Publié le 2 Oct 2015 - 00:24
PLAIDOYER POUR AVORTEMENT MEDICALISE AU SENEGAL

Le taux d’avortement est de 17 pour mille femmes

 

Les avortements, au Sénégal, se font souvent dans la clandestinité, mettant la vie des femmes en danger. Pour y mettre fin, la Task force a introduit un plaidoyer en faveur de l’avortement médicalisé. Elle a organisé hier un atelier de sensibilisation sur la question.

 

L’avortement constitue un grand problème au Sénégal. De nombreux avortements se font de manière clandestine. Les femmes sont souvent confrontées à d’énormes difficultés et certaines y perdent la vie. En 2012, il y a eu 51 500 avortements au Sénégal, selon une étude réalisée par l’Institut Guttmacher en 2013 et publiée en Avril 2015. En effet, le taux d’avortement au Sénégal est de 17% pour mille femmes en âge de reproduction, c’est-à-dire entre 15 et 49 ans. Ces révélations ont été faites hier au cours d’un atelier de formation et de sensibilisation sur toutes les dimensions de l’avortement médicalisé, organisé par la Task Force.

Selon Amadou Hassane Sylla, consultant et coordonnateur de l’étude, le taux d’avortement est largement plus élevé à Dakar (23,5 pour mille femmes) que dans le reste du pays (14,1 pour mille femmes). ‘’Les femmes pauvres sont confrontées aux plus grands risques d’avortement. Si nous avons 100 avortements, il n’y a que 45% qui ne se terminent pas par des complications. Les 55% ont des complications et parmi ce nombre, 42% ne sont pas traitées. Par ailleurs, nous avons constaté que plus on est pauvre, plus on a des problèmes pour se faire traiter. Celles qui habitent dans les zones rurales ont beaucoup plus de problèmes pour se faire traiter. Ce sont des aspects importants qui peuvent nous pousser sur ces aspects de prise en charge de manière globale’’, a soutenu M. Sylla.

L’avortement est la 5ème cause de décès maternel

Au-delà du nombre élevé d’avortements, l’enquête a révélé que l’infanticide constitue 19% des causes d’incarcération des femmes, l’avortement en constitue 3% et 13% des décès maternels. ‘’Il y a aussi les besoins non satisfaits en matière de planification familiale. L’étude a révélé que 31% des grossesses au Sénégal ne sont pas planifiées. Ce qui peut pousser à l’avortement. Il faut mettre à la disposition des femmes des services appropriés pour que ces complications soient correctement prises en charge. Ce, par l’application de l’avortement médicalisé’’, a dit Amadou Hassane Sylla.

La Task force est composée de 22 associations de la société civile, de juristes et de droits-de-l’hommistes. Elle mène des stratégies visant à informer les décideurs et le public sur la problématique de l’avortement à risque et parvenir à un changement social et, à terme, à la réforme de la loi sur l’avortement. ‘’Nous avons constaté qu’il y a beaucoup de dérives, des cas de viols, d’inceste, des grossesses non désirées. C’est pourquoi nous avons jugé nécessaire d’introduire un plaidoyer sur l’avortement médicalisé. Car, l’avortement, c’est la 5e cause de décès maternel’’, a dit Safiétou Dramé Dieng, membre de la Task Force.

‘’Le droit à la santé est bafoué’’

Sa collègue de l’association des juristes du Sénégal, Soukeyna Ndao, va plus loin. Selon elle, la  loi pénale sénégalaise considère l’avortement comme une infraction grave. ‘’Le code pénal dit que l’avortement est interdit, sauf si la vie de la mère est en danger et même si la vie de la mère est en danger, on ne peut pas procéder à l’avortement. Il faut que deux autres médecins dont l’un, expert auprès des tribunaux, atteste par écrit que la vie de la mère est en danger, avant qu’on puisse procéder à un avortement. C’est problématique parce qu’on ne fait même pas confiance à un médecin pour juger de l’état de santé d’une personne et de décider en toute liberté de ce qu’il faut mettre en place comme soins appropriés. En plus, les femmes qui sont en zone rurale n’ont pas accès aux médecins. Et  même si elles ont accès aux médecins, est-ce que toutes les femmes peuvent avoir accès à un médecin expert auprès des tribunaux. C’est pourquoi nous disons que le droit à la santé, tel qu’il a été reconnu aux femmes par le protocole de Mapouto que le Sénégal a signé et ratifié en 2005, est bafoué’’.

La dame souhaite que les femmes aient accès à l’interruption de grossesse dans des conditions médicales. C'est-à-dire ‘’dans des conditions correctes de santé, faite par des professionnels où leur santé physique ou mentale ne sera jamais mise en danger. Parce que si l’Etat a jugé utile de ratifier le protocole de Mapouto et de le publier dans le journal officiel, c’est parce qu’il estime que la santé des femmes est importante. Dans les structures sanitaires de ce pays, il y a des soins post-avortement qui sont mis en place, parce qu’on se rend compte qu’il y a des femmes qui avortent. L’Etat a mis en place des conditions pour l’avortement médicalisé, c’est ça la contradiction’’, selon elle.

A l’en croire, l’Etat a peut-être peur, parce que les gens pensent que la Task force veut autoriser l’avortement pour tous. ‘’Ce que nous voulons est que les femmes aient accès à la santé. Et avoir la santé, c’est avoir d’abord l’information, comment faire pour se prémunir des grossesses non désirées. Nous faisons un plaidoyer et on essaie de convaincre. On voudrait que l’Etat mette en cohérence ce qu’il a signé au niveau international avec notre législation. C'est-à-dire que l’article 305 du code pénal soit modifié pour permettre l’avortement médicalisé en cas de viol, d’inceste et quand la santé physique ou mentale de la femme est en danger’’, a dit Mme Ndao. 

VIVIANE DIATTA       

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