Publié le 20 Apr 2018 - 17:44
POIGNANTE DECLARATION DE L’ACCUSE MOR MBAYE DEME

‘’Si, je n’étais pas descendu de mon appartement, je ne serais pas là’’

 

Attrait devant la chambre criminelle spéciale du Tribunal de grande instance de Dakar, dans le cadre de l’affaire dite Imam Ndao, Mor Mbaye Dème est convaincu qu’il ne serait pas mêlé à cette affaire de terrorisme, s’il n’était pas descendu de son palier pour s’enquérir de l’arrestation de son co-accusé Mohamed Ndiaye.

 

Ouvrant les auditions, le mardi 10 avril dernier, Mouhamed Ndiaye alias Abu Youssef a d’emblée cherché à disculper son voisin, Mor Mbaye Dème, avant même de se défendre. ‘’J’ai été arrêté en Mauritanie avec Mor Mbaye Dème, mais je précise qu’il a été appréhendé à tort, car bien que nous soyons voisins, il ignore tout de mes activités et fréquentations’’, avait-il déclaré à la barre de la chambre criminelle spéciale du tribunal de grande instance de Dakar. Il avait ajouté que le délit de son voisin avait été de descendre pour s’enquérir de son état, lorsque les policiers sont venus le cueillir.

‘’Si je n’étais pas descendu, je ne serais pas là. Même le policier me l’a reproché’’, a soutenu hier le menuisier coffreur, devant une assistance prise de compassion pour lui. Agé de 34 ans et marié, l’accusé s’était installé en Mauritanie depuis 2006. En 2009, il a déménagé dans une autre cité, sur conseil d’un ami du nom de Mouhamed Ndoye. En 2012, il a été rejoint par Mouhamed Ndiaye qui partageait avec lui le même immeuble. Ainsi, en tant que voisin et compatriote, lorsqu’il a entendu du bruit au rez-de-chaussée, il est descendu.

‘’J’ai demandé aux policiers pourquoi ils l’arrêtaient, ils m’ont embarqué en m’accusant d’être son frère’’, s’est défendu le natif de Thiaroye sur Mer qui souligne qu’il n’avait aucun lien avec son ex-voisin. ‘’Nous ne nous fréquentions pas et je n’avais pas son numéro, mais lui, avait réussi à obtenir le mien auprès de mes collègues ouvriers. Il m’appelait pour me demander de ne pas fermer la porte de la maison lorsqu’il rentrait tard’’, a indiqué l’accusé qui dit avoir trouvé dans le véhicule de la police sept autres Sénégalais que sont ses co-accusés Moustapha Mbaye, Lamine Coulibaly, Moussa Mbaye, Boubacar Décoll Ndiaye, Oumar Keïta, Mouhamed Ndiaye et Mamadou Seck.

Dans ce groupe, il ne connaît que le dernier, mais n’est membre d’aucune association religieuse. ‘’Pourtant à l’enquête, vous aviez dit que tous les 15 jours, vous vous retrouviez à Darou Naïm pour des conférences religieuses’’, lui a lancé le substitut Aly Ciré Ndiaye. Soutenant dans un premier temps qu’il y voyait des collègues ouvriers, l’accusé a fini par reconnaître qu’il y a vu une fois Mamadou Seck dit Masseck, l’accusé mineur dont la chambre avait prononcé la disjonction, suite à une exception soulevée par son avocat. Le maître des poursuites de revenir à la charge, en lui rappelant qu’à l’enquête, il avait déclaré qu’il connaissait Makhtar Diokhané et ses frères. ‘’Vous aviez même ajouté que les rencontres étaient marquées par la présence de Makhtar Diokhané, en 2014, et il se limitait à écouter les enseignements, il ne se prévalait d’aucun titre’’, a poursuivi le parquetier, en lui rappelant qu’il avait même chargé Mouhamed Ndiaye, en disant aux enquêteurs qu’il ne croyait qu’au djihad. ‘’Je ne m’en rappelle pas’’, a-t-il répondu.

L’étudiant genevois perdu par la quête du savoir en Mauritanie

Hier, il n’y a pas eu que l’accusé Mor Mbaye Dème à faire l’objet de compassion. Car après avoir écouté le récit de Mamadou Moustapha Mbaye, certains n’ont pu cacher leur tristesse à l’endroit de l’étudiant genevois embarqué dans cette affaire de terrorisme, alors qu’il voulait apprendre sa religion. Vivant en Suisse depuis 1996, avec sa mère, Mamadou Moustapha Mbaye, 34 ans, désirait apprendre le Coran et l’arabe. Sa quête du savoir l’a conduit en Mauritanie, car on lui a fait croire que c’est un pays réputé pour la mémorisation du Coran, sans compter que les études y sont gratuites. Pour en avoir le cœur net, il a fait une visite de terrain en compagnie de son épouse et de son ami Aboubakry Sakho. Convaincu, il a décidé de s’installer dans la ville de Tarkhine avec son épouse et ses trois enfants.

Son apprentissage n’a duré que cinq mois, puisqu’il a été arrêté en février 2016. Inculpé pour acte de terrorisme, association de malfaiteurs, apologie et financement du terrorisme et blanchiment de capitaux, hier à la barre, il a déclaré qu’il ignorait pourquoi il a été mêlé à cette affaire. Car il n’est membre d’aucune association religieuse et parmi ses co-accusés, il ne connaît que Décoll Ndiaye.

‘’Je l’ai connu lors de ma première visite en Mauritanie. Puisque j’avais son contact, quand je suis revenu pour m’installer, je l’ai appelé et j’ai dû le voir souvent. Etant curieux, je suis entré dans plusieurs maisons où vivent des Sénégalais’’, a expliqué l’accusé. Toutefois, il a soutenu qu’ils n’ont jamais échangé sur le djihadisme. ‘’Que répondriez-vous, si on vous demandait : « Etes-vous prêt à aller faire le djihad pour le triomphe de l’Islam », lui a demandé le président.  ‘’Mon djihad, c’est ma femme et mes enfants’’, a répondu Mamadou Moustapha Mbaye.

Interpellé par le parquetier sur l’intérêt qu’il porte aux ouvrages liés à Daesh et Boko Haram, il l’a justifié par le besoin de s’informer. ‘’S’il y a des problèmes qui concernent ma religion, j’essaie de faire des recherches mais je n’ai envie de tuer personne, car je suis du genre à convaincre par mes paroles et non par les poings’’, a expliqué le Sénégalo-suisse dont le vœu est de retourner en Suisse. Car, s’est-il plaint, depuis son incarcération, les responsables de la prison lui refusent de communiquer avec ses parents basés à l’étranger.

FATOU SY

 

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