Publié le 21 Sep 2016 - 14:28
POLEMIQUE AUTOUR DE L’AFFAIRE PETRO-TIM

La contre-attaque du Pm

 

Comme il y a près de deux ans, le Premier ministre Mahammad Dionne entouré à nouveau de quelques membres du gouvernement a livré une communication sur les contrats pétroliers. Mais cette fois-ci, il s’est agi d’une simple déclaration, à la place d’une conférence de presse annoncée. 

 

Le doute n’est plus permis : les sorties de l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye et de l’ex-inspecteur principal des impôts et domaines récemment radié, Ousmane Sonko indisposent les tenants du pouvoir. Mais, c’est sans doute les attaques du leader du parti  Pastef  qui posent plus de problèmes au régime, car lors d’une déclaration, lue hier  devant la presse, l’actuel Premier ministre Mahammad Dionne n’a cessé de faire allusion à lui. La preuve par la récurrence des termes ‘’patriote’’ et ‘’éthique’’ qui composent le nom du parti de Sonko. A la place d’une conférence de presse annoncée (ce qui aurait permis aux journalistes de poser des questions), le chef du gouvernement n’a même pas fait de point de presse. Il s’est contenté d’une déclaration.

Un exercice auquel il se serait sans doute bien passé, car le Pm déclare avoir estimé personnellement que le débat sur l’exploitation des permis d’exploration de pétrole était clos après les sorties du ministre de l’Economie, Amadou Ba et de son collègue en charge de l’Energie, Thierno Alassane Sall. Mais face à la persistance des déclarations, M. Dionne a senti la nécessité d’apporter une réplique à forte dose polémique. Une décision motivée par trois raisons essentiellement. La première selon lui, c’est que des compatriotes en parlent sans disposer d’assez éléments sur la question. A ses yeux, ceux là sont non seulement excusables, mais ils méritent d’avoir de plus d’informations.

La deuxième est que d’autres personnes, animées à son avis d’une mauvaise volonté, ‘’tentent de désinformer l’opinion et jeter le discrédit sur l’Etat et ses institutions’’. La troisième raison est que le marché est à l’écoute du Sénégal et que toute confusion pourrait décourager les investisseurs. Pour tout cela, le Pm a estimé nécessaire d’apporter sa version et surtout de rendre public l’ensemble des contrats pétroliers. Mahammad Dionne déclare avoir donné des instructions au secrétaire général du gouvernement, Abdou Latif Coulibaly, pour qu’il mette en place une task-force chargée de publier, dans les jours à venir, l’ensemble des documents détenus par Pétrosen, le Journal officiel et l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie). Il ajoute même qu’il va négocier avec les compagnies minières pour que tous les contrats miniers soient eux aussi mis à la disposition du public.

Pétrotim, filiale à 100% de Pétro-Asia de M. Wong

S’agissant du cas particulier de Pétro-Tim et qui est à l’origine de toute cette polémique,  le Pm précise d’abord qu’elle est une filiale à 100% d’une société chinoise, Pétro-Asia, appartenant à un certain M. Wong. Le fond du problème dans cette société, précisons-le, c’est qu’Aliou Sall le frère du Président Sall est au cœur de l’affaire. Pour ce qui est de la recherche dans les deux blocs que sont Saint-Louis offshore et Cayar offshore, elle n’a pas débuté hier. Elle date de 1967, selon le Pm. Mais ce qui intéresse dans cette affaire, c’est la signature de l’actuel contrat en vigueur.

Selon le successeur de Mimi Touré, c’est en décembre 2011, alors que le Président Macky Sall était opposant que Pétro-Tim Limited a signé un mémorandum d’entente avec l’Etat du Sénégal. Ce mémo a permis la signature d’un contrat le 17 janvier 2012, sous le magistère de l’ancien Président Abdoulaye Wade. L’Etat du Sénégal prend d’office les 10% et Pétro-Tim garde les 90%. Suite à ce contrat, Pétro-Tim a été racheté par Timis corporation, selon les mots du Pm qui n’a pas précisé quand est-ce que ce rachat a eu lieu et selon quelles conditions ? L’Etat du Sénégal a-t-il joué un rôle dans cette transaction ? On n’en saura pas davantage avec lui.

Cependant, Mahammad Dionne a assuré que tout a été fait sur la base du code pétrolier daté de 1998. D’après M. Dionne, il s’agit là de dispositions standards avec lesquels ont travaillé les régimes de Diouf et Wade et aujourd’hui Macky Sall. ‘’Ce sont des documents-types qu’on ne modifie pas en fonction de la tête du client’’, ajoute-t-il. Dans tous les cas, lorsque Timis corporation, la société de Franc Timis a senti qu’il ne pouvait plus avancer toute seule dans les explorations, plutôt que de renoncer à son permis, il a fait un appel à un géant doté d’une plus grande capacité financière. Il s’agit de Kosmos Energy.

Cette opération est appelé accord ou contrat d’affermage. Dans des termes moins techniques, il s’agit d’une cession de parts et d’obligations. En d’autres termes, Kosmos va se charger des travaux que Timis devait faire et en contrepartie, celle-ci lui cède une partie de ses parts. C’est ainsi que le contrat a été conclu entre les deux compagnies. Là où Timis s’était engagée auprès de l’Etat du Sénégal à investir 100 millions de dollars  dans les travaux de recherches, Kosmos décide de porter la somme à 250 millions de dollars. En contrepartie, il récupère 60% des 90% de Timis.

‘’Ce sont des plus values qu’on taxe, pas des investissements’’

Et c’est là où il y a la grande polémique. D’aucuns disent que l’Etat a renoncé à des impôts dans cette transaction. Le Pm soutient le contraire et invoque la loi de 1998 portant code pétrolier. Selon lui, les opérations de recherches coûtent très chères et sont hasardeuses en matière de rentabilité. En voulant demander des charges supplémentaires à des privés qui investissent sans être sûrs de rentabiliser, on pourrait bien les dissuader. ‘’A cause des résultats peu encourageants, l’Etat n’avait pas jugé utile de demander aux opérateurs des bonus de signature. C’est pourquoi le législateur n’a pas souhaité taxer de telles cessions de parts et obligations de travaux (…)’’, souligne-t-il.

À ceux qui parlent de renonciation ou fraude fiscale, il rétorque : ‘’ce sont des plus values qu’on taxe, pas des investissements, des engagements de travaux’’. Ce qui lui fait dire que dans la phase d’exploration, les recettes de l’Etat sont insignifiantes. Car, elles se résument à des taxes de surface, fonds sociaux, frais de formation et de promotion du bassin, etc. Ce n’est qu’en 2012 après que le prix du baril eut franchi la barre des 100 dollars que l’Etat, à la recherche d’argent, a exigé le paiement de bonus à hauteur de 500 000 dollars à verser une seule fois. Ce n’est pas tout, puisqu’avec le nouveau code général des impôts (2012), ‘’les mutations de propriété sont désormais appréhendées d’impôts aussi bien pour le cédant que le cessionnaire’’.

Considérant que le pétrole est un métier spécifique difficile à comprendre, il invite ceux qui en parlent à aller se former comme lui en prenant des cours de droits pétroliers. ‘’S’ils veulent un stage à Pétrosen, je vais les sponsoriser’’, plaisante-t-il. Une plaisanterie de courte durée, puisque Mahammad  Boune Abdallah Dionne a terminé son propos par des menaces (voir ailleurs). 

BABACAR WILLANE

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