Publié le 3 Dec 2018 - 14:49
PLANTES EN VOIE DE DISPARITION

Les chercheurs sonnent l’alerte

 

La première Conférence internationale conjointe sur le potentiel de l’ethnopharmacologie et de la médecine traditionnelle s’est tenue à Dakar du 30 novembre au 2 décembre. Les plantes en voie de disparition, surtout au Sénégal, ont été au cœur des échanges entre les chercheurs du monde entier.

 

La conservation des pièces ou plantes médicinales a toujours été un problème, au Sénégal. Beaucoup de gens les utilisent sans connaitre leur mode d’exploitation. Ce qui explique que certaines plantes sont sur la liste rouge, c’est-à-dire en voie de disparition. L’alerte a été lancée, hier, au cours de la cérémonie officielle du Forum international sur l’ethnopharmacologie et la médecine traditionnelle. 

Selon l’enseignante-chercheur à la faculté de Médecine, Docteur Khady Badji Diatta, un sondage des marchés de Dakar a été fait pour voir les plantes utilisées par la population sénégalaise. Ensuite, ils ont essayé d’analyser la demande par rapport à l’offre de la nature. C’est-à-dire, dit-elle, regarder les espèces qui sont au niveau des étalages des marchés et voir ce qu’il y a dans les sites naturels.

‘’Ce sondage nous a permis de connaitre les espèces les plus vulnérables qu’on ne retrouve plus dans certains sites naturels. On a voulu sensibiliser la population sur l’utilisation des plantes médicinales. Parce que, la plupart du temps, ils utilisent les racines des plantes qui ne sont pas remplacées. Ce qui fait qu’il y a des espèces qui disparaissent. On fait des essais de germination pour la conservation de ces espèces’’, explique le Dr Diatta. A l’en croire, l’exemple le plus patent est celui du ‘’fagara’’, une plante utilisée dans la lutte contre la drépanocytose.

Elle ne se retrouve plus dans certaines zones du pays. Puisque, souligne-t-elle, la plupart du temps, ce sont ses racines qui sont utilisées. Sans les remplacer, elles disparaissent. ‘’On a introduit ce ‘fagara’ dans le jardin d’expérimentation de plantes de la faculté de Médecine, pour des essais de germination. Actuellement, cette plante a produit des semences et nous avons fait des échanges de graines dans tous les jardins botaniques au Sénégal. Dans les sites, nous avons fait l’inventaire floristique. Nous avons constaté qu’il y a certaines espèces au Sénégal qui sont sur la liste rouge, c’est-à-dire en voie de disparition. Si on n’y prend pas garde, on risque de perdre certaines espèces’’, prévient le Dr Diatta.

Selon l’enseignante-chercheur, il faut des mesures d’accompagnement, c’est-à-dire sensibiliser les populations, faire des tests de germination, distribuer les graines pour pérenniser la multiplication de ces plantes.

En outre, elle a évoqué le cas du miel produit dans le pays, mais qui n’est pas exploité. ‘’Le miel que la population connait a souvent des débris, des résidus de cire ou d’abeille, alors que cela ne permet pas de qualifier un miel pur.  Il y a des normes établies par le Codex Alimentarius, qui donne les éléments de pureté d’un miel. Au Sénégal, on produit beaucoup de miel, mais, malheureusement, l’exportation pose problème, l’extraction également’’, regrette-t-elle. A son avis, les types de miel sont produits en fonction des fleurs qui sont butinées par les abeilles. ‘’Le miel est un produit sacré. On l’utilise pour la guérison des plaies et des brûlures. C’est très rapide. Même pour les maux de gorge, il suffit de mettre avec du citron. En plus de cela, on peut l’utiliser en cosmétique pour la peau, pour les cheveux en bain’’, renseigne-t-elle.

Le professeur à la faculté de Médecine, Emmanuel Bassène, souligne que cette conférence permet aux différents chercheurs et experts d’exploiter l’aspect moderne de la médecine traditionnelle. Ce, en alliant la médecine traditionnelle et ce qu’on peut tirer des plantes pour faire une notion moderne. Ils veulent faire de telle sorte cela puisse être incorporé dans l’alimentation courante et pallier les carences dues à une consommation de produits industriels conservés pendant longtemps. ‘’C’est très important, puisque nous sommes de plus en plus urbanisés.

Il faudra apporter dans notre alimentation plus de vitamines. Nos plantes peuvent être présentées dans nos produits consommés couramment, sans que nous ayons à aller les chercher dans la brousse’’, explique-t-il. Avant d’annoncer la mise sur pied d’une firme espagnole qui va aider le pays à exploiter ses plantes. ‘’Nous espérons que le gouvernement va mettre les moyens pour accompagner ce processus. Parce qu’aujourd’hui l’aliment industriel pose problème. Nous devons prendre les devants. La première plante qui va faire beaucoup de bruit, c’est le ‘nebeday’ que l’on mange ici, mais qu’on cuit trop, pendant des heures.  Les écorces de plantes, les fruits, le ‘soump’ (datte sauvage) le kenkeliba, le ‘bouye’ (pain de singe) sont des plantes qui ont un cocktail de vitamines qu’il faut consommer’’.

VIVIANE DIATTA

 

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