Publié le 30 Jun 2018 - 08:23
PLAN STRATEGIQUE QUINQUENNAL

Le port de Dakar veut faire sa mue

 

Infrastructure portuaire la moins compétitive au monde, le Port autonome de Dakar veut s’adapter à la modernité. Le directeur général, Aboubacar Sedikh Bèye, a annoncé, hier, lors d’un atelier, la mise en place d’un plan stratégique quinquennal afin d’améliorer les performances de la structure.

 

Devenir moteur de croissance du Plan Sénégal émergent (Pse) et satisfaire les clients du port. Ce sont les deux ambitions qui résument le nouveau plan stratégique élaboré par la Direction générale du Port autonome de Dakar (Pad). C’est ce qu’a fait savoir son directeur général Aboubacar Sedikh Bèye, hier, lors d’un atelier à ce propos. En effet, une étude réalisée par le cabinet Performances et présentée au public à cette occasion, indique qu’il y a beaucoup de goulots d’étranglement qui gangrènent les performances du Pad. Il s’agit d’un problème de congestion, de manque d’espace, d’absence de réserve foncière, d’un faible niveau d’investissement, d’une insuffisance de logistique par rapport à la demande, etc.

Cependant, le successeur de Cheikh Kanté a indiqué que son équipe va s’engager à relever ces défis, en prenant en compte tous les éléments. ‘’Un aspect très important dans l’élaboration d’un plan stratégique était souvent négligé. Il s’agit de la projection de l’environnement dans lequel notre organisation va renforcer ses activités durant la vie du programme. C’est un environnement de compétition extrêmement rude. Tous les pays de la sous-région ambitionnent de devenir un hub régional. Ils sont en train de mettre des investissements énormes pour y parvenir’’, a-t-il expliqué.

Ainsi, M. Bèye a ajouté que son équipe travaille aussi sur le nouveau port, celui de Ndayane. Ils sont en négociations ‘’très avancées’’ avec Dubaï Port Word (Dpw) et tous les autres partenaires intéressés par cette infrastructure qui devrait être le port de la Cedeao. ‘’Notre ambition n’est pas le marché captif du Sénégal. Les conteneurs du Sénégal n’iront pas à Conakry, ils seront là dans tous les cas. Notre challenge, c’est de capter le trafic qu’on peut avoir non seulement sur le Mali, mais sur le Burkina, la Côte d’Ivoire, le Nigeria’’, a-t-il relevé.

Le patron du port de Dakar révèle qu’il est prévu, avec leur ministre de l’Economie maritime, une rencontre pour élaborer un plan stratégique national. Pour lui, les ports du Sénégal doivent ‘’travailler ensemble’’ pour le marché captif et celui international.

Selon le directeur du cabinet Performances, Victor Ndiaye, le trafic et le chiffre d’affaires du Pad augmentent. Par contre, sa rentabilité a ‘’très fortement chuté’’ ces dernières années. Elle est de 3 %. ‘’C’est le taux le plus faible au monde. Il est indispensable qu’un certain nombre de mesures soient prises pour redresser et faire du Pad ce qu’il doit être : un port régional sain, fort, et au service de l’économie et des Sénégalais’’, a-t-il préconisé.

Dès lors, M. Ndiaye a estimé que les axes pour y parvenir, c’est d’arriver à faire du Pad un port ‘’extrêmement efficace’’ en matière de fluidité et du temps de passage des marchandises. ‘’Un port, c’est véritablement le temps que les marchandises et les bateaux font, de leur arrivée jusqu’à leur départ. L’objectif, c’est qu’il soit le plus rapide possible. Aujourd’hui, ce temps est de 9 à 10 jours. Le but est d’arriver à moins d’une heure. Il faut aussi être très fort dans le segment des conteneurs qui est le marché le plus important dans l’activité maritime de l’avenir’’, a recommandé le spécialiste. Pour M. Ndiaye, le port de Ndayane est la solution avec les infrastructures, un tirant d’eau de 18 m, un espace de 1 800 ha. ‘’Le Sénégal, là-dessus, a fait l’investissement stratégique qui prépare l’avenir. Mais d’ici son opérationnalisation, il faudra que le Pad améliore son service vis-à-vis des conteneurs, qu’il ait plus de place pour les camions et peut-être faire un port sec à Diamniadio’’, a-t-il poursuivi.

Le Dg du cabinet Performances affirme que le profil actuel du Pad montre qu’en efficacité opérationnelle, il est à 5/10. C’est aussi la même chose par rapport aux infrastructures. Pour les barèmes tarifaires, le port est à 3/10 et il faut au moins pour les bateaux 3,2 jours d’attente en rade, alors qu’à Lomé c’est moins d’une heure.

Faire siffler le train Dakar-Bamako

Pour la décongestion, M. Bèye, le Dg, a indiqué que le corridor Dakar - Bamako doit pouvoir se faire ‘’très rapidement’’. ‘’Le Pad est prêt, dans les 12 prochains mois, si on a le feu vert, à faire siffler le train. Le trafic du Mali représente 17 à 18 % du volume du trafic du port de Dakar. Il y a 5 ans, 75 % de ce trafic partaient par le train. Aujourd’hui, c’est 0 %. Les 100 % passent par la route’’, a-t-il soutenu. D’ailleurs, Aboubacar Sedikh Bèye a rappelé que le ministère des Transports terrestres dépense chaque année 55 milliards de francs Cfa pour l’entretien des routes. ‘’Ce train est un élément de compétitivité vital. Dans les 12 mois, si on ne fait pas siffler le train, le Pad pourrait perdre à jamais ses 70 % de trafic qu’il a sur le Mali. Le Mali a six ports. Il peut être desservi par Nouakchott, Lomé, Abidjan, San Pedro, Conakry et Dakar. Malgré les difficultés que nous traversons, je peux assurer que le port de Dakar a tous les atouts pour atteindre ses adjectifs’’, a-t-il assuré.

Le marché d’un port, selon le Dg du cabinet Performances, c’est tous les endroits où il est possible d’envoyer des marchandises. ‘’S’il est facile d’envoyer des marchandises à Bamako, le Pad sera forcément celui de l’économie malienne. Le corridor Dakar - Bamako sera beaucoup plus rapide, compétitif et moins coûteux. Et le Sénégal sera la porte d’entrée naturelle vers le Mali’’, a renchéri Victor Ndiaye. Pour ce dernier, au-delà de l’activité portuaire, il y aura tout un tas de ‘’gains induits’’ en termes de possibilités d’échanges avec le Mali, mais aussi avec le Niger, le Burkina et pour l’intégration régionale.

Le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan pense, pour sa part, que des investissements plus stratégiques dans les ports africains pourraient accélérer la croissance et le développement à travers leur contribution à l’intensification des échanges. ‘’Sur le chemin de fer, le président de la République a instruit, et de manière ferme, que ce projet soit engagé au plus vite. La Banque mondiale et l’Agence française de développement sont disposées à financer ce projet’’, a rassuré Amadou Ba.

Cependant, il souligne que l’impératif de compétitivité nationale demandera encore, avec l’intensification de la concurrence, que l’Etat et les différentes parties prenantes perçoivent le port comme un facilitateur des échanges extérieurs. ‘’En outre, l’avènement de la zone de libre-échange économique en Afrique, annonciateur d’un marché continental doté de ressources et d’une population de consommateurs, est une opportunité d’affaires’’, a-t-il ajouté. D’après Amadou Ba, les réalisations futures auront plus à prendre en considération les objectifs d’aménagement du territoire et celui du plan d’urbanisme de Dakar.

Le ministre a appelé, par ailleurs, les acteurs portuaires à travailler à un fonctionnement de l’outil 24 h/24 et 7 jours sur 7.  

MARIAMA DIEME

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