Publié le 15 Oct 2013 - 13:25
POST-POINT par Momar Dieng

L'Assemblée victime d'une sous-traitance politiquement correcte

 

 

Dans cette institution où seuls les dysfonctionnements semblent fonctionner à merveille, la gouvernance ronronne de Moustapha Niasse, otage politique assumé de Macky Sall, n'arrange rien et accentue la défiance publique des Sénégalais à l'égard d'un machin qui peine à se normaliser.

 

 

La volonté d'un noyau important de députés de donner une autre image de l'Assemblée nationale du Sénégal à l'opinion publique existe aujourd'hui, dans cette 12e législature. Qu'ils soient du groupe majoritaire Benno Bokk Yaakaar, de Rewmi, du Parti démocratique sénégalais ou des non inscrits, cette ambition s'est matérialisée d'une manière concrète à travers les séminaires consacrés au toilettage souhaitable du règlement intérieur de l'Assemblée, le document par lequel les députés du Sénégal parviendront à enrayer le déclin de l'institution. Ce ne sera pas de la tarte, car l'Exécutif veille, lui aussi, sur ses biens mal acquis parlementaires que sont : influence, pression, menace, sanction à la prochaine législature, complots ou manœuvres visant à lever l'immunité, promesses de toutes natures...

Mais avec les péripéties ayant accompagné la réélection de Moustapha Niasse au perchoir de l'hémicycle, c'est comme qui dirait que nous avons retrouvé le vrai visage de notre Assemblée nationale. Le pire visage, disons ! Une preuve supplémentaire que nous tournons  essentiellement en rond sur nous-mêmes, sans perspective sérieuse de rupture d'avec un passé si jaloux de ses prérogatives.

 

«Démocratie brute et brutale»

La mise à l'écart de Thierno Bocoum dans la constitution du Bureau est une résultante politique immédiate de la sécession d'Idrissa Seck par rapport à la coalition Benno Bokk Yaakaar. C'est également et surtout une marque d'intolérance et de sectarisme qui ne fait pas honneur à ceux qui l'ont pensée et exécutée. Ce n'est pas ainsi que l'on corrigera l'image terriblement défaite du pouvoir législatif dans notre pays.

Le débauchage de la députée Mariama Diallo pour empêcher Rewmi de constituer un groupe parlementaire contredit tous les discours axés sur la nécessité de moderniser la vie politique au Sénégal. Des belles paroles lâchées dans les médias pour plaire, il aurait même dû résulter une démarche noble de faciliter à ces ex-alliés l'accès à cette autonomie au sein de l'hémicycle. Malheureusement, dans les faits, nous sommes dans une démocratie dépourvue de toute élégance et dont le principe de base renvoie à l'adversité brute et brutale. Et comme si cela ne suffisait point, les velléités d'«exclure» Mame Khary Mbacké et la «suspension» annoncée de Cheikh Diop Dione dont le tort est d'avoir évité à l'Assemblée une élection stalino-soviétique démontrent que les politiciens tirent rarement profit de leçons du passé, même le plus récent. N'est-ce pas Mbaye Ndiaye et Moustapha Cissé Lô !

Cependant, la plus mauvaise surprise dans cette Assemblée qui se voulait de rupture à l'amorce de la 12e législature, est venue de là où c'était proprement inattendu. De son Président. De Moustapha Niasse. Sa gouvernance est décriée par une frange si importante de députés qu'il aurait fallu en faire l'évaluation et en tirer les conséquences, celles-ci ne devant alors pas uniquement et forcément se résumer à un départ. Niasse aurait dû être le Patriarche respecté et crédible de la deuxième institution de la République. Il en est devenu le plus grand diviseur commun faute d'avoir été juste, accessible, tolérant et démocrate.

 

Le paraître et l'essentiel

Sa présidence est celle d'un homme qui en a fini des combats majeurs de la politique, ceux qui provoquent les alliances saines, rassemblent les forces démocratiques et tracent les sillons du progrès avant de s'en remettre au suffrage populaire. Visiblement, Niasse, son passé «glorieux» derrière lui, aspire à une retraite tranquille, les honneurs sur la tête et dans les bras. Quant à la réputation de l'Assemblée…

Au reste, dans le débat sur la gouvernance de l'Assemblée nationale, Moustapha Niasse a fondamentalement avoué son incapacité et son refus de moderniser l'institution lorsqu'il a choisi de «répondre» aux interpellations de Bocoum en requérant les services d'un directeur de la communication qui n'avait rien à faire sur ce terrain-là. La vérité partagée par l'écrasante majorité des députés est pourtant simple : dans cette assemblée dont l'expérimenté Niasse assure la sous-traitance politiquement correcte au profit de l'Exécutif, seuls les dysfonctionnements fonctionnent. Et au fond, c'est comme si on avait choisi de perpétuer les mauvaises pratiques au-dessus des incantations, de faire admirer le paraître (construction d'un hôtel des députés, par exemple) au détriment de l'essentiel (l'application par les députés eux-mêmes des prérogatives que leur confère le règlement intérieur). Cela exige du courage politique, pas la ritournelle du double discours qui finit par lasser...

 

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