Publié le 30 May 2019 - 15:16
PERCEE DU NUMERIQUE AU SENEGAL

Les acteurs auscultent les urgences de l’heure 

 

Problème de mutations au sein de l’Administration publique, manque de cohérence dans les initiatives de l’Etat, lenteurs dans l’attribution des marchés. Ce sont, entre autres, les maux qui ralentissent le décollage du numérique au Sénégal. Le constat a été fait hier, lors de la 12e édition des Mardis du numérique.

 

L’Etat est en train de faire des efforts pour permettre au Sénégal d’être à la pointe de l’évolution numérique. Cependant, le constat qui a été fait hier, lors de la 12e édition des Mardis du numérique, c’est qu’il y a encore des insuffisances dans la vitesse de progression. Ceci même dans le processus de digitalisation des services de l’Administration publique.

‘’On a un problème de stratégies pour faire des mutations dans l’Etat. A savoir comment réformer depuis le système de formation des compétences, attaquer la digitalisation de l’Administration. (…) Nous devons requestionner le système de production de savoirs et de compétences. A ce niveau, il faut que nous revisitions les modèles qui ont marché’’, souligne le directeur général du Bureau opérationnel de suivi du Plan Sénégal émergent (Bos).

En effet, Ibrahima Wade estime qu’avec le Pse, l’Etat a réussi deux paris d’autoroutes : celles routières et énergétiques, mais pas les autoroutes du numérique. ‘’En 2024, nous serons à 1 071 km d’autoroutes pour un pays qui, 10 ans avant, en était à 35 km. En 5 ans, nous avons fait beaucoup dans la production énergétique. Le défi, actuellement, c’est dans le transport et la distribution. Le premier élément qui va faire la transformation du Sénégal au cours de ces 5 prochaines années et au-delà, c’est les autoroutes du numérique. Et il nous faut aller très vite’’, dit-il. Avant de rappeler que les ambitions du gouvernement, c’est d’arriver à 9, voire 10 % de contribution du secteur numérique dans le produit intérieur brut (Pib) d’ici 2025.

Toutefois, le Dg du Bos affirme que dans ce processus, le secteur privé du numérique a une force de propositions. ‘’Est-ce que dans notre pays nous avons un privé à la pointe de propositions de solutions, de modèles qu’il impose à la société et à l’Etat ? Ceci dans les modes de consommation, d’achat, de vie. Tout cela est un potentiel marché. Nous ne devons pas raisonner par rapport à la commande publique. Nous sommes un pays qui avait un avantage comparatif révélé en matière de numérique. Aujourd’hui, nous sommes en phase de le perdre’’, renchérit M. Wade.

D’où l’urgence, pour lui, de ‘’requestionner’’ le système et ‘’redéfinir’’ la stratégie avec tous les organes et se dire ensemble à quelle vitesse ils veulent aller.

Pour sa part, le président de l’Organisation des professionnels des Tic (Optic) indique que pour réussir dans le digital, en matière de capital humain, il y a beaucoup de ‘’culture du numérique’’ qu’il faut apprendre aux enfants dès le bas âge. Mais également la culture d’entreprenariat. ‘’Le secteur privé a toujours été une force de propositions. Il n’est pas possible de mettre en œuvre des projets structurants sans le privé, surtout dans le numérique. Et le secteur privé ne peut pas le faire seul. La bonne méthodologie, c’est le partenariat entre le privé et l’Etat’’, fait savoir Antoine Ngom. Le président d’Optic pense qu’il faut un ministère de l’Economie numérique avec un ‘’budget fort’’, pour atteindre les objectifs que l’Etat s’est fixés dans le cadre du numérique.

‘’Ce n’est pas avec ce ministère qui évolue dans un secteur institutionnel qui n’est pas cohérent qu’on va atteindre une participation de 10 % au Pib. Il est nécessaire d’avoir des dispositifs d’appui cohérents, compétents et rationnels’’, renchérit le spécialiste des Tic.

‘’Le temps perdu dans le numérique ne se rattrape pas’’

Aujourd’hui, il faut, d’après le président de l’institut africain Performance, par ailleurs administrateur de Gaïndé2000, ‘’une nouvelle logique de gouvernance’’ dans tous les secteurs, dans tous les pays. Celle-ci doit être agile, capable d’investir sur quelque chose. Et par rapport à la contribution du numérique dans le Pib du Sénégal, Ibrahima Nour Eddine Diagne signale que c’est un défi un ‘’peu risqué’’. ‘’Le Sénégal va devenir un pays pétrolier. Si le Pib est accéléré, faire 10 %, ça va être un défi assez difficile. Il faut plutôt le mesurer en taux de progression et non en termes de proportion par rapport au produit intérieur brut. Soit on verrouille notre disposition de mise en place et, dans ce cas, on peut dire que dans 5 ans, tout est possible. Au cas contraire, ce serait quasiment impossible’’, prévient-t-il.

Sur ce, M. Diagne indique que ‘’le temps perdu dans le numérique ne se rattrape pas’’. Parce que les autres pays auront mis en place des stratégies qui portent. ‘’On peut faire mieux que ce nous avons, si nous partons du principe que les pays africains avec lesquels nous avons partagé le même départ, qui ont exactement les mêmes conditions économiques et sociales que nous, sont parvenus à une avancée plus significative que nous’’, dit l’initiateur des Mardis du numérique.

C’est donc, pour lui, le moment de se rendre compte qu’avec les atouts que le Sénégal a, il est possible d’accélérer la transformation digitale au bénéfice des citoyens. ‘’Le numérique est le seul accélérateur qui peut permettre d’amplifier la création d’emplois et de pérenniser une économie performante’’, relève-t-il.

Pour ce qui est du cadre juridique, selon lui, il est ‘’très important’’, au stade actuel, d’avoir une démarche agile qui s’adapte à toutes les situations en matière de réglementation et de régulation. ‘’A l’heure actuelle, les questions de société nous interpellent. Le secteur du digital est un secteur qui amplifie ces difficultés. Si une régulation adéquate n’est pas mise en place, nous pouvons exposer nos sociétés des dangers qui vont menacer nos populations, leur sécurité et tranquillité’’, souligne l’administrateur de Gaïndé2000.

MARIAMA DIEME

 

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