.    

PAR ASSANE MBAYE

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