Publié le 10 Feb 2016 - 15:40
PLAIDOIRIE DES AVOCATS DES VICTIMES

"C’est la première fois qu’un Tribunal international a autant de preuves concrètes"

 

Les avocats des victimes présumées du régime de Hissein Habré ont terminé, hier, leur plaidoirie devant la Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires (CAE). Lors de cette seconde journée, les cinq avocats ont laissé entendre que l’ex-Président tchadien a fourni les preuves de sa propre culpabilité. Et que c’est la première fois qu’un Tribunal pénal international a autant de preuves palpables.

 

Suite et fin, hier, des plaidoiries des avocats des présumées victimes de la répression au Tchad, de 1992 à 1990, sous le règne de Hissein Habré. La veille, leurs confrères ont exposé les faits, tout en démontrant la responsabilité de Hissein Habré dans la répression. Hier, les cinq avocats se sont évertués à mettre en exergue ce qui leur semble être des preuves indiscutables. Selon eux, jamais un Tribunal pénal international n’a eu autant de preuves qui, de surcroît, émanent de l’accusé lui-même.

Plaidant le premier, Me Soulgan Lambi a démontré comment les ethnies Hadjaray et Zaghawas ont été réprimées sous Habré, alors qu’en 1982, ils lui avaient apporté leur ‘’soutien indéfectible’’ pour la conquête du pouvoir. Mais une fois installé à la tête du pays, Habré a considéré ses anciens alliés comme des ennemis. Les Hadjaray ont commencé par être réprimés en 1987, suite à une manifestation de ses membres qui soupçonnaient Hissein Habré d’avoir tué leur leader, le ministre des Affaires étrangères Idriss Miskine. Le coup d’Etat manqué d’Idriss Déby de 1989 a déclenché la répression des Zaghawas, ethnie à laquelle appartient l’actuel Chef d’Etat tchadien. Les deux répressions ont été marquées par des arrestations arbitraires effectuées sur la base de fiches de renseignements établis par une commission instaurée à cet effet. Selon l’avocat tchadien, tout a été planifié par Habré ‘’dont la responsabilité ne fait l’ombre d’aucun doute par rapport aux faits’’.

« Une première pour un tribunal pénal international »

 ‘’Depuis 2002, j'ai rarement vu un dossier où les ordres et la planification sont aussi clairs’’, a soutenu l’ancien Procureur pour le Tribunal spécial pour la Sierra Léone, Me Alain Werner. Poursuivant, il a lancé aux juges : ‘’Vous avez l’un des plus grands criminels de l’histoire récente du monde. Hissein Habré ne s’est pas contenté de donner des ordres, mais il a pris une part active dans les faits.’’ Ces faits ne sauraient se limiter aux crimes de guerre, de torture et crime contre l’humanité, de l’avis de son confrère belge Me Georges Henry Gautier. Ce dernier estime, à l’image de Me Fatimata Sall, qu’il y a bel et bien eu viol et esclavage sexuel. L’avocat a argué que ces deux infractions sont corroborées par des témoignages à l’instruction et à la barre.

Me Assane Dioma Ndiaye a embouché la même trompette. ‘’Les dames vous ont raconté ce qu’elles ont vécu. Comment voulez-vous que des militaires, jetés pendant plusieurs mois à la frontière sans voir leurs épouses, se comportent avec des prisonnières ?’’ s’est interrogé l’avocat. Outre le viol et l’esclavage sexuel, l’avocat sénégalais considère que les autres infractions sont établies car, tous les éléments constitutifs sont établis. S’agissant du crime contre l’humanité, la robe noire a soutenu que tous les éléments sont réunis, puisqu’il y a la déportation, la torture, le massacre, le viol, l’extermination…

Le crime de guerre est également établi, avec le massacre de 150 prisonniers de guerre. Le crime de torture est attesté, aux yeux de Me Ndiaye, par la prestation de serment à laquelle étaient soumis les ex-prisonniers de la DDS. ‘’S’ils n’avaient rien à craindre, pourquoi ce serment humiliant et dégradant ?’’ s’est interrogé Me Ndiaye. Autant d’arguments qui lui font dire que toutes les preuves de la culpabilité de l’ancien Président tchadien sont établies. ‘’Vous avez ce qu’aucun juge n’a eu dans l’histoire du procès pénal international. Vous avez les coudées franches, car du point de vue juridique, tout vous a été donné’’, a-t-il lancé aux juges. Poursuivant, il a ajouté : ‘’Vous avez toutes les preuves. A part les témoignages des victimes, vous avez les pièces à conviction qui viennent des documents de la DDS.’’

Au regard de tous ces éléments, Me Werner considère qu’il y a des circonstances aggravantes qui ne plaident pas en faveur de Hissein Habré. Pour Me William Boudon, l’ex-Président doit être remis à sa place, à savoir, ‘’dans la hiérarchie des plus grands criminels’’. Le procès se poursuit aujourd’hui avec le réquisitoire du parquet général.   

FATOU SY

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