Publié le 19 May 2018 - 01:52
PEINES ALTERNATIVES A L’INCARCERATION ET AMENAGEMENT DES PEINES

Comment désengorger les prisons

 

Hier, s’est ouvert l’atelier de 2 jours de l’Observatoire national des lieux de privation de liberté (Onlpl). Il vise à inciter les magistrats à prononcer et à faire appliquer les décisions tendant au désengorgement des prisons. Ceci, en levant les blocages dans la mise en œuvre de ces dispositions.

 

La surpopulation carcérale continue de préoccuper les acteurs du système judiciaire. Avec 10 045 personnes détenues pour 4 224 places, à la date du 31 décembre 2017, le Sénégal a atteint un taux alarmant. Conséquence majeure : les pensionnaires des établissements pénitentiaires sont confrontés à des conditions de vie difficiles. En dépit des mesures juridiques prises par l’Etat pour désengorger les prisons, un certain nombre de facteurs empêchent une mise en œuvre efficiente, par les magistrats, de peines alternatives et de mesures d’aménagement des peines. Parmi eux, il y a la non-opérationnalité des procédures d’aménagement des peines et l’absence d’organes devant accompagner l’exécution des peines alternatives.

Soucieux du sort de ces détenus, l’Observatoire national des lieux de privation de liberté (Onlpl) a organisé un atelier de 2 jours relatif ‘’aux obstacles à la mise en œuvre des peines alternatives à l’incarcération et à l’aménagement des peines’’. Hier, lors de la cérémonie d’ouverture, la présidente de cette structure a indiqué que l’objectif de ce séminaire est de rechercher les voies et moyens de désengorger les lieux de détention. Selon elle, il apparaît que le moyen le plus efficace de résoudre la surpopulation carcérale serait de permettre à des détenus condamnés à de courtes peines, moins d’un an ou plus, de bénéficier d’aménagement de peine. ‘’Il suffirait de convaincre les magistrats du Siège et du Parquet d’utiliser les instruments juridiques pour réduire le recours à l’incarcération et pour rationaliser la justice pénale eu égard au respect des droits de l’Homme, aux exigences de la justice sociale et aux besoins de réinsertion des délinquants’’, a-t-elle expliqué.

 ‘’Il faut éviter autant que possible les incarcérations inopportunes’’

L’ancienne avocate a relevé que ceci entre dans la volonté de rendre opérationnelle la politique pénale, en recherchant plus d’efficacité dans le fonctionnement de la justice, de manière à ce que le respect fondamental des droits, particulièrement l’éradication de la torture, des mauvais traitements des personnes privées de liberté, devienne une réalité. La magistrate de profession de préciser que le recours aux alternatives à la peine devrait assurer également une meilleure prise en charge sociale dans le règlement des problèmes et des conflits qui aboutissent devant les tribunaux. En effet, note-t-elle, prononcer l’ajournement de la peine, après une condamnation pécuniaire assortie d’une contrainte par corps au maximum, constitue une réelle alternative qui permet à l’auteur d’une infraction de réparer la faute pénale. Cela lui permet également de pouvoir bénéficier ultérieurement d’une peine assortie de sursis voire une dispense de peine ou de semi-liberté.  

Toutefois, il faut un suivi. Parce que, fait remarquer Marceline Ndiaye Lopez, ‘’nous sommes dans un pays où les adresses des délinquants ne sont pas fixes’’. ‘’Souvent, ils déménagent et il y avait une époque où nous n’avions pas un casier judiciaire fiable, alors qu’il y a beaucoup d’homonymies. Les bulletins de naissance ne sont pas très justes. Ce qui fait que le juge a quelque peu du mal à prononcer ces peines, puisque n’étant pas sûr qu’elles puissent être exécutées convenablement’’, a-t-elle justifié. Tout en signalant que ‘’désengorger les prisons ne signifie pas être laxiste, mais démontre que la prison est davantage réservée aux délinquants qui menacent la sécurité publique’’.

‘’Il faut éviter autant que possible les incarcérations inopportunes, au égard à notre législation qui prévoit que la peine de prison doit être, en matière correctionnelle, un recours nécessaire’’, avance-t-elle. Mieux, elle a affirmé que la sur-occupation des cellules entraîne une perte d’intimité et constitue sans nul doute un traitement cruel, inhumain et dégradant. Et que les maisons d’arrêt et de correction du ressort de la Cour d’appel de Dakar connaissent un surpeuplement assez marqué se traduisant dans les cellules par une surface d’occupation très faible par détenu.

Demba Kandji : ‘’Nous ne condamnons jamais pour…’’

A ces remarques, le 1er Premier président de la Cour d’appel de Dakar a rétorqué : ‘’Nous ne condamnons jamais pour rejeter la personne. Quel que soit le degré de gravité de la faute de cette dernière, elle reste toujours reliée à la société. Le procès pénal, contrairement à ce que le commun des mortels peut croire, ne s’arrête pas avec le prononcé de la peine’’. Demba Kandji, et non moins président du comité de l’aménagement des peines de ladite juridiction, soutient que le magistrat est ‘’hautement’’ intéressé par l’exécution de la peine. ‘’Raison pour laquelle, après avoir délivré la sentence, il y a un autre juge appelé juge de l’application des peines qui se charge du suivi’’, a-t-il enseigné.  L’écueil est là.

Présidant la rencontre, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a apporté des assurances aux préoccupations de l’Onlpl. A l’en croire, les actions prioritaires de son département s’orientent ‘’raisonnablement vers l’organisation et le fonctionnement d’un dispositif performant d’aménagement des peines et des peines alternatives’’. Ismaïla Madior Fall s’est dit convaincu que l’enjeu est ‘’d’éviter les effets désocialisants de la prison, en offrant une chance aux condamnés qui présentent des gages sérieux de réadaptation’’.

AWA FAYE

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