Publié le 17 Jun 2012 - 17:45
PAUVRETÉ, ACCÈS AUX SOINS, ASSAINISSEMENT...

Au pied des Mamelles, Ouakam liste ses maux

Ouakam, une commune de la ville de Dakar

 

Ouakam, une des dix-neuf communes d'arrondissement de la ville de Dakar, porte un chapelet de doléances que ses élus ont du mal à faire passer. Immersion dans un village lébou contraint de se moderniser.

 

Ouakam grouille de monde en cette matinée estivale de mardi. Des mères de famille reviennent du marché, tandis que de jeunes élèves, sacs bien collés au dos, se pavanent partout. A l’ombre d’un petit arbre au feuillage clairsemé, des jeunes flirtent avec l’oisiveté. L’évocation des élections législatives est un mot magique en ce qu’il permet de rassembler tous ces jeunes autour d’un essentiel vital : le devenir de leur localité. Ils sont tous là, ils veulent tous parler. Le sujet les intéresse car ici, les élections législatives sont très attendues.

 

Élève au lycée de Ouakam, Omar Ngalla Ndiaye se jette en premier. Lébou de souche à la noirceur qui brille au contact du soleil, le jeune élève se lâche : ‘’Ouakam attend beaucoup de la prochaine législature. Ce quartier est de plus en plus miné par des conflits fonciers et malheureusement ; ce sont les Jaraaf, chefs traditionnels censés réguler les tensions, qui se donnent en spectacle pour des histoires de terre’’. Des conflits qui installent le quartier dans une poudrière insidieuse aux conséquences ‘’désastreuses’’. Ngagne Diallo, footballeur à l’Union sportive de Ouakam, ne cache pas sa ‘’peur ‘’. ‘’Il ne reste plus qu’un seul terrain pour l’équipe de foot alors que la majeure partie des jeunes de Ouakam s’adonnent à ce sport’’, dit le joueur aux cheveux teinté jusqu’à la barbe. L’équipe de Ouakam, championne du Sénégal en titre, ne dispose pas de stade, contrainte de jouer ses matchs hors du village, regrette Ngagne. «A quoi sert-il de remporter des trophées si c’est encore pour vivre dans les difficultés ?», se demande-t-il.

 

 

«Accès aux soins et lutte contre la pauvreté»

 

En dehors du football et de ses sensations, Ngagne, comme l’écrasante majorité de ses coéquipiers, restent des membres actifs du chômage. Un fléau qui gangrène le tissu social de cet espace traditionnel. ‘’Il faut des députés engagés pour que Ouakam s’en sorte’’, estime Thianar Diop, habitant du quartier Mboul. Debout au milieu de la maison du chef de quartier, située en face de la mairie, l’homme regrette que l’unique député dont dispose Ouakam, Samba Bathily Diallo, n’ait «rien apporté à la localité.» C'est pourquoi on compte beaucoup sur des mandants capables de défendre la cause de la commune. ‘’Il faut que l’accès aux soins de santé soit facilité à tous et que la pauvreté soit combattue avec une réelle volonté politique’’, explique Mme Dieng, le panier perché sur la tête. La mère de famille qui revient du marché plaide pour des parlementaires conscients et capables de défendre la cause des ménages.

 

Des espoirs que relativisent cependant Pape Doudou Thiam. Ce conseiller municipal est d'avis, en effet, que les Ouakamois investis sont loin d'être en bonne position sur les différentes listes en compétition. Même si, corrige-t-il, un député est un représentant du peuple non rivé uniquement sur les préoccupations d'une localité particulière. ‘’Il serait insensé que 150 députés défendent 150 localités’’, lance-t-il.

 

 

Assainissement et urbanisation au point zéro

 

Les ruelles de Ouakam s’ouvrent et laissent paraître une ribambelle d’urgences. Le contraste est grand entre un labyrinthe parsemé de modestes maisons à la limite de la décrépitude et une grande rue sablonneuse qui débouche sur des villas insolemment belles. Le paradoxe n’est pas un vain mot dans ce village lébou situé en bord de mer et devenu, quelque part, une banlieue résidentielle de Dakar. Cela n'empêche pas que tout le monde s'accorde sur cette «calamité» qu'est le réseau d’assainissement local. Un réel problème entre la mairie et l’Office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS). Dans le quartier, existe déjà un réseau semi-collectif géré par l’Onas. Mais l'élu municipal Pape Doudou Thiam explique que la mairie a d’énormes difficultés par rapport à l’entretien de ce réseau. «Les gens viennent à nous alors que ce dossier n'est pas de son ressort.» Selon lui, si l’Onas cédait une part du programme d'assainissement aux élus locaux, ceux-ci prendraient leurs responsabilités, notamment contre tous ceux qui «construisent impunément» sans tenir compte du réseau d'assainissement existant.

 

La conséquence de cette chasse gardée du réseau se fait sentir dans plusieurs ruelles de Ouakam qui ploie sous le ruissellement des eaux issues de tuyaux défectueux. En plus de l’assainissement, se pose aussi l’urbanisation d'une localité aussi traditionnelle. Ouakam est un village traditionnel qu’il faut urbaniser, de l’avis du conseiller municipal. Et en gros, c'est une décentralisation redéfinie qui est attendue, celle qui donnera plus de moyens et de pouvoirs à la localité.

 

AMADOU NDIAYE

 

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