Publié le 27 Oct 2016 - 21:41
PASSAGE DU PREMIER MINISTRE A L’ASSEMBLEE NATIONALE

La classe politique étale ses préoccupations

 

En prélude au passage du Premier ministre à l’hémicycle, la classe politique étale ses attentes à travers un débat qui donne déjà un avant-goût de ce qui va se passer aujourd’hui.

 

C’est aujourd’hui dans l’après-midi que le Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne va faire face à la représentation nationale, dans le cadre des questions d’actualité posées au gouvernement. Ce grand oral se tient dans un contexte national assez particulier dominé par un débat sur la gestion des ressources pétrolières et gazières récemment découvertes au Sénégal.

‘’Mackyllage politique’’

Mais d’ores et déjà, les modalités de tenue de cette session ne font pas l’unanimité au sein de la classe politique. Selon le député Thierno Bocoum, chargé de la communication du Rewmi d’Idrissa Seck, qui qualifie déjà le débat de ‘’mackyllage’’ politique, ‘’ce ne sont pas tous les députés qui souhaitent poser des questions qui le feront’’. ‘’J'aimerais bien aborder certaines questions avec le Premier ministre mais je n'aurai pas la possibilité de le faire parce qu'une répartition préalable du temps de parole est déjà faite’’, s’est lamenté hier le parlementaire dans une déclaration.

A en croire le militant de Rewmi, ‘’les questions sont envoyées à l'avance’’. Par conséquent, ‘’le Premier ministre et les membres du gouvernement ne feront qu'une récitation d'un texte préparé et ceux qui liront les questions le jour J le feront juste pour la forme mais ils n'apprendront rien à leurs répondants’’. Pis encore, il soutient qu’‘’aucun député n'aura la possibilité de revenir à la charge s'il n'est pas satisfait des réponses’’. ‘’Ceux qui poseront des questions se contenteront d'écouter des réponses déjà préparées sans pouvoir rebondir. Et c'est cette mise en scène ubuesque que le président de la République et son gouvernement appellent pompeusement "dialogue au sein de l'hémicycle entre le gouvernement et le Parlement". C'est encore du Mackyllage et c'est important de le savoir’’, râle-t-il.

‘’Le dialogue, un exercice utile’’

Quoi qu’il en soit, la classe politique, majorité comme opposition, étale d’ores et déjà ses préoccupations. Selon le porte-parole de la Ligue démocratique (LD), Moussa Sarr, c’est toujours bon d’instaurer un dialogue entre le pouvoir et le peuple à travers l’Assemblée nationale. ‘’Je salue à nouveau cette décision du Premier ministre de se rendre à l'Assemblée nationale avec son gouvernement pour établir un dialogue avec les représentants du peuple sur les questions d'intérêt national. C'est un exercice utile en ce qu'il renforce la vitalité démocratique du pays’’, estime le camarade de Mamadou Ndoye ‘’Mendoza’’, leader de la LD. Dans le fond, appuie Samba Sy, Secrétaire général du Parti de l’indépendance et du travail (PIT), ‘’ce qui fait le charme de cette initiative, c’est que les représentants du peuple peuvent, chacun en ce qui le concerne, soulever les préoccupations d’une frange de notre population’’. Cela, souligne-t-il, même si les centres d’intérêt ne sont pas forcément les mêmes, ‘’que l’on soit de la ville ou de la campagne, élève, enseignant ou médecin, jeune à la recherche d’un emploi ou vieux travailleur’’.

Revenant à la charge, Moussa Sarr rappelle que dans une démocratie, l'Assemblée nationale est le lieu par excellence du dialogue et du débat démocratique. C'est pourquoi il estime que le gouvernement et les députés doivent saisir cette opportunité pour convaincre les plus sceptiques du niveau majeur de notre démocratie.

Le pétrole et les libertés individuelles au cœur du débat

Si la classe politique ne s’entend pas sur les modalités de tenue de ces échanges entre le PM et les députés, elle s’accorde néanmoins sur la nécessité de discuter des questions d’actualité. ‘’Le Premier ministre et son équipe doivent apporter des réponses précises aux questions des députés. De même, ces derniers doivent par la pertinence des interrogations qu'ils formulent démontrer qu'ils méritent leur fonction de représentation du peuple dont ils relaient et défendent les préoccupations. A l'heure actuelle, celles-ci ont pour nom la gestion des ressources naturelles, la campagne agricole, les libertés individuelles et collectives, la justice’’, soutient Moussa Sarr.

Allant plus loin, Ibra Diouf Niokhobaye, membre du Comité directeur du Parti démocratique sénégalais (PDS), estime que ce qui mérite le plus d’être discuté au sein de l’hémicycle, c’est l’immixtion du frère du président de la République, Aliou Sall, dans la gestion des ressources naturelles du pays. Selon lui, ‘’l’intervention de Frank Timis est une honte pour le peuple sénégalais et pour le gouvernement’’. ‘’Comment quelqu’un qui est vomi à travers le monde peut-il venir au Sénégal gérer nos ressources naturelles et dire qu’Aliou Sall est son employé alors qu’on a toujours dit qu’il n’avait rien à voir avec la gestion des ressources pétrolières et gazières. C’est un sujet qui est toujours là et nous pensons que de façon définitive, le PM va éclairer la lanterne des Sénégalais sur cette question’’, fulmine le responsable libéral. Mais pour Samba Sy, ce problème de gestion des ressources naturelles devrait plutôt être posé sous l’angle de savoir, ensemble en tant que nation, comment en faire le meilleur usage en étant inspiré des expériences des autres pays qui en ont.

 Sur un autre registre, Ibra Diouf Niokhobaye remet sur la table le processus électoral. A ce propos, il souligne que si on suit le rythme de production des cartes d’identité biométriques, il n’y aura pas d’élection en 2017. ‘’Le rythme est extrêmement lent. Il suffit de faire un tour dans les sous-préfectures où les commissions administratives en charge de ce travail sont logées pour savoir qu’il y a réellement un problème à ce niveau’’, alerte-t-il.

Dans la même veine, le militant d’Abdoulaye Wade évoque la question des libertés individuelles. Avec la récente répression de la marche de l’opposition, il pense que celles-ci sont aujourd’hui bafouées. ‘’Toutes les libertés sont consacrées par la constitution du pays mais malheureusement, vous avez vu ce qui s’est passé le 14 octobre dernier avec la marche de l’opposition. Ils se sont préparés pour balancer une tonne de grenades lacrymogènes sur des citoyens qui avaient le droit de manifester leur mécontentement. Je crois que ces questions de libertés feront partie de celles qui seront à l’ordre du jour’’, soutient le politique doublé d’un syndicaliste. D’ailleurs, à propos de l’année scolaire en cours, il attire l’attention du gouvernement sur le respect des accords signés avec les syndicats d’enseignants pour éviter toute perturbation.

Toutes ces questions, selon Moussa Sarr, quelle que soit leur âpreté, doivent être abordées avec sérénité et esprit de responsabilité, sans invectives ni caricatures. Pour lui, c'est seulement à ce prix que le gouvernement et les députés démontreront au peuple l'utilité de cet exercice sur les questions d'actualité. 

ASSANE MBAYE

Section: