Publié le 28 May 2018 - 21:59
PLACE DE L’EUROPE A GOREE

Le collectif Africain dit non 

 

Ils sont nombreux à dire non à la place de l’Europe érigée à Gorée. Inauguré le 19 mai 2018, le collectif Africain mène le combat pour débaptiser cette place. Ses membres demandent aussi aux autorités sénégalaises de prendre toutes les mesures pour revoir la méthode de gestion de Gorée.

 

Africains, Afro-descendants, universitaires, acteurs culturels, membres de la société civile et citoyens se sont regroupés au sein du collectif Africain pour dire non à la place de l’Europe érigée à Gorée. Ils demandent que l’endroit soit débaptisé et affublé d’un autre nom qui ne heurte pas la mémoire de millions d’Africains et d’Afro-descendants. D’ailleurs, ils font mieux et proposent celui de la place de l’Humanité, puisque place de France est un particularisme qui piétine la mémoire. ‘’Pourquoi se retrancher derrière un semblant d’universalisme pour finalement proposer un particularisme ?’’, se demande le porte-parole Daouda Guèye.

Donner le nom de place de l’Europe à Gorée, lieu considéré par l’Unesco comme un ‘’centre historique du commerce triangulaire’’ dans lequel plusieurs pays d’Europe ont trempé, n’est pas dans l’ordre normal des choses. Une telle initiative ravive des souvenirs douloureux pour des millions de personnes.

L’inauguration a eu lieu le 19 mai 2018. Le projet est cofinancé par l’Etat du Sénégal, l’Union européenne et la municipalité de Gorée à hauteur de 150 millions de francs Cfa. La place a été aménagée depuis 2003.

‘’Gorée n’est pas n’importe quel endroit’’

Etant donné, déclare le porte-parole, qu’il est lié à des évènements traumatiques, il n’est pas un endroit comme un autre. ‘’Une place de l’Europe en plein Dakar n’aurait pas probablement choqué. Mais un lieu de mémoire comme Gorée, parce que témoignant d’évènements exceptionnels du passé, n’est pas n’importe quel endroit dans le monde’’, s’indigne-t-il. M. Guèye de souligner qu’il ne viendrait à l’esprit d’aucun Européen sensé l’idée d’ériger une ‘’place de l’Allemagne’’ en plein Auschwitz. ‘’Il peut bien y avoir une ‘rue de l’Allemagne’ ou une ‘place de l’Allemagne’ à Paris, mais jamais une ‘place de l’Allemagne’ dans des lieux de mémoire en France comme Dachau, le camp de Natzweiler-Struthof ou encore le camp de Drancy. Le souvenir de l’internement et de la déportation des juifs nous l’interdit’’, constate le porte-parole du collectif Non à la place de l’Europe.

‘’Gorée doit bénéficier d’une administration spéciale’’

Par ailleurs, Daouda Guèye soutient que Gorée est un lieu symbolique chargé d’histoire lié à des questions mémorielles. Il n’est plus question, dit-il, que la gestion de l’île soit entre les mains d’une municipalité. De ce fait, ils restent convaincus que Gorée doit bénéficier d’une administration spéciale qui pourrait tirer parti du regard d’historiens, de philosophes, voire de membres de la diaspora africaine aptes à préserver sa mémoire douloureuse.

Dans ce sens, des initiatives sont en vue, selon eux, qui permettront d’aller dans le sens d’opérer une synergie de toutes les dynamiques, notamment avec d’autres membres de la diaspora. Que déjà une soixantaine de personnes sont signataires d’une pétition pour dire non à cette place. L’on peut citer, parmi eux, Amadou Tidiane Wone, ancien ministre de la Culture du Sénégal ; Boubacar Boris Diop, écrivain Dakar, Sénégal ; Pape Samba Kane, journaliste ; Lucie Louze Donzenac, avocate, Guyane, France, entre autres.

AIDA DIENE

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