Publié le 12 Feb 2019 - 19:51
PAROXYSME DE LA VIOLENCE ELECTORALE

3 morts enregistrés et plusieurs blessés dont des journalistes à Tamba

 

La campagne électorale pour la Présidentielle de 2019 a pris une tournure tragique. Après les nombreux morts et blessés dus à des accidents de la route, la violence a atteint son paroxysme, hier, avec trois décès enregistrés à Tambacounda, lors d’affrontements entre les membres du convoi du Pur et des militants de Benno Bokk Yaakaar. Des journalistes figurent parmi les blessés de la violence fortement dénoncée.

 

Alors que l’on n’a pas fini de déplorer le côté macabre de la campagne électorale marqué par de nombreux accidents de la route mortels, voilà que la violence atteint des sommets. Si, jusque-là, on assistait à de escarmouches entre convois de différents candidats de la Présidentielle du 24 février, hier, la violence a été sanglante et mortelle. C’est suite à des échauffourées entre des militants de Benno Bokk Yaakaar et le cortège du candidat El Hadj Issa Sall du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) à Tambacounda.

Une personne, notamment un jeune militant de Bby du nom d’Ibrahima Diop, y a laissé sa vie. Deux autres personnes ont également perdu la vie, en voulant tendre une embuscade au cortège de M. Sall. Il s’agit de Mathieu Touré renversé, alors qu’il était sur sa moto Jakarta et de Cheikh Ndiaye qui a été poignardé.

Les journalistes n’ont pas été épargnés par la barbarie et la furie des militants. Ces derniers ont caillassé leur véhicule. Par la suite, ils ont emporté divers objets (matériel de travail, habits) appartenant aux reporters, avant de mettre le feu au véhicule.

La violence est allée crescendo

Dimanche aussi, le sang a giclé, mais du côté de Pastef. Le candidat Ousmane Sonko et ses militants ont été attaqués à Mbour et à Fatick. Si, dans la première ville, le pire a été évité de justesse, dans la seconde, les affrontements ont fait deux blessés. C’est le domicile du responsable local de Pastef, Mamadou Lamine Bitèye, qui a été attaqué par de gros bras se réclamant du ministre des Sports et maire la ville Matar Bâ. Armés de gourdins, les nervis ont attaqué la maison où Sonko devait passer la nuit. Bilan : 2 blessés graves dont l'un s'en est tiré avec une fracture du pied et l'autre une plaie béante sur la tête.

Ce n’est pas la seule attaque dont a été victime Ousmane Sonko. Le dimanche 4 février, la caravane de la coalition départementale Sonko-Président, qui sillonnait les artères de la ville de Saint-Louis, a été victime ‘’d’une attaque de nervis munis d’armes blanches, supposés appartenir à la coalition Bby, à hauteur du quartier de Pikine. Cette agression a fait plusieurs blessés dont certains dans un état grave’’.

Au-delà de leurs personnes, ‘’les patriotes’’ ont vu certains de leurs sièges ciblés. Celui de Madina Wandifa, en Casamance, a été vandalisé par des nervis supposés proches du camp présidentiel, lors du passage de Macky Sall dans cette localité.   

La violence électorale a aussi surgi à Thiès, précisément à la cité Lamy, avant-hier soir. Il y a eu des affrontements entre les chargés de la sécurité d'une caravane de la coalition Bby et des membres d'une famille supposée proche de Rewmi.

C’est dire que les différents appels au calme lancés par des religieux, des acteurs politiques et de la société civile sont tombés dans l’oreille de sourds. Et le paroxysme a été atteint, lors de la journée de ce lundi qui a enregistré 3 morts.

Macky Sall pointe ses adversaires

Une tragédie qui a suscité un concert d’indignations. Le candidat de la coalition présidentielle a présenté ses condoléances aux familles des victimes, avant d’assurer que la ‘’lumière sera faite’’ sur cette affaire et les responsables répondront de leurs actes devant la justice. ‘’Force restera à la loi’’, a promis le chef de l’Etat, tout en martelant que ‘’la campagne électorale ne doit pas servir de prétexte pour que la violence s’installe dans ce pays’’. Le président sortant, Macky Sall, n’a pas hésité à pointer du doigt certains de ses adversaires. ‘’Ce drame est déjà le résultat de l’appel à la violence que certains candidats ont lancé dans leurs discours’’, déplore-t-il.

‘’C’est avec beaucoup de regrets que j’ai appris les violences qui se sont produites ce jour à Tambacounda et dans lesquelles deux jeunes (un troisième blessé a rendu l’âme dans l’après-midi) ont perdu la vie et d’autres blessés. Je présente mes sincères condoléances aux familles des victimes et prie pour un prompt rétablissement pour les blessés’’, a réagi le ministre de l’Intérieur sur sa page Facebook. Et de poursuivre : ‘’J’appelle également tous les acteurs à faire preuve de retenue et de calme. Naturellement, l’Etat met tout en œuvre pour assurer la sécurité des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire.’’ ‘’Je peux aussi vous assurer que les responsabilités seront situées et les coupables punis conformément à la loi’’, conclut Aly Ngouille Ndiaye.

Le Pur accuse le ministre de l’Intérieur

Lequel est accusé par le directoire de campagne du Pur de ‘’saboter le processus électoral en minimisant la sécurité des candidats de l'opposition’’. Dans un communiqué publié à la suite du drame, le Pur soutient que ‘’sa responsabilité est engagée dans ces événements malheureux, mais aussi à tout ce qui arrivera plus tard’’. En fait, accusent les partisans du Pr. Sall, ‘’depuis l'étape de Kolda, le candidat du Pur subit des sabotages qui entravent le déroulement normal de ses activités. Après avoir été empêché de continuer sa caravane à Kolda, avec l'arrivée de Macky Sall, cette tentative de provocation a continué depuis lors’’.

Poursuivant, ils ajoutent : ‘’C'est ainsi que ce matin du 11 février, nous avons subi des attaques de la part des militants de Bby à Tambacounda, occasionnant la mort d'une personne et de plusieurs blessés, et de la destruction de nos voitures.’’ Aussi, le Pur déplore-t-il les pertes en vies humaines et appelle la justice à faire son travail.

L’indignation des journalistes

La réaction de l’Association des éditeurs et professionnels de la presse (Appel) ne s’est pas fait attendre. Elle a tenu ‘’à condamner la violence sous toutes ses formes’’ et déclare qu’’elle ‘’ne peut cautionner ou rester inerte face à une telle violence contre des hommes de médias’’. Aussi, son président Ibrahima Lissa Faye demande-t-il ‘’une coordination de toutes les organisations faitières des médias pour une ou des actions fortes à mener pour condamner et marquer les esprits de tous les candidats engagés dans cette présidentielle du 24 février, pour que de tels actes ne se reproduisent plus jamais’’.

La réaction du président de la Convention des jeunes reporters du Sénégal (Cjrs) a été beaucoup plus catégorique. Pape Ndiaye appelle au boycott, si la sécurité des journalistes n’est pas assurée. ‘’On appelle tous les reporters qui sont sur le terrain pour la campagne et qui suivent les candidats, à boycotter la couverture jusqu’à ce que leur sécurité soit assurée. S’il n’y a pas de sécurité et que les matériels sont brûlés, comment peuvent-ils faire leur travail ?’’, s’indigne le journaliste. Qui ajoute sur un ton ferme : ‘’Ce n’est pas la peine de faire un travail au péril de sa vie. Qu’ils arrêtent la couverture médiatique de la campagne électorale.’’ Dans la foulée, il a invité les responsables des rédactions à rappeler leurs éléments sur le terrain, jusqu’à ce que leur sécurité soit assurée par l’Etat du Sénégal et les forces de l’ordre.

Etant entendu que le Pur a suspendu ses activités, les journalistes ont finalement décidé de rallier Dakar, à bord d’un bus de la gendarmerie nationale. Ce, après plusieurs heures passées dans un centre de santé pour des soins, pour les blessés légers.

FATOU SY

 

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