Publié le 28 Jun 2015 - 16:23
PASSATION DE SERVICE A LA SENELEC

Pape Dieng vide son sac, Makhtar ouvre le sien

 

La cérémonie de passation de service a été hier une bonne occasion pour Pape Dieng de faire son bilan sur fond de règlement de comptes. L’ancien directeur de la Senelec a dit ce qu’il pense des employés et du traitement médiatique des coupures. Makhtar Cissé le rentrant dit être venu, non pas avec une solution en main, mais pour s’appuyer sur l’expertise existante.

 

Pape Dieng s’en va, Makhtar Cissé s’installe. Les deux directeurs se sont passé les commandes hier au siège de la Société nationale d’électricité (Senelec). Sous la supervision du Président du conseil d’administration, Abdourahmane Touré, les pouvoirs sont désormais passés aux mains du nouveau venu. Mais Pape Dieng le sortant a tenu à faire son propre bilan et livrer quelques sentiments avant de faire ses adieux. En termes de résultats, le désormais ex-directeur affirme avoir conduit l’entreprise d’un bilan certifié faisant état d’une perte de 55 milliards en 2010 à 3 milliards de bénéfice en 2015. Pourtant, en 2011, ajoute-t-il, les commissaires aux comptes avaient refusé de certifier les comptes de la Senelec sous le prétexte que l’exploitation pouvait s’arrêter à tout moment.

Pour ce qui est de la disponibilité du produit, Pape Dieng rappelle que la Senelec est aujourd’hui à 36 heures de coupures pour les cinq premiers mois de 2015 contre 928 heures en 2011. Une réelle performance à ses yeux, surtout que le Sénégal est deuxième derrière la Côte d’Ivoire dans le classement de Jeune Afrique. Alors que l’ex-Dg de la Senelec se dit ‘’fier’’ de son bilan, les consommateurs eux trouvent qu’ils sont toujours à la case départ. Ce que Pape Dieng met sous le compte du traitement spécial réservé aux coupures.

 Il a tenu à préciser que zéro coupure n’existe dans aucun pays du monde. ‘’Le 7 avril 2015, il y a eu un black out total à Washington à midi. La maison blanche était dans le noir, le département d’Etat, au moment où ils étaient en train de faire le briefing journalier. Le 30 mai, il y a eu un black out au Sénégal. Et le 14 juin à 18h, la Côte d’ivoire qui a une meilleure qualité de service a connu un black out. Jusqu’à présent, les électriciens n’ont pas encore résolu l’équation du black out. Dans les autres pays, quand il y a black out, c’est normal. Mais malheureusement, au Sénégal, une coupure d’électricité fait la Une des journaux et fait parler les hommes politiques’’, regrette-t-il.

S’agissant du bilan social, Pape Dieng s’en va les armes à la main. Il a réitéré sa position de ne pas céder ni devant les releveurs qui exigent leur recrutement encore moins devant les cadres qui exigent certains privilèges. A écouter M. Dieng, les problèmes sont dans l’Adn même de la société. ‘’La Senelec est une boîte remuante. Ce que je vis avec les syndicats, il n’y a pas un DG qui ne l’a pas vécu’’, se défend-il. A propos de son différend avec les syndicats, il révèle que les travailleurs demandent une augmentation de salaire de 15% en plus des 10% obtenus en début d’année. ‘’C’était difficile et je ne pouvais pas l’accepter.’’

Makhtar Cissé : ‘’Zéro coupure n’existe dans aucun pays au monde’’

A ce problème s’ajoute celui des chefs de service et de certains cadres qui voulaient que Senelec leur achète des véhicules. ‘’Quand on m’a dit d’acheter des véhicules pour l’ensemble des cadres, j’ai dit que je peux comprendre qu’un cadre qui vient d’arriver, Senelec l’aide à avoir un véhicule. Mais un cadre qui travaille,  Senelec lui prête de l’argent pour qu’il achète un véhicule’’. Pape Dieng précise que la Sonatel achète des véhicules uniquement pour les chefs de services et les directeurs. A la Senelec par contre, les 300 cadres veulent qu’on leur achète un véhicule tous les 5 ans. ‘’Même la Sonatel qui a un bénéfice de 200 milliards n’a pas les moyens d’acheter des véhicules pour l’ensemble de ses cadres. Moi, j’ai des convictions et je ne peux pas signer cela, même si ça doit me coûter la paix sociale.’’

Pape Dieng ayant réglé ses comptes, place à Mamadou Makhtar Cissé. Ce dernier précise d’emblée qu’il n’est pas venu changer la situation d’un coup de baguette magique. Au contraire, il est déjà conscient que sa réussite dépend de l’expertise des travailleurs. ‘’Il y a une chose qui est irremplaçable, c’est la connaissance que vous avez de l’outil et du métier. Je ne peux que m’appuyer sur votre expertise, votre engagement. Je suis arrivé donc à la Senelec avec l’esprit ouvert’’, a-t-il rassuré.

Le nouveau manager reconnaît que l’énergie pèse comme une hypothèque sur les ménages et les entreprises. Il est donc urgent de lever cette hypothèque. Car en définitive, admet-il, l’électricité n’est pas un privilège, mais une nécessité. Cependant, le tout nouveau directeur tient à avertir : ‘’Zéro coupure n’existe dans aucun pays au monde et le Sénégal ne fera pas exception.’’ Toutefois, il s’engage à améliorer la qualité de service. A propos de la situation sociale à l’interne, Makhtar Cissé promet d’être à l’écoute de tout le personnel. Il va ouvrir des négociations dans les meilleurs délais pour trouver des solutions aux problèmes. ‘’Si nous n’avons pas de cœurs apaisés à l’interne, nous ne pouvons pas éclairer le Sénégal’’, leur a-t-il lancé. 

BABACAR WILLANE

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