Publié le 10 Mar 2018 - 01:49
PIERRE NDIAYE, DG DE LA PLANIFICATION ET DES POLITIQUES ECONOMIQUES

‘’Le Sénégal est à un risque de surendettement faible’’

 

Du côté du gouvernement, on dédramatise. Tout semble marcher comme sur des roulettes, si l’on en croit les services du ministère des Finances. Pierre Ndiaye, directeur général de la Planification et des politiques Economiques, apporte ses précisions.

 

Pouvez-vous revenir sur l’intérêt de la dernière émission des Euro-bonds par l’Etat du Sénégal sur le marché financier international ?

Pour un Etat, les différentes sources de financements sont les impôts et les taxes, les dons et les emprunts. Dans le budget 2018, comme dans celui de 2017 et des autres années, il était prévu des emprunts pour le financement du budget de l’Etat. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’émission des Euro-bonds pour lever 2,2 milliards sur le marché financier international. Cela entre dans l’ordre normal des choses. Ce qu’il faut retenir, c’est que le Sénégal a réalisé, à cette occasion, une très grande prouesse, si l’on compare ces résultats à ceux d’autres pays comme le Nigeria, le Kenya, l’Egypte entre autres. Aussi, il faut savoir que notre option a toujours été d’aller vers des emprunts concessionnels et semi-concessionnels. Pour les premières, il s’agit d’emprunts qui ont un élément d’au moins 35%. C’est souvent le cas avec les institutions comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et la Banque islamique de développement. Ces types de dettes s’étalent sur une période longue et à des taux très bas.

Pourquoi alors recourir aux Euro-bonds ?

Les ressources issues des emprunts concessionnels ne permettent pas de couvrir tous nos besoins. Ce qu’on fait est donc de recourir à d’autres types de financements, à des taux d’intérêt assez bas pour le financement de certains projets qui sont rentables. Le gouvernement peut ainsi contracter des dettes auprès des autres bailleurs, ou auprès des marchés financiers régional et international. Ce qui est important, c’est qu’aujourd’hui, sur le plan international, le Sénégal jouit d’une excellente signature. Nous l’avons mis en avant pour trouver les ressources additionnelles nous permettant de couvrir l’ensemble de nos besoins à des taux acceptables. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’émission des Euro-bonds. Les montants levés dans ce marché ne peuvent être trouvés sur le marché régional. En plus, les taux sont nettement plus élevés sur le marché régional.

Pour un Etat qui veut une bonne gestion de sa dette, les Euro-bonds sont mieux indiqués. Et nous avons réalisé une très belle performance en levant 2,2 milliards de dollars à des taux de 4,75% et 6,75%. Il n’y a vraiment pas lieu de s’inquiéter. Le cadrage macroéconomique prend bien en compte ce type de financement. Et toutes les analyses que nous avons eu à faire conduisent à une dette soutenable. En fin 2017, le ratio était de 62,7% du PIB. La dette se situe autour de 5 800 milliards F CFA. Mais encore une fois, ce qui est important, c’est que 72% de cette dette est concessionnelle ou semi-concessionnelle. Par rapport à la destination de ces nouvelles ressources, je n’ai pas en tête les projets qui sont exactement concernés, mais tout est dans la loi de finance de 2018. En tout cas, je puis vous assurer que c’est pour des dépenses d’investissements. Il y a les dépenses dans les domaines de l’éducation et des infrastructures, notamment.

Récemment, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont exprimé leur inquiétude par rapport au niveau de la dette. Avec ce nouvel emprunt, la situation ne risque-t-elle pas de s’aggraver ?

Je ne pense pas du tout que ces institutions se sont inquiétées par rapport au niveau de la dette du Sénégal. Les aspects qu’elles ont soulevés sont très techniques. Dans l’ensemble, elles ont reconnu que le Sénégal a fait une très belle consolidation budgétaire. Le déficit budgétaire a fortement baissé. Il est passé de 6,7% du PIB en 2011 à 3,7% en 2017. Mais le hic que ces institutions ont soulevé, c’est que la dette a continué à augmenter au même moment. C’est ce qui les inquiète. Le gouvernement est en train de prendre toutes les mesures pour renverser cette tendance. Encore une fois, la dette du Sénégal est jugée soutenable, aussi bien par les services nationaux qu’internationaux. Je pense que la position de la représentante résidente du FMI est très claire. Elle a bien dit que le Sénégal a un risque de surendettement faible. Ces organisations sont dans leur rôle de nous accompagner à nous prémunir contre le surendettement. Mais pour le moment, nous sommes loin de cette hypothèse. Nous sommes donc totalement en phase avec le Fonds monétaire et la Banque mondiale. Le Sénégal est en train de respecter l’ensemble de ses engagements internationaux.

Une partie de ces ressources sera utilisée pour le rachat d’une partie de la dette. N’est-ce pas du ‘’suul bouki, sulli bouki’’ (usure) ?

Non pas du tout. Tout ça entre dans le cadre d’une gestion prudente de l’endettement. En 2011, nous avions contracté un Euro-bond de 500 milliards de F CFA, pour un taux autour de 8,75%. Cette dette arrive à terme en 2021. Ce qui pourrait entraîner des difficultés. Et comme le marché est favorable, on a levé des fonds, en vue de rembourser une partie de cette dette de 2011. Et tout a été planifié. Nous avions fait des études et avions retenu que si l’on arrive à éponger à hauteur de 151 milliards F CFA cette dette, les risques seraient amoindris.

C’est ce qui justifie cette option qui a permis de fructifier une dette qui nous a coûté 8,75%, et qui va ainsi nous revenir à 6,75%. On l’a également allongé à 30 ans. Ce n’est pas du tout du ‘’suul bouki sulli bouki’’ (usure). C’est juste un élément de stratégie. Encore une fois, la dette ce n’est pas de la magie. Il y a des indicateurs qui sont utilisés à travers le monde. Il y a un modèle mis en place, qui permet au Fmi de calculer la soutenabilité de la dette dans tous les pays. Et quand vous utilisez ce modèle, vous vous rendez compte que le Sénégal est à un risque de surendettement faible. La dette n’est pas une mauvaise chose. Ce qui est mauvais, c’est de s’endetter pour payer des salaires, des pensions…. Quand on s’endette pour des investissements qui vont, demain, créer des conditions favorables pour une meilleure croissance, c’est le type que tout le monde cherche.

Quel est le niveau de la dette globale et la part de la dette intérieure ?

On est à 62,7% du PIB. Quand vous le comparez avec certains pays, vous vous rendrez compte qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. En plus, nous sommes en deçà du ratio de 70% prévu par l’UEMOA. Pour ce qui est de la dette intérieure, elle n’est pas très élevée. Elle est autour de 13% de l’ensemble de la dette, soit 1 300 milliards F CFA. Les gens font beaucoup de confusion entre la dette intérieure et les instances de paiements. Les créances relatives à l’exécution de marchés et qui sont en instance d’être payées ne sont pas concernées, quand on parle de la dette.

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