Publié le 20 Sep 2016 - 13:07
PIERRE TSATSABI (REPRESENTANT DU PARTI DEMOCRATIQUE GABONAIS AU SENEGAL)

‘’ Le Gabon va bientôt tourner la page de cette crise électorale’’

 

Représentant du Parti démocratique Gabonais (PDG) au Sénégal, Pierre  Tsatsabi revient dans cet entretien avec EnQuête sur la crise électorale qui secoue son pays depuis quelques jours.

 

Le dernier scrutin au Gabon a engendré une série de violences. Le pays est fracturé, que faut-il faire aujourd’hui pour sortir de l’impasse ?

Cette  situation de crise qui prévaut au Gabon, nous interpelle tous. Je pense que pour surmonter cette dure épreuve,  il faut que tout le monde milite pour le respect du cadre réglementaire du processus électoral.

Le scrutin a été serré : 49,80% pour Ali Bongo contre 48,23 % pour Jean  Ping  qui a déposé un recours. Aujourd’hui l’Union Africaine a décidé d’envoyer des observateurs juristes pour assister la Cour constitutionnelle gabonaise dans l’examen de ce recours. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que nous tous, nous reconnaissons qu’il faudrait respecter le cadre réglementaire qui régisse les élections. Le président lui-même l’a dit, il ne peut pas sortir de ce cadre. Aujourd’hui, si M. Ping  a déposé un recours et que l’Union Africaine, afin de rendre plus crédible le travail des experts Gabonais, décide d’envoyer des observateurs pour assister la Cour constitutionnelle gabonaise, nous ne pouvons que nous en réjouir.

Ne pensez-vous qu’il s’agit dans ce cas d’une immixtion dans les affaires intérieures gabonaises ?

Certains pourront parler d’immixtion, mais nous pensons qu’il faut tout faire pour  rassurer toutes les parties. Lorsque la maison du voisin brûle, il ne faut pas croiser les doigts. Il faudrait bien apporter un secours ce qui est peut être régulier à notre point de vue.

Comment expliquez-vous la haine entre les deux camps pourtant issus de la même matrice  créée par Oumar Bongo ?

Nous n’avons pas d’explications à cela. Comme vous l’avez dit, tous sont issus de la même matrice du même père. Qu’est ce qui pourrait diviser deux frères    issus de la même famille ayant eu les mêmes conseils ? On aurait souhaité que ça se passe dans un cadre plus fraternel, plus juste qui permettrait aux uns et aux autres de voir d’abord le Gabon avant de voir les intérêts égoïstes.

Est-ce que cette situation ne s’explique pas, par le désir de changement des Gabonais qui veulent tourner la page  des Bongo.

Tous les Gabonais veulent aussi le changement. D’ailleurs, l’un des slogans de campagne du Président  c’est,   ‘’changeons ensemble’’. Il est évident que certains  veulent changer sans les autres, mais nous on dit ‘’changeons ensemble’’, parce que nous sommes tous héritiers d’un pouvoir politique. Maintenant s’il y a des choses à reformer nous devions le faire tous pour que nous puissions nous retrouver dans les changements. Donc, nous pensons que le désir du changement est habité par tous les Gabonais, mais pas dans le sens d’exclure les uns pour régner.

Votre parti, le PDG a été quasi absent de la campagne électorale. Qu’est ce qui explique une telle situation ?

 Je m’inscris en faux face à une telle affirmation. C’est le PDG qui a battu campagne ici au Sénégal en collaboration avec l'Adere, un parti allié et l'Association Renaissance. Pendant la campagne au Gabon j’ai vu la présence effective du secrétaire général du Parti Démocratique Gabonais et celle de tous les hiérarques. Le PDG a été partout présent car c’est ce parti  qui a présenté la candidature du président Ali Bongo.

Au sein de votre parti on parle de trahison, de détournement d’argent. Qu’en est-il exactement ?

Si on parle de trahison, c’est sûrement parce qu’il y a certaines personnes qui ont démissionné. C’est dans l’ordre normal d’un parti politique. Le mouvement des hommes, c’est le mouvement des organisations, il y a ceux qui partent et ceux qui reviennent. Par rapport au détournement d’argent, s'il y en a eu, nous pensons  qu’il faut d’abord vider le contentieux électoral. Et après le PDG ne manquera pas de faire le point.

 Quel commentaire faites-vous de la démission du ministre de la justice Séraphine Moundounga ?                                  

Je n’ai pas un commentaire particulier. Je pense qu’il a fait son choix et nous en tant que démocrates, nous respectons ce choix.

Il y aussi un débat sur l’origine d’Ali Bongo, quel a été, selon vous,  le poids du vote identitaire dans ce scrutin. ?

Je pense que le problème d’identité a ajouté plus de passion dans les élections.  Mais aujourd’hui, le PDG ne peut pas parler  de vote identitaire. Nous pensons que les Gabonais qui ont voté, se sont exprimés par rapport à un choix. Nous, notre candidat avait un projet de société, il avait un bilan à défendre. Il a présenté un projet de société et je pense qu’aujourd’hui les Gabonais qui l’ont choisi, l’ont fait en se basant sur son programme et non sur son identité. Ce qui n'était pas le cas pour l'autre camp.

Votre candidat Ali Bongo a été battu ici à Dakar, aujourd’hui comment les Gabonais qui vivent au Sénégal ressentent ce qui s’est passé ?

En tant que militant du PDG, on aurait souhaité que notre candidat gagnât ici dans notre fief. Mais nous respectons quand même ce score que nous avions réalisé et qui démontre que le Président a des militants ici, au Sénégal. Ce que nous déplorons par contre, c’est le comportement de certains jeunes qui pensent que le fait d’avoir gagné ici au Sénégal, leur procure le droit  de proférer des menaces contre certains Gabonais. Nous pensons que ce n’est pas fraternel, ce n’est pas légal. Nous souhaitons que les gens continuent à se  respecter. La communauté Gabonaise est essentiellement composée d’étudiants. Par conséquent il ne doit pas y avoir de l’animosité entre nous.

Vous lancez donc un message de paix à tous les Gabonais qui vivent au Sénégal ?

Nous souhaitions que les Gabonais qui vivent au Sénégal comprennent que cette élection présidentielle n’est pas une fin en soi. Il y aura un vainqueur. Et ce dernier sera le Président de tous les Gabonais sans exception. Nous devons continuer de vivre en harmonie ici au Sénégal, un pays tolérant, qui nous a toujours accordé son hospitalité.

Donc vous êtes optimiste quant à une issue heureuse de cette tension actuelle ?

Nous pensons que les Gabonais sont suffisamment mûrs. Ce qui s’est passé, relève plus du trop-plein de passion entretenue par les discours extrémistes de certains membres de l'opposition. Les jeunes ne doivent pas se laisser guider par ce genre de discours qui ne construisent pas une Nation unie et forte. Je pense que les Gabonais vont choisir la voix de la démocratie. En  respectant les décisions de nos institutions.

Comment voyez-vous l’avenir du Gabon après ce scrutin ?

Le Gabon restera toujours ce havre de paix. Je vois un pays où les Gabonais vont reprendre le chemin du travail. Nous allons nous remettre au plus vite au travail pour essayer de sortir notre pays des difficultés. Et  Dieu sait qu’il y en a beaucoup. Je suis convaincu que notre pays va bientôt tourner la page  de cette crise électorale. 

Par Ibrahima Khalil Wade

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