Publié le 22 Aug 2014 - 02:22
PLUIE DE NULLITES

La défense démonte toute la procédure

 

La procédure ayant conduit Karim Wade et ses présumés complices en prison pour enrichissement illicite est truffée de violations de la loi, de l’enquête préliminaire en passant par l’instruction jusqu’au renvoi en juridiction de jugement. C’est la conviction des avocats de la défense qui ont soulevé hier plusieurs exceptions de nullités.

 

Pendant toute la journée d’hier, les avocats de la défense se sont mis soulever des griefs contre la procédure qui, aux yeux de Me Demba Ciré Bathily, ‘’a commencé par l’illégalité’’. Pour lui, ‘’tout est nullité depuis l’enquête préliminaire jusqu’à l’instruction’’, car selon Me Jessica Finel, ‘’il y a une violation manifeste des droits de la défense’’.

Pour l’enquête préliminaire, Mes Bathily et Souleymane Ndéné Ndiaye estiment qu’elle est ‘’nulle, vu que les enquêteurs n’étaient pas habilités et que les dispositions de l’article 5 sur la CREI n’ont pas été respectées’’. ‘’Or, déplorent les avocats, l’enquête a été menée par la Section de recherches, avec une ‘’trop grande implication du parquet spécial’’. De l’avis de Me Bathily, celui-ci s’est arrogé ‘’trop de prérogatives’’. ‘’Sans en avoir l’air, l’interdiction de sortie du territoire est une assignation à résidence et aucun texte de loi ne le permet’’, affirme Me Bathily.

L’avocat considère l’instruction ‘’pire’’ car, selon lui, les droits de la défense ont été violés, avec le refus du recours effectif au moment où le parquet spécial en avait la pleine latitude. Bien que contenu sur 87 pages, l’arrêt de renvoi n’a pas échappé aux griefs de la défense. ‘’Je n’ai jamais vu un arrêt de renvoi avec autant d’imprécisions et qui utilise plus le conditionnel’’, a martelé Me Baboucar Cissé. Mes Papa Leyti Ndiaye, Michel Bessel Bass et Borso Pouye ont abondé dans le même sens pour dire que le document ne précise pas les actes de complicité reprochés aux coïnculpés de Karim Wade. ‘’Quand on accuse quelqu’un de complicité d’enrichissement illicite, on doit lui indiquer son patrimoine’’, a fulminé Me Moustapha Ndoye, conseil de Pape Mamadou Pouye. Parlant de son client, il a déclaré : ‘’c’est une personne privée qui n’a de compte à rendre qu’à l’administration fiscale’’.

L’expert Abdoulaye Sylla au banc des accusés

La défense s’est aussi attaquée aux mesures administratives prises par la CREI durant l’information. Selon les arguments développés par Me Baboucar Cissé, il y a un détournement de procédure, parce que les tâches assignées à certains experts désignés comme administrateur provisoire étaient illégales. Me Cissé a également indiqué que le placement provisoire d’une société n’est pas prévu par la loi. Au regard de ces violations, il a demandé l’annulation de la désignation d’administrateur provisoire, le placement sous séquestre des appartements de Bibo Bourgi et Karim Wade.

Sa consœur Me Corinne Dreyfus Schmidt a embouché la même trompette pour démonter l’expert Abdoulaye Sylla et sa société AdValue Finance, administrateur provisoire de AHS. De l’avis de l’avocate, la CREI a taillé à M. Sylla ‘’une espèce de costume exorbitant avec un pouvoir exceptionnel, même d’investigation’’. ‘’Déchirant’’ le rapport présenté par l’administrateur, Me Dreyfus a estimé que celui-ci a fait son travail ‘’avec des calculs fantaisistes basés sur des coupures de presse’’.

Abdoulaye Sylla d’AdValue Finance, titulaire uniquement du Bac

La robe noire a émis des doutes quant à l’inexpérience de la société AdValue Finance. ‘’Elle a été créée sept mois avant que ne débute l’enquête à la gendarmerie en novembre 2012. Et appartient à une société Offshore dont l’actionnaire unique est Iveria Investissements Holdings, créée le 12 juillet 2012, basée aux Iles vierges britanniques et administrée par un avocat de Monaco’’, a renseigné Me Dreyfus, avant d’asséner à l’endroit de la Cour : ‘’vous pensez que si la commission savait tout ça, elle allait commettre Abdoulaye Sylla ?’’.

Sur sa lancée, l’avocate a dévoilé le CV de l’administrateur qui se résume en un BAC obtenu en 92. Bac et un diplôme dont la spécialisation n’a pas été spécifiée, obtenu la même année et un recrutement en 97 à l’ONG Médecins sans frontière comme chargé de la logistique. ‘’On aurait pu expliquer toutes ces incongruités devant la CREI, mais la loi ne nous le permet pas’’, a regretté la Présidente de l’association des avocats pénalistes de Paris.

La défense a jugé irrecevable la constitution de partie civile de l’Etat du Sénégal. 

FATOU SY

 

 

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