Publié le 27 Oct 2013 - 18:27
PM,

 calculs et intrigues autour d’une fonction

 

Le dernier remaniement repose l’équation du profil d’un Premier ministre et la question de savoir pourquoi certains hommes politiques n’ont pas voulu de cette éminente fonction quand le moment propice fut venu pour eux de l’occuper. La tentation a dû être longue et lancinante pour Ousmane Tanor Dieng, de l’amorce de la refondation du Parti socialiste (PS) où l’opinion lui prêtait une ascendance implacable sur le président Abdou Diouf, soit même jusqu’à la perte du pouvoir. Pourquoi cette tiédeur envers ce titre prestigieux dont tout le pouvoir était contenu dans ce ministère taillé à sa mesure ''des Services et Affaires présidentiels'' avec suppléance du Premier ministre en titre ? Pour Ousmane Tanor Dieng, l’occasion n’eut pas qu’une seule mèche de cheveux : ''rallié'' électoral à Macky Sall au 2ème tour de l’élection présidentielle, son score du premier tour pouvait lui conférer ce poste dans la strate de pouvoir au constat que la perspective d’être président était devenue plus hasardeuse que jamais.

Une troïka Macky Sall, Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng, chefs respectifs de l’exécutif, du législatif et du gouvernement aurait mieux consolidé et galvanisé leur alliance que cet accord boiteux qui semble isoler les socialistes et conduire l’entente gouvernementale à une dislocation programmée. L’histoire dira peut-être un jour si c’est le renoncement répété d’un homme politique qui aura autant pesé sur le destin du pays par la perte de l’hégémonie socialiste en 2000 puis par le renouveau libéral en 2012. Le doute subsiste car le refus d’être Premier ministre n’est jamais aussi franc dès lors que la proposition peut-être biaisée, le sort du Premier ministre du premier gouvernement du Sénégal, Mamadou Dia, pesant sur les consciences. Celui moins tragique du probable pressenti au poste, Doudou Thiam, nommé le 9 décembre 1963 ministre d’Etat chargé des Affaires étrangères mais surtout chargé de la suppléance du président de la République est tout aussi révélateur.

 

Cheikh Fall la refusa

Plusieurs fois reconduit dans le gouvernement et y assumant la suppléance du président de la République jusqu’en mars 1968, il fut nommé président du Conseil économique et social par le président Senghor qui voulait, selon certaines indiscrétions, l’éprouver avant de le consacrer. En tout cas, un certain Abdou Diouf migrait au même moment de la fonction de secrétaire général  de la présidence de la République à celle de ministre du Plan et de l’industrie. Déçu donc, Me Doudou Thiam saisit l’occasion de la séance d’ouverture de son institution pour commettre un discours dans lequel il dissuadait le président de la République de la mettre sous l’éteignoir. Le Bureau politique de l’Union progressiste sénégalaise (UPS) lui infligea un blâme et invita son secrétaire général à en tirer conséquence. Le barreau des avocats eut bientôt un nouveau bâtonnier alors que la prestigieuse carrière politique de Me Doudou Thiam prenait fin malgré un coup d’État avorté du colonel Faustin Pereira qui voulut l’imposer au poste de Premier ministre.

Entre-temps, l’idée avait traversé l’esprit du président Senghor de nommer Cheikh Fall, licencié es-sciences et ingénieur diplômé de l’École supérieure d’Électricité de Paris, Premier ministre non pas tant par nécessité que pour neutraliser l’un des intellectuels qui, avec Abdoulaye Ly et Amadou Makhtar Mbow, adhérèrent au Bloc démocratique sénégalais (BDS) de Senghor. Celui-là jouissait d’un solide appui en milieu mouride, d’une notoriété internationale et d’une confortable assise financière. Le contexte était trouble à deux coudées des élections présidentielles et législatives et la répression de l’opposition de gauche isolait le pouvoir. Senghor entendait ainsi conclure sa réunification avec son ancienne scission de gauche, le Parti du regroupement africain (PRA) dont Cheikh Fall était membre. La réponse négative du Directeur Général d’Air Afrique fut diversement commentée, la version de l’opposition étant qu’il refusait de s’embarquer dans un bateau qui coulait.

Abdou Diouf la supprima

Au sortir de la crise de mai 1968, Magatte Lo suggère au président de créer le poste de Premier ministre, son présidentialisme fort le désignant comme l’unique responsable de tous les maux et la cible de toutes les oppositions. Sous le rapport de cette analyse, le poste à créer serait d’autant plus ingrat que le président resterait le chef suprême de l’exécutif. L’idée fera son chemin. Le choix de ses anciens compagnons écarté, la belle se joua entre Abdou Diouf et Babacar Ba au cours d’un dîner entre les deux pressentis et le couple présidentiel entouré de la belle famille, Jean Collin et Abdoulaye Jacques. Il se raconte qu’en un moment où la balance ne penchait pas encore pour Abdou Diouf, Jean Collin demanda ''Et pourquoi pas moi ?'', sans qu’il soit établi que ce ne fût qu’une boutade, l’homme en avait le profil. Son rôle influent ultérieur dans la présidence de Diouf surclassa celui d’un Premier ministre et inspira peut-être la posture d’Ousmane Tanor Dieng.

Habib Thiam PM 29 avril 1991 – 3 juillet 1998

En accédant à la Primature, Abdou Diouf reçut le Professeur Abdoulaye Ly pour lui proposer le portefeuille de ministre d’Etat, chargé de la Culture et de la coordination de la Recherche Scientifique que celui-ci déclina. Ce refus fut interprété par l’opinion comme un signe de déception et la répartie qu’il servit à Senghor qui voulait le ramener à la raison le soir de la nomination de Diouf conforte cette hypothèse : ''Si entre tes 65 ans et les 35 d’Abdou Diouf, il n’y a rien au Sénégal, c’est triste pour notre pays.'' Sa démission successive du parti au pouvoir avec un groupe de ses partisans puis de son mandat de député marque son effacement progressif de la scène politique sénégalaise dont il fut, depuis la lutte pour l’indépendance, l’une des figures les plus marquantes. La longévité d’Abdou Diouf au poste de Premier ministre réhabilitera cette fonction à risque au point que devenu président, il y nommera son meilleur ami Habib Thiam alors que son dessein était de la supprimer.

Souleymane Ndene Ndiaye PM 30 Avril 2009 – 5 Avril 2012

Moustapha Niasse sera, ''nolens, volens'' commis à cette tâche. Il sera nommé Premier ministre pour trois mois alors que la réforme constitutionnelle qui supprimait la fonction était en cours. Les compétences du Premier ministre seront confinées désormais dans le Secrétariat de la présidence de la République. Est-ce à ce subterfuge politique qu’Abdou Diouf doit son long règne de 20 ans ? Son successeur aura reçu le premier camouflet public d’une démission de Premier ministre, en la circonstance Moustapha Niasse qui cette fois-ci encore n’en voulait plus. Me Abdoulaye Wade aura perdu là son Premier ministre idéal, second du ticket présidentiel qui chassa Diouf, pressenti pour être son successeur quand il ne pourra plus. Il paraît que la réponse déclinée en ouolof fut sans appel. Pour cela, l’attelage gouvernemental prometteur se disloqua et en dix ans défilèrent cinq ministres dont l’avant-dernier, Macky Sall, fut son tombeur et le dernier, Souleymane Ndéné Ndiaye, son équation non résolue. Macky semble devoir lui disputer ce record pour avoir fait une erreur de casting du genre si ce n’est pas Cheikh Tidiane Mbaye, un capitaine d’industrie triomphant, ce sera son frère, le terne banquier. Et puis vint Mimi comme Zorro…

Magum Kër

    
 

Section: