Publié le 10 Jan 2017 - 18:21
POLITIQUE CULTURELLE DU SENEGAL

Ce sont les infrastructures qui manquent le plus

 

C’est de l’euphémisme de dire que le Sénégal manque d’infrastructures culturelles. Même si l’Etat est en train de faire des efforts dans ce sens, il est plus qu’urgent de construire des salles de cinéma, des bibliothèques ou encore une grande salle de spectacles.

 

‘’Les gens ne demandent plus, après un concert au Grand-théâtre, si le spectacle était bien, mais plutôt si la salle était pleine’’, dénonçait le chanteur Alioune Mbaye Nder, dans EnQuête du week-end dernier. Lui qui a déjà joué dans diverses grandes salles de spectacles du monde dont l’Olympia ne veut pas se laisser impressionner par un lieu qui n’accueille que 1 800 places. Ce qui n’est pas le cas pour d’autres qui s’en enorgueillissent même. La remplir ne doit pas être un défi d’autant plus que rien que pour les servitudes du Grand-théâtre, il faut compter 200 places offertes. Finalement, l’organisateur se retrouve avec 1 600 billets à vendre. Les invitations qu’il distribue ne sont pas encore prises en compte. On se demande alors quel est le mérite de faire le plein au Grand-théâtre. Aucun, s’empresseraient de dire certains.  Pourtant, c’est la plus grande salle de spectacles du pays. A part ce lieu pour faire une soirée ou un concert avec plus de 1 800 personnes, il faut le faire dans un stade ou à l’esplanade du monument de la renaissance africaine ou encore au centre international de commerce extérieur du Sénégal (Cices).

 Au stade, ce n’est pas toujours commode et convivial. Le Cices peut s’avérer trop petit, Youssou Ndour peut vous en donner la confirmation. C’est dire que le manque d’infrastructures culturelles est une réalité. Aujourd’hui, à part le Grand-théâtre qui ne reçoit que 1 800 invités, il n’y a pas de grandes salles de spectacles au Sénégal. Chez nos voisins ivoiriens, au Palais de la culture d’Abidjan par exemple, le théâtre Bernard Dadié a une capacité d’accueil de 5 000 personnes. Le Sénégal devrait aller vers ce genre d’initiatives-là. Aujourd’hui, le pays reçoit de plus en plus d’artistes étrangers. Les organisateurs se rabattent souvent sur le monument de la Renaissance. Il est temps de penser à la construction d’une salle de spectacles digne de ce nom. Seulement, il faut éviter de commettre les mêmes erreurs que le régime précédent. Le monument de la Renaissance africaine, la Place du Souvenir africain tout comme le Grand-théâtre ont été construits sans que l’on pense au contenu à y mettre. Au final, ils ne servent pas réellement à ce qu’ils devaient servir. Pour exemple, dans un entretien avec EnQuête, le Xalam 2 disait avoir porté son choix sur Sorano pour son retour sur la scène, en juin 2015, plutôt que le Grand-théâtre. Car, considéraient-ils, la scène du Grand-théâtre n’est pas faite pour les spectacles du musique. Pourtant, c’est tout ce qu’elle reçoit pratiquement aujourd’hui.

Un cinéma sans salles

Par ailleurs, si les musiciens, danseurs, etc. ont ces salles suscitées pour leurs prestations, les cinéastes n’ont presque rien pour montrer leurs films. Il n’y a presque pas de salles de cinéma, chante-t-on souvent. Seulement, rien n’est fait si ce n’est la réfection de celles existant encore dont le cinéma ‘’Awa’’ de Pikine tel que l’annonçait d’ailleurs en 2014 le directeur de la cinématographie Hugue Diaz : ‘’Nous sommes conscients du problème des salles. Parce que faire du cinéma et ne pas avoir des outils économiques pour rentabiliser les productions, c'est un grand dommage. La salle est le levier économique du cinéma. L'urgence a fait que l'Etat, par le biais du Ministère de la Culture et du patrimoine classé et la direction du centre national de la cinématographie, a tenu à réhabiliter quatre salles classiques qui sont la salle de cinéma  située à la Médina, non loin du stade Iba Mar Diop. On a le cinéma ‘’Awa’’ de Pikine. Il y a Baba ciné de la Gueule Tapée et le cinéma Christa de Grand-Yoff. Les travaux de rénovation qui ont commencé l'année dernière seront terminés cette année’’. Rien que 4 salles au moment où le Maroc en comptait 31 il y a deux ans. Aujourd’hui, le cinéma est doté d’un Fonds de promotion d’un milliard. Il sert à financer des projets de films et tout récemment la distribution et d’autres activités visant à promouvoir les réalisations des cinéastes. Mais, il est plus que temps que l’Etat se tourne aujourd’hui vers la construction de salles de cinéma. Car, les acteurs de ce secteur sont ceux qui donnent le plus de satisfaction au plan international actuellement.

Le Sénégal a pu régner sur toute l’Afrique en 2011 grâce à Alain Gomis, Moussa Touré, Khardiata Pouye et Ousmane William Mbaye. Le premier cité a remporté l’étalon du Yennenga au Fespaco cette année-là grâce à ‘’Tey’’. Moussa Touré a gagné le Tanit d’or aux journées cinématographiques de Carthage quelques mois avant le Fespaco où il a remporté le Yennenga de bronze avec ‘’La pirogue’’. Que dire de William Mbaye. Non seulement, il a remporté le Yennenga de bronze dans la catégorie documentaire mais il y a présenté un film retraçant une importante partie de l’histoire du Sénégal. Alors, il serait bien que ces films vus ailleurs soient montrés là où leurs réalisateurs habitent.

Aujourd’hui, dans le secteur culturel, en termes d’infrastructures, les plasticiens sont les mieux nantis, du moins en milieu urbain. A Dakar, on trouvera pas mal de galeries publiques ou privées allant de celle nationale, à la Galerie Boribana ou encore Kemboury. Le musée des civilisations est fin prêt et le président de la République a annoncé son ouverture pour avril prochain. Quoi de mieux ? En attendant, ils ont le musée Théodore Monod où ils peuvent exposer ou encore l’ancien Palais de justice de Dakar devenu un musée d’art contemporain. Après avoir reçu l’exposition In de la dernière Biennale de Dakar, ce lieu est aujourd’hui donné aux artistes par le président de la République qui en a ainsi décidé. Et là, il n’a fait qu’honorer une de leurs demandes. Bien des plasticiens en ont formulé le vœu au cours de la Biennale.

Les zones rurales sont plus en manque

Leur chance n’est pas celle des écrivains. Si aujourd’hui, il y a pas mal de librairies et quelques maisons d’édition, il n’y a pas de bibliothèque. Dans le projet de Wade, ‘’les sept merveilles’’, est prévue la construction d’une bibliothèque nationale. En attendant, les amoureux du livre et de la lecture se contentent de celles qui sont dans les centres culturels régionaux, l’institut français de Dakar, ou encore celle universitaire. Dans les bibliothèques des CCR, les ouvrages qu’on y trouve, s’ils ne datent pas de Mathusalem, sont des livres de jeunesse.

Par ailleurs, même si le manque d’infrastructures culturelles est une réalité partout au Sénégal, Dakar est mieux doté que les régions. Dans certaines localités, difficile de trouver autre chose que les centres culturels régionaux. Encore que certains d’entre eux manquent de matériels. C’est pour cela que le ministère de la Culture et de la Communication a entrepris d’en réhabiliter mais aussi de les équiper. L’ancien ministre de la Culture Abdou Aziz Mbaye avait donné le ton à travers ses ‘’tournées de la diversité culturelle’’. Chaque région qui le recevait avait droit à de nouveaux équipements. Le processus a été interrompu quand Mbagnick Ndiaye a été nommé. Fort heureusement dans le budget du ministère de la Culture et de la Communication pour l’exercice 2017, l’aspect réhabilitation des CCR est pris en compte. Mais il faudrait peut-être faire mieux et plus en dotant d’équipements et de moyens ces derniers mais en pensant également à construire dans ces régions d’autres infrastructures.

BIGUE BOB

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